
Sami Pissis comme vous ne l’avez jamais connu. Tout ce que vous ne savez pas et ne trouvez pas sur lui, vous le trouverez ici. Au-delà du basket et de la saison difficile d’un point de vue collectif, le Francilien nous délivre un message plein de rêve, d’espoir et d’émotion.
Un témoignage fort que nous a offert le meneur de New Hampshire. Un jeune homme qui vise la lune et qui compte bien y atterrir.
On trouve très peu d’informations sur toi, peux-tu nous dire qui est vraiment Sami Pissis ?
Je ne jouais pas au basket à la base. Mes parents en faisaient et mon grand frère aussi, donc j’ai suivi logiquement.
J’ai fait une détection à Paris-Levallois en U13, j’ai été sélectionné, j’y ai fait mes deux ans en U15 France. À la suite de cela, je cherchais un centre de formation, je pense que l’on a tous vécu un peu la même chose. C’est-à-dire que l’on a mangé des refus ou des demandes pour venir en détection. Je me suis dit qu’il fallait essayer autre chose. Je ne savais pas quoi mais il fallait autre chose.
Avec mon grand frère, on a commencé à parler d’opportunités à l’étranger. On a rencontré quelqu’un qui nous a facilité la tâche avec ses contacts.
Je suis parti en Floride, en High School (Melbourne Central Catholic) après ma 3e. J’ai fait mon collège en France, et mon lycée aux États-Unis. Je jouais avec des gens qui jouaient pour s’amuser donc le niveau n’étais pas top mais je m’en suis sorti.
“Pour m’attirer, Southern Louisiana a recruté mon grand frère.”
Mon coach a pris sa retraite alors j’ai voulu regardé ailleurs. Je suis parti dans une High School en Géorgie, à Trinity Christian (ville de Sharpsburg), c’était ma dernière saison en High School. J’étais à 22 points, 5 rebonds et 4 passes décisives de moyenne. Malheureusement, c’était l’année post-Covid, donc pas de recrutement pour personne.
J’avais toutes les division 2 du pays, je ne veux pas cracher dessus car beaucoup de gens aimeraient avoir cette chance, mais j’avais un objectif en tête.
Je me suis dit qu’avec une année Prep School, ce serait bénéfique pour moi. Je suis parti à Middle Georgia Prep et j’ai cartonné à tous les matchs. J’ai été élu meilleur joueur, meilleur passeur, meilleur scoreur et meilleur défenseur, je faisais tout dans cette équipe.
J’ai pu jouer en AAU avec Game Elite sur le circuit Adidas, une équipe très renommée. Scoot Henderson était le meneur titulaire de l’équipe, il est parti en G-League à la mi-saison. C’était une énorme occasion pour moi, j’ai sauté dessus et j’ai eu trois offres en division 1.

Tous les coachs m’ont suivi et un soir de Noël je décide de signer à Southern Louisiana. Je pensais avoir du temps de jeu dès mon arrivée, je connaissais les joueurs, j’avais visité l’université et je me disais que je pouvais cartonner là-bas. D’autres écoles me voulaient mais je n’avais pas la même certitude concernant le temps de jeu.
Pour m’attirer (Southern Louisiana), ils ont recruté mon grand frère. On était ensemble ce soir-là et on avait toujours rêvé de jouer ensemble. La première partie de la saison était correcte, puis des choses hors de notre contrôle se passent.
Je n’ai pas eu d’autres opportunités pour revenir en division 1 dans la foulée car les coachs parlent et s’il décide de salir ton nom, il va le faire.
J’ai eu tous les Junior College que je voulais, et je suis parti à Chipola (Marianna, Floride). Le coach que je rejoignais était l’ancien entraîneur principal de l’université de Tennessee et il a coaché en G-League à Toronto et Detroit. Il a connu Fred Van Vleet, Pascal Siakam, Sekou Doumbouya… Cela m’a donné l’envie de jouer pour lui.

C’était donc l’année dernière et j’ai beaucoup aimé. On a vécu une saison de fou, mais je me suis fracturé un ligament du pied. On avait un bilan de 18-1, j’étais le meilleur scoreur, passeur, intercepteur, je jouais presque tout les matchs.
Je me blesse grièvement sur un match, j’étais au top et tout à coup c’est la chute. Je comprends rapidement que les coachs veulent des joueurs disponibles de suite, donc ma place va rapidement être prise. Beaucoup d’écoles me parlaient, et puis d’un coup plus rien.
On a fini par gagner le tournoi de l’État de Floride. On part au tournoi national Hutch sans moi et sans notre poste 4 qui faisait tout le sale boulot. Dès le premier match, on se fait écraser.
Je le dirais jusqu’à la fin de mes jours, si mon coéquipier et moi étions là, on avait la meilleure équipe de tous les Junior College et on gagnait tout.
Ensuite, j’avais 3-4 options, j’ai choisi New Hampshire. La saison ne se passe pas très bien, on a commencé à 0-15. Ce n’est pas le pire car je joue et je peux me remettre en question.
Lorsque nous sommes arrivés en conférence, j’ai eu un déclic. Je me suis dit que perdre, ce n’est pas ce que je fais. Je n’ai jamais eu de saison à moins de 50% de victoires. Cette année, c’est la première fois que cela m’arrive. Je ne me suis pas donné le choix, il fallait cartonner.
Pour que l’on fasse quelque chose cette année, je dois en faire beaucoup. Je ne peux pas me plaindre car c’est l’opportunité que j’ai toujours attendue.
“Au niveau où je suis, tout le monde a du talent. Ce n’est pas cela qui va faire la différence. On est tous ici pour une raison.”
Malgré les résultats, arrives-tu à être satisfait de tes performances ?
Je suis perfectionniste, et je ne tire pas à un très bon pourcentage. J’estime être capable de shooter à 40% à 3 points, et je n’y suis pas. Sur les tirs à 2 points aussi, je peux faire mieux. C’est du travail personnel, ça rentre assez pour faire des statistiques mais ça ne rentre pas comme je le voudrais. Je ne suis jamais satisfait.
Tu tiens un discours de pur meneur. Sur ta bio Twitter, tu écris d’ailleurs « True PG » (véritable meneur).
Toute ma vie, on a essayé de me dire que je suis un poste 2 et que je dois scorer, ou que je suis un 1 et que je dois passer. Personne ne voulait me laisser faire ce que je voulais et ce que je pouvais faire.
Cette saison, je commence sur le poste 2 et je vais pouvoir jouer meneur pendant 20 minutes. Cela casse un peu mon rythme car même si je score beaucoup, je suis agressif quand j’ai le ballon. Ce qui signifie que tout le monde doit faire attention à moi sur le terrain.
Je pense qu’avec certains changements tactiques on peut gagner. Ce n’est pas mon job donc je m’occupe de ce que je peux contrôler. J’ai appris mes leçons des années passées.

Tu parlais de ton année à Southern Louisiana lors de laquelle tu as pu jouer avec ton frère. Peux-tu nous en parler un peu plus ?
C’est indescriptible comme sensation ! Je te raconte l’anecdote. Mes parents sont venus pour Noël, on a loué un Airbnb. Il y avait mes parents, mon petit frère, mon grand frère (Mehdi Pissis), son fils et moi.
Je savais que je prenais ma décision avant de repartir. Mon frère n’avait aucune offre et jouait en Junior College. J’avais parlé de mon frère à mon coach en disant qu’il pouvait nous aider et qu’il n’était pas dans une très bonne situation. Je lui ai simplement conseillé de jeter un oeil et s’il me disait non, il n’y avait aucun problème.
Mon coach m’appelle et me parle de mon frère. Il me demande de lui envoyer des vidéos, des highlights, des matchs… Le lendemain, il l’appelle et il lui dit qu’il aime son jeu et qu’il le voulait dans l’équipe.
Lorsque mon frère reçoit l’appel, il me dit de venir avec lui, on s’enferme dans une chambre et j’entends tout car mon frère met l’appel en haut-parleur.

Je suis devant lui, j’entends le coach et je n’y crois aucun mot, j’ai l’impression que c’est un rêve. Quand il raccroche, mon frère me regarde et de la même manière que je le regarde.
Le jour où on est arrivés, on est allé au gymnase directement. On a un pris un ballon et on marchait pendant 20 minutes, on n’a pas tiré une seule fois. On aurait aimé que cela se passe d’une manière et pas d’une autre mais je n’ai aucun regret.
Depuis qu’il a 15 ans, on ne vivait plus ensemble, et cette année-là, mon frère était mon colocataire. Aujourd’hui, il a arrêté le basket. L’année suivante, il regardait pour être transféré ailleurs, il a joué dans un open gym et il s’est fracturé le genou. C’était sa deuxième opération, il avait un enfant à charge… Il est rentré en France et a commencé à travailler.
En partant aux USA, avais-tu un plan fixé dans ta tête ?
L’objectif était précis avant de partir. Il fallait se poser les bonnes questions : « Est-ce que l’on essaye ça pour de vrai ? » ou « Est-ce que tu es prêt à tout lâcher et à tout mettre dans ce rêve ? »
Je sentais quelque chose, je savais que j’avais du talent. Je ne me suis jamais reposé sur ça car aujourd’hui, au niveau où je suis, tout le monde a du talent. Ce n’est pas cela qui va faire la différence, on est tous ici pour une raison.
L’objectif final n’est pas d’être professionnel mais de devenir le meilleur joueur possible. Je ne jugerais pas cela au niveau où je suis, ou à l’endroit dans lequel j’évolue.

J’ai appris que certains joueurs étaient meilleurs que d’autres qui jouent à un meilleur niveau. Leur style de jeu ou leur profil peut être recherché dans tel endroit.
En partant, je me suis dit que je devais tout donner pour le basket. Aux États-Unis, c’est plus facile d’avoir un bon cursus cumulant études et sport. C’est un point que mes parents ont beaucoup apprécié car cela signifie que je ne vais pas délaisser l’école. En France, si tu es professionnel ou en contrat aspirant, c’est plus difficile de suivre les cours.
Quand je suis parti, je me disais que je ne vais rien lâcher tant que je ne suis pas en NBA. J’ai fait mes années High School, mon année Prep pour ça. Si je n’ai pas signé en division 2, c’est aussi pour cette raison. Je suis parti en Junior College, et j’ai essayé de rebondir en NCAA pour ça. J’ai encore une belle opportunité car je joue et je performe. J’ai l’opportunité de me montrer. Je le fais mais je peux faire mieux.
On vise là-haut et pas plus bas. Aux États-Unis, ils disent que si tu vises la lune, tu vas atterrir dans les étoiles. Cela veut dire que c’est en dessous, mais ce n’est pas mauvais, tu as réussi à faire quelque chose de ta vie.
Je donne tout et on verra, je serais satisfait si à la fin j’ai tout donné.
“On m’a dit qu’un meneur ne pouvait pas mettre 40 points.”
Avec un avenir dans le basket, tu te vois retourner en France un jour ?
Il y aura un avenir dans le basket, c’est sûr et certain ! Je ne veux juste pas juger ma valeur en tant que joueur par rapport à ma destination. Je ne veux rien faire d’autre que de jouer au basket. C’est une question d’opportunités et de cohésion avec l’équipe dans laquelle j’évolue.
Si l’opportunité de rentrer en France se présente, et que Dieu m’appelle à le faire, pourquoi pas ? Mon scénario de rêve était de faire 3 ans en NCAA et entrer en NBA.
Peut-être qu’avec plus de réussite en Louisiane, on aurait fait deux ans, j’aurais cartonné et je serais parti. Le plan changé, je me suis dit qu’il fallait cartonne en Junior College puis en NCAA, le plan a changé car je me fais opérer. Je me suis dit qu’il fallait cartonner cette année, je suis toujours dans le même plan, et je ne vais pas le lâcher.

Je préfère me concentrer sur l’instant présent. Au moment où l’université est terminée, je regarde ce qu’il se présente à moi. Si le retour en France est le mieux pour moi et ma carrière, il n’y a pas de soucis. Je ne veux pas non plus jouer pour une équipe française qui ne joue rien, je joue pour gagner.
On dirait que la mentalité américaine a construit ta personnalité, tu confirmes ?
Je dirais que je l’avais avant. En France, on sentait que le jeu n’était pas exactement ce que l’on voulait.
Je ne sais pas si c’est parce que l’on regardait plus la NBA qu’autre chose. Ce qui est sûr, c’est que l’on n’avait pas le jeu européen. En France, quand j’ai commencé en U13, je marquais 40 points sur certains matchs. Je suis passé U15, on m’a dit qu’un meneur ne pouvait pas mettre 40 points.
J’étais étonné qu’on me le dise car selon moi peu importe qui marque 40 points, tant que l’on gagne, c’est le plus important. J’étais choqué car je joue au basket, et si je vois que je peux marquer, je vais marquer.
“Il m’a dit que s’il rentrait chez lui, il n’était pas sûr de rester en vie.”
Ensuite, on m’a dit en U18 qu’il fallait que je sois un meneur comme Ricky Rubio. Je leur ai demandé ce qu’il avait gagné et ils n’ont pas su me répondre. Je ne veux pas être quelqu’un d’autre, je veux être moi.
Volontairement, on veut te mettre dans une case, et je ne voulais pas de cela. Quand je suis parti, on m’a expliqué que la mentalité aux États-Unis insiste sur le fait que les gens n’ont rien d’autre que le sport.
La réalité est que certains n’ont pas d’autres choix que de réussir dans le sport sinon, ils vont rentrer vivre chez leur mère et vendre dans la rue. Ils ne veulent absolument pas de cette vie. Je le comprends totalement.

J’ai une anecdote ! Pour l’été, je ne rentre pas en France, et une fois j’étais avec un coéquipier qui ne rentrait pas chez lui non plus. Je lui ai posé la question, parole de coéquipier, on va être ensemble toute l’année, donc je veux apprendre à te connaître… Il m’a dit que s’il rentrait chez lui, il n’était pas sûr de rester en vie.
C’est terrifiant à entendre, il n’y a pas d’armes à chaque coin de rue en France. J’ai l’impression que les gens se disent qu’ils vont faire ce qu’ils ont à faire et rentrer chez eux le soir. Je trouve que cela sonne dépressif. Aux États-Unis, ils apprécient un peu plus la vie. Chacun a son histoire et chacun fait ce qu’il peut faire pour que cela fonctionne.
J’ai appris à sortir de mon lit tous les jours en étant heureux. J’ai l’opportunité de faire ce que je fais. Il y a des gens qui ne se réveillent pas, qui se réveillent en étant malade… Je prends ce que je peux prendre et je saisis chaque occasion que la vie me donne car tout peut être perdu en un claquement de doigts.
Crédit photo : Meg Rice / UNH Men’s Basketball / Chipola / Southern Louisiana