Thomas Cornely : Rêves, doutes et apogée

- 21 août 2023

Lorsque la route est semée d’embuches, on retrouve deux types de personnes : Les valeureux qui ont poursuivi leur chemin, et les malchanceux, dépassés par les évènements. Thomas Cornely s’est confié à nous sur son histoire.

Occupé et concentré sur des évènements familiaux, Thomas Cornely est en vacances sans l’être tout à fait. Rendez-vous à distance, quelques fois reporté, car oui, l’emploi du temps d’un basketteur professionnel est parfois chargé, même quand la saison est terminée. Mais nous nous apprêtons à entrer dans le monde de Thomas Cornely…

Deux passions, une destinée

Depuis petit, le natif de Saint-Jean-de-Braye (Loiret) est passionné par le basket. À 4 ans, le petit Thomas découvre ce sport par le biais de son frère aîné, qui a trois ans de plus. Mais ce sport n’est pas le seul à l’animer.

« J’ai une deuxième passion, j’aime bien la moto. J’ai toujours fais du basket, mais n’étant pas prédestiné à être pro, en sortie de collège je me suis lancé dans un BEP et bac pro mécanique moto. »

Un déplacement à Limoges marquera le début d’une nouvelle page dans le livre de la vie de Thomas Cornely.

Thomas Cornely (avec le maillot au numéro 10) lors du tournoi à Landouge (quartier de Limoges)

« J’étais en cadet région, et il y avait un tournoi international auquel on participait avec mon équipe à Limoges. Je ne connaissais pas du tout la ville, Beaublanc ou même l’histoire du CSP. Un samedi, j’ai pris une claque, on avait eu l’occasion d’aller voir un match. C’était incroyable de vivre ce moment en tant que spectateur. »

Le lendemain, jour de match, finale du tournoi. Un dicton dit qu’une finale ne se joue pas, elle se gagne. Parole tenue, Thomas et les siens l’ont fait. Du monde est venu assister à cette rencontre, de quoi penser que le destin sourirait au Loirétain.

Une carrière plein de rebondissements

Claude Bolotny, figure emblématique du CSP, était présent et l’avait repéré. Cependant, la situation sportive du CSP était délicate. En Pro B à cette époque, le club n’était pas monté en division supérieure.

« Je suis resté en pré nationale chez moi à Orléans, en parallèle avec mon bac pro mécanique moto. »

Cet épisode à Limoges n’était pourtant pas le premier de cette série de rebondissements dans la carrière de Thomas Cornely.

« Ce fut une grosse déception de ne pas avoir été pris à Limoges. J’avais déjà fais des tests auparavant à Strasbourg, à Vichy et à chaque fois ça ne se faisait jamais. Soit c’était une question d’hébergement, soit il y avait déjà quelqu’un à mon poste. »

Parfois, il suffit d’y croire pour avancer. Un an après, Limoges le rappelle pour passer des tests.

« J’avais jamais vu autant de gens pour passer un test. On était une cinquantaine, beaucoup n’étaient pas très forts sans vouloir me vanter. »

Les péripéties ne s’arrêtent pas là. Première saison en Espoirs, sur l’exercice 2010-2011 mais les Limougeauds sont relégués en Pro B. Une très mauvaise nouvelle qui signifie qu’il n’y a plus d’équipe « Espoirs ».
Cependant, l’Orléanais avait adopté un rythme de travail encore plus intense. Passé de 3 entraînements maximum par semaine, il se prêtait à la tache tous les jours. Le regretté Frederic Forte lui dit pourtant : « Tu as perdu une année. »
« Il m’a expliqué qu’il ne m’avait pas vu plus que ça à la salle en train de travailler. Je lui dit pourtant que je m’entraîne tous les jours, parfois je viens le matin avec les pros. Il me répond que ce n’est pas du travail en plus. J’e n’avais pas trop compris à cette période. Ensuite, Frédéric Sarre a voulu me garder dans le groupe. J’ai connu les Joseph Gomis, Raphaël Desroses, Kyle McAlarney, Jean-Michel Mipoka et j’ai compris ce que c’était de bosser. J’ai pris une belle leçon de vie. »

« Je vais te casser pour mieux te reconstruire. »

S’il avait joué 6 matchs avec l’équipe professionnelle en Pro B, Thomas Cornely jouait aussi en Nationale 3 en parallèle.

« Je rencontre alors un agent, je ne connaissais pas ce monde. J’espérais rejoindre Bertrand Van Butsele à Quimper. Cela ne s’est pas fait, je me suis retrouvé sans club. En Nationale 3, on est montés car on a été champion. Limoges voulait me garder en Nationale 2, mais je voulais aller en N1. Finalement, retour à la maison à Orléans. Tu passes deux ans de folie à Limoges et tu rentres chez toi sans rien, tu te dis « c’est donc comme ça que ça se passe ? » Puis je signe à Ormes en N2, à côté de chez moi. »

Après la chute, la remontée

Lorsque l’on connaît les coulisses de cette arrivée à Ormes, on se dit que la vie d’un basketteur ne ressemble pas à ce que l’on peut imaginer. Contacté par Benjamin Avon, promu avec Coulommiers, les premières paroles sont loin d’être attirantes, mais néanmoins, le message est clair.

« Il me dit qu’ils n’ont pas d’argent, pas de kiné, et que je ne serais pas titulaire au début car ils ont gardé le même meneur que la saison passée. Je lui ai juste demandé une chose : est-ce que tu me fais jouer si je suis bon ? Il m’a dit oui. C’était la seule condition. »

Déterminé, l’Orléanais intègrera le 5 de départ dès le premier match amical. Une place qu’il n’a plus perdu. Une période qui reste néanmoins très douloureuse dans sa vie.

« Il faut le dire, quand t’es en Espoirs, t’as les étoiles dans les yeux. Tu suis les pros, t’as pas la pression des résultats, il y a des kinés, c’est super. Tu te dis que ce sera toujours comme ça. Puis un jour je me retrouve en N2. Je suis retourné chez moi, j’étais avec mes amis d’enfance. Le basket à Ormes c’était pas terrible. Je n’allais pas à l’entraînement parfois. L’ambiance n’était pas si bonne, en plus j’avais un peu de route à faire. »

Manque de pratique, manque de motivation, parfois le jeu ne prend pas le dessus.

« On me donnait 180 euros, donc t’es pas super motivé non plus. Cet argent me servait pour l’essence parce que j’avais au moins 20 minutes de route pour aller là-bas. Un moment, je me suis dit qu’il fallait profiter de cela pour faire quelque chose. Alors j’ai commencé un programme musculaire pour mes jambes avec l’un des coachs en place à cette époque. »

Blessé au poignet, il est approché par l’ADA Blois. Sans médecin à Coulommiers, le futur meneur Blésois, à cette époque, serre les dents et fait tout pour camoufler cette douleur, par peur d’être écarté une nouvelle fois.
Mais la douleur fut trop importante pour continuer, alors Thomas décide de l’examiner.

« Le médecin m’a dit que le poignet était cassé, l’os était calcifié. Je traînais cela depuis un mois et demi. J’en ai pleuré. Je me suis dit que c’était fini, Blois n’allait pas me prendre. Je suis en N2, un club de N1 avec de l’ambition me veut, en plus c’est près de chez moi, c’était trop bien. »

« Quand je suis arrivé à Limoges, je devais payer 100 euros pour jouer avec les Espoirs. »

Finalement, Blois joue le jeu et prend de ses nouvelles. Il manque la préparation, mais l’ADA l’accepte. Nouveau club, nouveau coach, ce n’est déjà plus la même mayonnaise. « Je tombe sur un coach très droit, carré et pointilleux, ce qui change de ce que j’ai pu connaître avant. » Une autre phrase reste dans la tête du trentenaire : « Je vais te casser pour mieux te reconstruire. »

Une relation pas comme les autres

Des clashs, des réconciliations : en famille, amitié ou en couple, ce sont les hauts et les bas. Entre entraîneur et joueur, ces étapes sont aussi obligatoires. Mickaël Hay est une personnalité que le meneur ne pourra pas oublier.
« Au début, je ne dirais pas que c’était difficile. Je voulais complètement déstructurer son jeu (rires). Il ne comprenait pas pourquoi je voulais casser toutes ses habitudes. Quand on apprend une nouvelle chose, on casse des habitudes. Il avait du mal à le comprendre, et c’est pour cela qu’il a voulu partir dès sa première année. »

En N2 ou N1, un joueur connaît ses forces et ses faiblesses. La Pro B, considérée comme un championnat très physique et compliqué, oblige l’athlète à se transformer. Toutefois, le coach de Blois savait ce qu’il faisait.

« Je croyais en lui sinon je ne l’aurais pas pris. Cependant, je n’aurais jamais pensé que 9 ans après il serait un joueur de Pro A. Je ne me projette pas sur le long terme avec les joueurs pour être honnête. Cette fidélité pendant 7 ans  entre nous lui aura tout de même permis de devenir ce qu’il est aujourd’hui. »

Cette rencontre aura construit le personnage du meneur emblématique de l’ADA.

« Au départ, il n’avait pas ce caractère là. C’est aussi cela qui l’a fait grandir en tant qu’homme. Il ne savait pas du tout ce que c’était d’évoluer au sein d’une équipe professionnelle, même s’il avait connu les Espoirs à Limoges. »

Revanche sur la vie

Il faut le dire, l’ancien Caennais a fait face à un bon nombre de surprises. « Quand je suis arrivé à Limoges, je devais payer 100 euros pour jouer avec les Espoirs. » dit-il, en prenant des pauses. « C’est maintenant que je suis basketteur professionnel que je me rend compte de tout ça. Je les ai jamais payé ces 100 euros. Quand je vois que dès les premiers mois, certains sont payés 250 ou 400 euros dans l’équipe, ils avaient des contrats stagiaires, aspirants etc. Je me suis demandé pourquoi je devrais payer alors que les autres n’ont pas besoin. »

A à peine 20 ans, il se retrouve dans une situation financière plus que compliquée. Difficile d’imaginer alors qu’il est possible de continuer. Pourtant, le temps fait parfois bien les choses.

« Je me suis dit, mon dieu, si ça reste comme ça cette ambiance, je pars. »

« Un jour, Frédéric Sarre m’a dit qu’il voulait me garder dans les 10. Il m’a demandé comment ça se passait pour moi. Je lui ai dit que j’ai galéré. Il me propose 600 euros, je lui demande s’il y a un appartement avec. Il me répond que non ce n’est pas sûr. Je lui répond que ce ne sera pas possible, je ne pouvais pas continuer ainsi. Il me dit que s’il a trouvé une solution, il me rappelle la semaine suivante, sinon c’est qu’il n’y en a pas. Il me rappelle et me propose 1200 euros sans appartement. Je lui dit oui. »

Certaines personnes auront toujours plus à faire pour arriver où elles veulent. Champion de N1 avec Blois en 2016, le club ne le conserve pas à cause des règlements sportifs liés aux joueurs de moins de 23 ans.
Mais deux ans plus tard, il revient. La saison fut correcte, en 7e position avec 55,9% de victoires. Puis sur l’exercice 2019-2020, ils sont champions de France avec un bilan de 19 victoires et 4 défaites. La fête sera de courte durée, puisqu’ils ne pourront pas monter en première division, la faute à un refus d’agrément du centre de formation.

« Pour moi la Pro A, c’était que du plus. Même si c’était quand même important, le fait d’être déjà en Pro B, c’est trop bien. Lorsque la sentence est tombée, le club a pris une claque. Moi je ne l’ai pas pris comme eux. Je me disais que j’avais signé dans une belle équipe de Pro B, mais ce n’était pas pareil pour eux. »

Une prise de conscience « philosophique » comme le décrit Thomas Cornely.

« Six ou sept mois après cette saison, le coach m’a dit qu’il l’avait vécu comme un deuil. Quand il me l’a dit, j’ai compris. À la fin de cette année, je me suis dit ce sera bientôt fini avec Blois, je resterais peut-être une année de plus pour honorer mon contrat mais après je pars, je ne voyais pas le bout. » Sur un ton presque humoristique, il parle de l’ambiance au sein du club. « Je me suis dit, mon dieu, si ça reste comme ça cette ambiance, je pars. »

Finalement, l’ADA se relève, recrute Alexis Tanghe, Stephane Gombauld, ou encore Lucas Bourhis, des joueurs qui permettront au club de reprendre espoir en vue des objectifs fixés. Le premier participera à la campagne 2021-2022, lors de laquelle Blois remporte les Playoffs, et monte en Betclic Elite.
Désormais une page va se tourner puisqu’il rejoint Gravelines-Dunkerque pour la saison 2023-2024. Si Si l’ADA a voulu le garder, Thomas a décidé de relever un nouveau challenge. Aujourd’hui, il a atteint son objectif de jouer en Betclic Elite.

« J’ai 32 ans, je vois que c’est ma première année de Pro A. Je joue contre des gars qui en ont 27 ou 28 et c’est leur huitième saison en Pro A. Aujourd’hui, on me dit aussi  « c’est fou tu as joué contre deux mecs qui ont fini dans le top 10 de la Draft. » L’année est folle, personne ne s’attendait en plus à ce que l’effet Victor Wembanyama prenne une ampleur mondiale. Puis j’ai joué contre Nando de Colo que je regardais souvent à la télé. »

Ainsi se trace le parcours d’une vie. Entre les rêves et les doutes, il n’y a souvent qu’un pas. Entre les doutes et la gloire, il y en a beaucoup plus. À l’apogée, le recul dessinera des sourires.

Crédit photo : Tuan Nguyen / ADA Blois

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