JFLs, pourquoi sont-ils au chômage ?

- 5 octobre 2023

Alors que la saison 2023/24 de Betclic Elite a démarré, ils sont de nombreux JFL au chômage, mais pourquoi ?

Jeunes ou moins jeunes, en début ou en fin de carrière, joueurs référencés dans le circuit français… Chaque année, ils sont de nombreux joueurs formés localement (JFL) à se retrouver sans contrat ou à rejoindre des destinations peu ordinaire comme dernièrement Hugo Besson au FMP Belgrade ou encore Nobel Boungou-Colo en Arabie Saoudite. Mais alors pourquoi autant de JFLs, précieux pour les clubs français, se retrouvent sur le marché une fois la saison lancée.

Parmi les joueurs les plus connus de cette liste, Giovan Oniangue fait partie de ceux qui sont aujourd’hui sans club. Alors qu’il valait encore plus de 11 points et 10 d’évaluation la saison dernière avec l’Elan Béarnais en Betclic Elite. Fort de plus de 12 saisons en première division français, l’ancien joueur d’Orléans et partenaire d’entraînement à Monaco pendant la pré-saison est revenu pour nous sur ce phénomène qui se répète chaque année chez les JFLs.

« C’est vrai que c’est un problème qui se répète d’année en année, déplore l’ancien gravelinois. Mais je ne pense pas qu’il y ait une seule raison. Il y a plusieurs facteurs qui font que des JFLs se retrouvent sans contrats. Certains se sont blessés, du coup les clubs hésitent à les prendre redoutant une rechute ou simplement par peur de manque de performance. D’autres qui n’ont pas le profil recherché par les coachs. D’autres pour leur réputation. Tous les joueurs sans clubs ne le sont pas pour les mêmes raisons. Pour parler de la Betclic Élite, il y a aussi d’autres paramètres à prendre en compte, notamment le fait qu’il y a 3 descentes. C’est quelque chose à prendre en compte lorsque les coachs font leur recrutement.« 

Il confie lui-même ne pas savoir pourquoi il est sans club à l’heure actuelle.

« Je ne sais pas. Il faut demander aux coachs, en France on me connaît, ça fait plus de 10 ans que je suis dans le circuit. Certains savent ce que je peux leur apporter, d’autres non. Ce sont des choses que les joueurs ne peuvent pas contrôler. Il faut peut être demander aux coachs.« 

Mais il y a un facteur à ne pas négliger et qui n’a pas été mis en avant par l’ancien ailier du Paris-Levallois, c’est bien sûr le facteur financier. Et pour essayer de comprendre un peu mieux l’importance de l’argent dans le fait de retrouver beaucoup de JFLs au chômage, nous avons demandé son avis à un agent installé dans le marché français. Habitué des négociations et de parler argent aussi bien avec les clubs qu’avec les joueurs, il ne nous a pas caché que, selon lui, le volet financier est la problématique principale des joueurs sans contrat.

« On dit souvent que les JFL sont plus chers que les américains. Je ne suis pas forcément d’accord là-dessus dans la globalité. Par contre, sur des joueurs qui se trouvent dans la moyenne, ils sont effectivement un peu plus chers. La vraie problématique, c’est que les joueurs ont tendance à se surévaluer. En tant qu’agent, on fait le maximum pour avoir le meilleur contrat possible pour le joueur mais parfois en sachant que sa vraie valeur est un peu en-dessous du tarif demandé. À un moment donné, les clubs se disent qu’ils vont prendre des JFLs juste pour prendre des JFLs. On peut le voir avec les Metropolitans 92 qui ont signé Ylan Esso Essis. Ensuite, l’argent est mis sur les Américains. Je pense que le sytème n’aide pas les JFL, mais la notion financière est réelle. Mais ce n’est pas toujours évident de discuter avec un joueur et de lui faire comprendre qu’il veut 120 000 euros mais qu’il en vaut 90 000 ou 100 000. Cette différence de prix fait que les clubs vont prendre un joueur de Pro B qui va coûter 60 000 et mettre le reste sur un Américain ou un Bosman qui ne sera pas forcément beaucoup plus fort qu’un JFL mais qui acceptera de prendre 20 000 ou 30 000 euros de moins« , analyse-t-il.

L’impatience de la jeunesse

Il est de moins en moins rare de voir également de jeunes joueurs français se retrouver sans club et galérer pendant plusieurs saisons alors que le talent est bien présent. On pense forcément à Sekou Doumbouya, mais on peut également penser à Hugo Besson, bien qu’il vienne de signer en Serbie, ou encore Rudy Demahis-Ballou. Deux d’entres eux étaient d’ailleurs aux côtés de Giovan Oniangue en tant que partenaires d’entraînement à l’AS Monaco. Une Roca Team très exigeante depuis plusieurs saisons et qui peine à mettre en avant les jeunes joueurs en fin de formation. Rudy Demahis-Ballou est un exemple, mais Kevin Cham avant lui en est un autre, ou encore dans une moindre mesure Yoan Makoundou la saison passée. Lui qui a dû se faire prêter au Buducnost Podgorica pour aller chercher des responsabilités.

« Plusieurs paramètres aussi sont à prendre en compte. Il y a un phénomène que j’appelle fast-food. Ça veut dire que la plupart des gens aujourd’hui font de la consommation rapide. Du coup la plupart des jeunes veulent tout et de manière rapide. Ils veulent jouer vite, avoir la gloire vite, l’explosition vite, mais ne payent pas le prix nécessaire pour. Malheureusement, l’exposition aux réseaux sociaux n’aide pas donc il leur faut un vrai entourage, sincère avec eux et des coachs qui prennent le temps de leur expliquer que ce n’est pas la course mais que c’est étape par étape. Il ne faut surtout pas avoir peur de redescendre à un niveau plus bas pour remonter petit à petit. Lorsque tu as une vision, et que tous les jours tu travailles pour accomplir cette vision tu finiras par récolter ce que tu sèmes chaque jour« , analyse Giovan Oniangue.

Pendant la pré-saison, l’ancien joueur du BCM Gravelines-Dunkerque a notamment eu l’occasion de côtoyer Théo Pichard. Sorti de l’INSEP à 18 ans, il a rejoint cet été les rangs de l’AS Monaco et n’a pour le moment joué que quelques secondes en Betclic Elite après cinq journées.

« Il y a des saisons où ce qui est important c’est l’observation. Observer la manière de travailler des meilleurs, prendre de l’expérience. L’expérience ne s’acquiert pas uniquement par le fait d’être sur le terrain, mais d’abord d’observer les meilleurs. Et en sortant de la, les jeunes doivent se servir de ce qu’ils ont vu pour exceller à leur tour. Des jeunes comme Théo ont besoin d’apprendre et de manger un maximum. Au delà du jeu, il y a beaucoup à apprendre. Il faut observer le leadership, le caractère, la discipline, l’excellence de certain, l’éthique de travail des autres. En prenant exemple de tout ça et lorsqu’un jeune applique tout ce qu’il a pu observer, je lui donne simplement rendez-vous au top, surtout quand tu côtoies des joueurs comme à Monaco où tous les joueurs ont des qualités, certes différentes les unes des autres, mais des qualités excellentes. Mais en faisant ça, il faut aussi rester humble car comme je le disais c’est un process et ces joueurs la n’y sont pas arrivé du jour au lendemain. Donc l’humilité doit être la qualité première de ces jeunes afin qu’ils puissent aller de progrès en progrès« , conclut l’ailier JFL.

Crédit photo : Tuan Nguyen

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