Nouveau manager général des Sharks d’Antibes, Remy Delpon revient, pour nous, sur le sujet des départs en NCAA. Après notre live Instagram de ce dimanche, nous avons posé quelques questions à un personnage bien connu du basket français qui s’est plaint à plusieurs reprises sur cette problématique. Du franc-parler, des propositions pour aider les clubs formateurs, son départ dans la Côte d’Azur, vous y retrouverez tout.
Ces derniers jours, le sujet des jeunes Français partant pour la NCAA revient de plus en plus sur la table. Pour vous, cette évasion pour le rêve américain fait mal au basket français ?
Je me suis déjà exprimé plusieurs fois dessus. Évidemment qu’elle fait mal, elle met à mal tout le système de notre formation et le système vertueux de nos clubs formateurs. C’est une catastrophe.
Cela fait plus d’un an que j’ai alerté les instances et les clubs. C’est une catastrophe pour la formation, la manière de faire est honteuse. Il n’y a aucune indemnité pour les clubs. Nous avons pu trouver une parade pour ne pas dédommager les clubs qui investissaient dans la formation depuis des années.
Avec le système du NIL qui est apparu, c’est une hypocrisie. La loi nous interdit de bloquer un jeune lors de son parcours étudiant.
Tout le monde sait que 9/10 ne partent pas pour les études. Ils partent pour le rêve américain, pour le billet qu’on leur propose puisque les sommes sont parfois astronomiques. De plus, le taux de réussite reste à démontrer.
Est-ce un sujet sur lequel vous avez échangé avec d’autres personnes du milieu ? Avez-vous des idées pour faire changer les choses ?
J’ai eu des échanges avec la fédération, l’union des clubs, les familles et diverses instances.
Encore une fois, cela va alerter des gens sur les dangers que l’on encourait. Depuis 2021, je m’exprime dessus en disant « attention, avec ce NIL, une catastrophe arrive ».
À l’époque, j’étais un peu seul et ce qu’il se passe cet été, quand on voit le nombre de départs et les timings très tardifs, cela a réveillé un peu tout le monde.
J’ai discuté avec le président de la fédération, il m’a dit que c’était un dossier qui était sur la piste chez eux. J’ose espérer que ce ne soit plus au-dessus de la piste, mais qu’il soit le premier à défendre.
J’ai proposé quelques mesures. J’ai travaillé avec des juristes pendant 6 mois, et il n’y a pas énormément de pistes. Tout ne dépend pas des clubs ou de l’individu.
C’est soit par la commission paritaire, soit par le ministère lié à la convention de formation, ou la fédération ou la FIBA sur d’autres points.
Nous, français, étions un peu les seuls à monter au créneau. Le but serait de réussir à fédérer d’autres ligues. Nous sommes les plus touchés, mais pas les seuls.
“L’hypocrisie que l’on retrouve aujourd’hui, c’est que ces jeunes partent avec des droits d’image, sont soit disant étudiants, et sont payés une fortune.”
Vous dites avoir proposé quelques mesures. Lesquelles ?
La première, que l’année de formation soit valorisée. Lorsque l’on signe un contrat aspirant ou stagiaire, que l’on puisse chiffrer une année de formation, ce qui est en train de se faire. Ce ne sera pas la solution, mais une petite, qui permettra à minima de dédommager les clubs.
J’ai l’habitude de dire les choses, donc je vais donner un exemple. Kyshawn George, c’est 100 000 € et la sélection au premier tour de la Draft, c’est 650 000 $.
Cela ne suffit toujours pas, mais c’est déjà une petite avancée.
Le deuxième point, le plus important, c’est de parvenir à faire évoluer la convention de formation avec le ministère afin d’intégrer la NCAA.
Si demain, un joueur part dans un club FIBA, le club d’où il part est indemnisé. S’il part en NCAA ou dans une ligue non-affiliée à la FIBA, ce n’est pas le cas. Il faut à tout prix que ces ligues non-affiliées à la FIBA entrent dans le giron des ligues stipulées dans le centre de formation.
Je sais qu’il y a une réunion au début du mois de janvier au ministère à ce sujet.
Avec ces départs, ne voyez-vous pas un manque de confiance des jeunes envers les clubs français ?
Non, pas du tout. La preuve avec les deux derniers numéros 1 de la Draft qui sont français, viennent des clubs français, et se sont imposés dans un championnat de haut niveau avant de partir et avoir un vrai rôle en NBA.
Le calcul de partir avant est un mauvais calcul. À Chalon, ce n’est pas que depuis cette année que nous sommes impactés.
Je peux prendre l’exemple de Quentin Diboundje qui est parti en NCAA et Junior College NCAA, aujourd’hui, il n’a toujours pas percé. Quand on voit ceux qui ont commencé à jouer en Pro B ou Betclic Elite, qui se sont imposés, et ont eu un rôle majeur, c’est bien plus rapide d’accéder à la NBA avec un rôle en France, Europe ou Coupe d’Europe que de passer par le cursus universitaire américain.
“Je ne pense pas avoir fait les choses à l’envers, mais de manière digne et respectueuse.”
Et puis, les chiffres le montrent.
Les chiffres le montrent, mais tout dépend de l’environnement familial, de l’agent, de l’ambition du joueur aussi.
Le problème n’est pas de ne pas les mettre sur le terrain. C’est justement quand ils sont sur le terrain qu’ils sont encore plus exposés.
Il faut que ce soit un projet commun et collectif. Malheureusement, les clubs formateurs se retrouvent cocus.
Maintenant que vous êtes à Antibes, mettez-vous un point d’honneur à ce que les jeunes du centre de formation des Sharks soient conseillés sur leur avenir ?
Je l’ai fait à Chalon pendant des années. Je suis à Antibes depuis 15 jours. J’ai déjà eu ces échanges avec JD Jackson et la direction.
Je comprends que certains joueurs soient frustrés car on ne leur donne pas de rôle. Néanmoins, beaucoup leur donnent des rôles. Ce n’est donc pas une excuse aujourd’hui, et ce n’est pas l’argument numéro 1.
L’hypocrisie que l’on retrouve aujourd’hui, c’est que ces jeunes partent avec des droits d’image, sont soit disant étudiants, et sont payés une fortune. Les agents sont commissionnés à une valeur supérieure sur ces contrats d’image par rapport à des contrats de joueurs.
Tant que l’on n’aura pas blindé le système au niveau juridique, on sera battu. Malheureusement, on a pris du retard. Aujourd’hui, il n’y a pas grand-chose à faire juridiquement.
J’avais proposé d’allonger la durée du contrat professionnel. Au football, on peut signer un contrat de 3 ans si on le signe avant la dernière année de contrat stagiaire. Cela a été refusé par le syndicat des joueurs.
Le cas de Zacharie Perrin qui est allé à Illinois et qui est rentré quelques mois après, est intéressant. Il a fait une très bonne saison en Pro B, il a décroché un bon spot en Betclic Elite.
Si cette dernière se passe bien, il aura plus de chances de réussir en NBA avec ce parcours plutôt qu’en passant par l’université.
Pour parler un peu plus de vous, votre départ de Chalon a été une grande surprise. D’après les rumeurs, le club ne semblait pas au courant. Pourquoi être parti soudainement ?
Non (rires). J’ai mis tout le monde au courant, cela s’est fait très vite, j’ai été contacté très tard, au début du mois de mai.
Le club a été informé très rapidement, 15 jours ou 3 semaines après. Je pense avoir fait les choses proprement.
Les relations que j’ai avec le président, mes collaborateurs et l’environnement économique à Chalon sont bonnes. Je ne pense pas avoir fait les choses à l’envers, mais de manière digne et respectueuse.
La rumeur n’est qu’une rumeur comme il y en a des centaines.
Crédit photo : Charlotte Geoffray