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La hype française : justifiée ou excessive ? (Partie 2)

- 22 janvier 2024

Réputé comme l’un des meilleurs pays formateurs et des plus compétitifs, la France bénéficie d’une grande lumière sur la planète basket. Les jeunes sont sujets à une énorme médiatisation, ce qui amène à quelques débats sur la véritable valeur de ces derniers.

« Avant les stars étaient sur le terrain. Aujourd’hui, elles se créent sur Instagram et Twitter »

Il faut le dire, les réseaux sociaux contribuent fortement à cela. Entre excès de confiance, aucune prise de conscience et peu d’humilité, quelques joueurs se brûlent les ailes, ou presque.
Il fut un temps, celui que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, où les vrais potentiels étaient dénichés par les spécialistes. Aujourd’hui, tout le monde a son mot à dire, certains joueurs se vanteraient même de pouvoir emprunter ce chemin grâce à quelques prouesses. Un véritable souci qui émerge d’après Christian Corderas.

« Avec l’avènement des réseaux sociaux, chaque joueur ayant mis trois dunks dans une année va les passer sur les réseaux. Il va se prendre pour une star, et ça c’est vraiment un souci. Avant les stars, elles étaient sur le terrain. Aujourd’hui, elles se créent d’abord sur Instagram et Twitter. Ça fait beaucoup de mal aux joueurs. Parce qu’à force de poster des vidéos, il y en a beaucoup qui y croient. Malheureusement, ces mecs tombent de très haut. »

Amara Sy

En vingt ans, les mentalités ont bien changé. Ce qui est normal, mais cela ne signifie pas toujours que c’est positif. Auparavant, un entraîneur était libre de ses choix. Il n’avait pas ou peu de pression lorsqu’il voulait mettre son plan en oeuvre. Aujourd’hui, c’est une toute autre histoire. Selon Amara Sy, ce n’est pas facile d’être un tacticien de nos jours.

« Le problème, ce n’est pas les jeunes, mais le système. Plus jeune, j’étais comme eux, j’étais impatient, pressé, je voulais être sur le terrain tout de suite. J’ai eu la chance de tomber sur des cadres, des entraîneurs fermes, qui ont su me faire patienter. Aujourd’hui, un coach a la pression du staff, des agents, des joueurs, des scouts car tel joueur peut aller en NBA. Avant, il n’y avait pas tout ça. À l’époque, s’il y avait un joueur à fort potentiel et qu’il ne jouait pas, ce n’était pas un scandale. Maintenant, il y a cette pression face à l’argent et face à la médiatisation. Il aura aussi la pression des résultats, c’est compliqué. Être coach aujourd’hui, ce n’est pas évident. »

Un poids sur les épaules crée par tous les acteurs du basket français. Des contraintes poussant parfois un jeune à s’exporter à l’étranger. Un choix que comprend Joël Ayayi :

« C’est dur de s’imposer en France, ça prend du temps. Il n’y a pas beaucoup de jeunes qui y arrivent. Ça veut dire que si tu ne pars jamais, tu peux rater cette fenêtre. »

Un avis que tout le monde partage. Ce n’est pas facile pour un jeune de s’imposer en France, encore moins de refuser une occasion en or de toucher de près son rêve américain. Ce serait hypocrite de reprocher à un joueur de moins de 20 ans de s’échapper aux USA le plus vite possible. S’il reste, il peut se blesser, et cette opportunité ne se représentera probablement plus jamais. Il y a de quoi avoir des regrets. Pour Christian Corderas, ces départs sont souvent traduits par un manque de confiance ressenti par le joueur vis-à-vis de son club.

« Je pars du principe que ça dépend de la situation que tu as dans ton club formateur. C’est-à-dire qu’il faut se poser certaines questions. Est-ce que tu as la capacité de jouer ou non ? Est-ce que tu as de la place ? Est-ce qu’on te la laisse ? C’est toujours la même chose. On voit qu’il y a une majorité de joueurs qui sont issus des centres de formations de Pro A, on dit qu’il doit aller en Pro B pour pouvoir jouer. Est-ce qu’on te laisse la place pour jouer, le temps et le potentiel pour t’exprimer ? Est-ce qu’on te laisse le temps de faire des erreurs ? Un jeune joueur va les faire, et il faut les accepter. Je pense que la majorité de ces jeunes joueurs partent parce qu’ils ne ressentent pas la confiance du club pour les mettre sur le terrain. »

Néanmoins, faire ce long voyage peut être synonyme d’une perte de temps.

« Si le rêve américain, c’est agiter une serviette ou du vent, jouer quand il y a -30 ou +20, faire des allers-retours en G-League à un niveau qui n’est pas extraordinaire, je trouve ça extrêmement dommageable comme choix de carrière. » affirme Rémy Delpon, directeur général de l’Elan Chalon.

La faute à de mauvaises ambitions. On entend souvent dire qu’il faut dans un premier temps exercer une activité par passion et par envie. Peut-on dire que certains jeunes abordent leur carrière sportive de la meilleure des manières ?

« Il y a l’amour du basket, le moteur basket qui rentre en compte. Peut-être que pour certains joueurs, le basket, c’est un prétexte ou simplement un métier. Ceux qui veulent faire une carrière dans ce sport, ascensionnel, où chaque année ils progressent, ont un rôle plus important, ils peuvent voir que tous les exemples montrent que le meilleur moyen d’y arriver est de commencer par jouer en Europe. »

Il y a un peu plus de deux mois, lors d’un entretien avec Laurent Sciarra, ce dernier nous parlait de ces trois lettres magiques : NBA. Un objectif primaire pour les jeunes, qui passe même avant l’Équipe de France.

« Si ton but c’est la NBA, tu vas pouvoir faire ta maille. Mais il y a de bons clubs européens, pourquoi tu ne passerais pas par là avant ? Pourquoi tu n’irais pas prendre des tartes ailleurs avant d’y aller ? On veut tout vite, puis avec Wembanyama, on voit qu’il donne l’exemple à pleins d’autres gamins. Quand je lisais à travers les lignes l’interview d’Armel Traoré, il disait vouloir faire une grosse saison pour être mieux classé à la Draft. Le fils Risacher, c’est pareil. Essaye déjà d’être performant avec ton club. C’est la philosophie et la mentalité du moment. »

Avec ces éléments, devrait-on penser que ces jeunes n’ont pas la tête sur les épaules ? Pensent-ils être prêts, mais à tort ? Cela peut arriver d’après Amara Sy. Néanmoins, ce genre de décision n’est pas à prendre individuellement.

« Ça arrive qu’il soit le seul à penser qu’il soit prêt pour partir. Dans ce cas, c’est qu’il n’a pas ce recul ou cette intelligence. Le joueur prend sa décision, certes, mais il faut être capable d’entendre ce que son entourage veut lui dire. C’est une décision personnelle, en concertation avec l’agent, la famille, les proches etc… C’est comme une équipe. S’il est seul, c’est qu’il y a un problème. Si c’est un potentiel NBA dans cette situation, qu’il prend lui-même la décision, que tout le monde l’écoute, il est très mal parti. »

S’ils veulent tenter leur chance à l’étranger, on peut dire qu’ils ont confiance en leur potentiel. Là est toute la différence, car, la Draft ne se base plus sur un niveau mais bel et bien sur un potentiel d’après Ayité Ajavon.

« Il y a encore 15 ans, la NBA draftait sur un niveau. Aujourd’hui, c’est essentiellement sur un potentiel. Dans ce cas, faut-il vraiment être « prêt » pour y aller ? Si les scouts pensent qu’il a le potentiel pour être un top player dans 4 ans, alors ils vont se dire « au moins, on l’a avec nous. »
Je me dis parfois qu’on en fait beaucoup autour de certains joueurs, mais si on considère que les franchises draguent sur un potentiel, alors il est difficile de dire que ce joueur est surestimé. Dans le pire des cas, on va dire qu’il l’est parce qu’il a été choisi 15e, alors qu’il aurait dû être 20e. Quoi qu’il en soit, il aura été choisi. Et c’est peut-être le plus important.
Tu prends une décision à l’instant T, parfois tu le sais 5 ou 10 ans plus tard si c’était la bonne. L’avenir leur donnera donc raison ou tort. »

Victor Wembanyama

Surcoté ou pas ? Le débat est difficile à trancher lorsque l’on fait des suppositions. Si vous pensez qu’un joueur est surestimé, on peut dire de vous que vous êtes un hater. Si vous pensez l’inverse, on peut dire que vous n’êtes pas objectif. Parfois, on peut croire qu’on en fait trop autour de certains prospects. Dans ce cas de figure, c’est parce qu’il n’a pas forcément un profil unique. En NBA, les « freak » sont de plus en plus présents, et recherchés. En EuroLeague, les joueurs ne sont pas les plus grands athlètes, mais ils sont capables de faire la différence à n’importe quel moment. En France, difficile de trouver des profils uniques à chaque coin de rue. Être bien entouré est le socle d’une carrière réussie. Seulement, le travail, les ambitions, le sérieux, la discipline, et surtout la différence sont des facteurs de réussite. On voit probablement des jeunes Français « surcotés » car leur place dans les Mock Draft ne sont peut-être pas le reflet de leur potentiel à l’instant T. Néanmoins, cette opinion sera bonne ou pas dans quelques années.

Crédit photo : BCL / EuroCup / Perth Wildcats / Ann-Dee Lamour / Tuan Nguyen

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