ITW Mohammed Aoun (Châlons-Reims) : « Aujourd’hui, être compétiteur c’est aussi avoir des valeurs »

- 24 mai 2023

Fraîchement qualifiés au Trophée du Futur en remportant les Playoffs du championnat Espoirs Pro B, Châlons-Reims sera la huitième équipe à participer à cette compétition. Pour sa première saison avec les Espoirs du Champagne Basket, le technicien Mohammed Aoun frappe fort.

Première saison avec les Espoirs du Champagne Basket, champions de France des Espoirs Pro B, est-ce surprenant pour toi d’être arrivé jusque la ?
Le mot « surprenant » est peut-être fort mais en tout cas ce n’était pas forcément prédit que l’on soit champions de France. Il y a des équipes qui étaient plus calibrés et armés. Je pense notamment à Chalon-sur-Saône, ASA ou Orléans. Mais, on savait que l’on pouvait faire parti de ces équipes qui amèneraient un peu de suspens.

Six joueurs de l’effectif ont participé au Trophée du Futur la saison passée en évoluant en Espoirs Elite. Grâce à cette expérience, l’équipe peut-elle être prétendante au titre ?
C’est quand même ambitieux (rires). Il y a des grandes armadas. L’an dernier, ils en ont pris 30 au Trophée du Futur contre Cholet. Parmi les joueurs déjà présents la saison passée, deux étaient des joueurs majeurs, et avaient un vrai rôle. Les autres ne jouaient pas ou quasiment pas.
Ce qui est sûr, c’est que cela a amené une certaine assurance au groupe. Le fait d’avoir deux, trois joueurs leaders qui ont déjà participé au Trophée du Futur, qui ont connu le championnat Espoirs Elite, ça a permis de mettre à l’aise les autres joueurs qui n’ont rien connu.
Maintenant, le Trophée du Futur, ce n’est que du plus. Sincèrement, quand je vois le niveau de Roanne au premier tour, je me dis que si on les bat, c’est un exploit.

Ce qui veut dire que les attentes ne sont pas trop hautes à l’approche du tournoi ?
Si bien sûr. Les gars à la fin du match dans les vestiaires ont dit « maintenant, c’est Roanne ». Simplement, je ne pense pas que l’on inspire de la crainte ou que l’on puisse se considérer comme un prétendant au titre.
Maintenant, on est matrixés à l’idée d’aller chercher Roanne, et ensuite embêter soit l’Asvel, soit Cholet. Mais nous devons être réaliste aussi, si on veut y aller, il faut sortir des gros matchs comme on l’a fait contre Orléans.

” Sur le terrain contre nous, tu sens que tu vas jouer face à une équipe “

Certains joueurs comme Kyliann Gousset ou Christopher Ratinet? qui ne sont pas des titulaires habituels? ont fortement augmenté leur production pendant ces playoffs. D’autres surprises sont-elle à prévoir de ta part ?
Le fait qu’ils veuillent gagner des matchs, et gagner un titre c’est leur objectif collectif. Le mien, c’est de les accompagner le plus loin possible, de les rendre meilleur. Il y a plein de données, qu’elles soient mentales, physiques ou autre. Un joueur comme Christopher n’était pas en confiance, se posait des questions, parfois, c’était difficile de comprendre les choses. Lorsqu’il a commencé à se relâcher, il a fait ce qu’il a fait et méritait son temps de jeu. Il a joué plus, et a été super important, notamment contre Aix-Maurienne.
Kyliann, c’est quelqu’un a qui il est arrivé beaucoup de choses. C’était important pour lui de monter en puissance. C’est notre capitaine, il montre l’exemple. Il a un état d’esprit valeureux, positif. Notre état d’esprit est ce qui nous a permis d’aller remporter ce titre. Aujourd’hui, tous les joueurs se sentent transcendés. Pour gagner le match, il faut calmer l’équipe.
S’il y a d’autres surprises à prévoir ? Oui, les petits jeunes par exemple. On a un joueur comme Axel Laine qui n’a pas beaucoup joué, mais qui pourrait largement jouer pendant 10 ou 15 minutes, et avoir le même rendement qu’un Alan Robert Suarez.
Maintenant, il y a des priorités, Alan est sortant, alors il faut le mettre en avant. Un gamin comme Axel Laine qui est rentré à peine 10 secondes en finale et qui a mis 2 points, a une forte capacité à shooter.
Lorsque l’on a joué contre Aix-Maurienne, on avait pas Maxime Semelet, qui est resté avec les pros. À la place, j’ai fait joué Georly Okoko pendant 26 minutes, un U18, poste 4-5. Il nous a sorti un gros match. Aujourd’hui, il y a 14 joueurs dans notre équipe qui peuvent rentrer sur un terrain Espoirs et jouer. Il y a des joueurs comme Kameronn (Selebangue), Maxime, Thomas (Klein), Lucas (Pommier), comme Kyliann ou Alan qui maintiennent leur rôle.
Ces joueurs sont tout le temps présents, et seront toujours à fond. Le petit Elijah (Bakayoko) a fait un match stratosphérique défensivement en demi-finale contre Orléans. Le plus dur était que tout le monde comprenne son rôle, et la force qu’il pouvait apporter à l’équipe grâce à celui-ci. Aujourd’hui, tout le monde l’accepte et en a conscience.
En finale, Kamil Cardot a joué 10 minutes, et plus tôt dans la saison contre Saint-Chamond, il joue 20 minutes et met 15 points. La force de cette équipe est d’être unie malgré tout.

Mohammed Aoun (à gauche) et Christopher Ratinet (au centre avec le ballon)

En regardant cette équipe, on peut avoir le sentiment que la performance collective ne sera pas forcément valorisée du point de vue statistique. Est-ce une identité propre à ta méthode ?
Je pars du principe que la défense n’est pas valorisée par les statistiques. À part les interceptions ou les contres, mais sinon pas tant que ça. C’est pourtant notre base. À partir de là, oui, il y a des choses que les statistiques ne montrent pas. Il y a tout le mindset, l’état d’esprit. Les mecs qui s’encouragent, l’ambiance, l’autonomie qu’ils ont développé. Il y a aussi la lecture du jeu, les choix. On peut attaquer les zones et les différentes défenses sans que j’ai besoin de passer 15h aux entraînements à travailler sur tel ou tel option. Je pense que le plus gros élément qui ne se voit pas qui nous a permis d’arriver jusqu’ici, d’apprécier notre saison et de développer des liens fraternels, c’est l’état d’esprit. C’est la chose sur laquelle j’insiste le plus dans ma façon de faire, le mindset. On a vécu des galères ensemble sur le terrain, mais aussi de très belles choses, même en dehors du terrain. C’est l’histoire d’une vie, et une parenthèse d’un an pour certains ici. Quand tu regardes nos matchs, que tu es sur le terrain contre nous, tu sens que tu vas jouer face à une équipe. L’équipe se relèvera s’il y a un ou deux joueurs ne sont pas très bons.

Ce qui est marqué dans les vestiaires ” formons de futurs grands hommes et de futurs grands joueurs “

Dans plusieurs interview disponibles sur Youtube, on t’entend souvent dire que certaines valeurs sont fondamentales lorsqu’un joueur intègre un centre de formation. Ta priorité est plutôt l’aspect humain ou sportif ?
Je pense sincèrement être un éducateur, et je l’assume complètement. Cela ne veut pas dire que je ne suis pas compétiteur, et ce n’est pas pour autant que mes équipes ne le deviennent pas.
Aujourd’hui, être compétiteur c’est avoir des valeurs aussi. Si tu veux être un compétiteur, il faut se remettre en question. Donc, ces fameuses valeurs de travail et d’humilité sont fondamentales pour progresser. Dans l’humilité, il y a aussi le principe de respecter ses coéquipiers et d’apprendre à les connaître. Savoir avec qui on était, connaître leur histoire, pourquoi ils étaient ici, et ne plus être simplement centré sur le basket.
Je pense sincèrement que dans la vie, si on prend le soin de savoir avec qui on est, et de savoir qui nous sommes réellement, on ne peut que performer. Ce qui ne signifie pas forcément « gagner un titre ». On aurait pu ne pas être champions, j’aurais tenu le même discours. Aujourd’hui, la grosse victoire, c’est que tous mes joueurs savent qui ils sont. Cette expérience les a fait grandir, tous mes joueurs ont progressé en tant que personne, ont accepté les différences de chacun, ont compris qu’ils avaient leur place, et c’est ça le vrai savoir-vivre en société.
Tout ça c’est l’intitulé de mon métier, et le basket est un moyen pour y arriver. On a plus de chances d’arriver vers un titre collectif en ayant cette démarche plutôt que de mettre le basket au centre des réflexions.

De gauche à droite : Kameronn Selebangue, Mohammed Aoun, Alexandre Sueur

Ce qui signifie que les joueurs ont gagné en devenant des hommes ?
C’est cela ! Depuis que je suis à Boulazac, on avait réfléchi à quel était notre mission en tant qu’éducateur avec Claude Bergeaud, Thomas Andrieux, Bertrand Parvaud, Fred Castegnaro, toute l’équipe et le staff. On se demandait pourquoi on fait ça ? Aujourd’hui, on a la réponse. Ce qui est marqué dans les vestiaires c’est « formons de futurs grands hommes et de futurs grands joueurs. » Parmi eux, il y aura peut-être des futurs grands joueurs. Mais ce qui est sur, c’est qu’ils vont tous devenir de futurs grands hommes.
Notre mission est d’accompagner des joueurs à devenir de grands hommes. Ce qu’ils ont fait ce week-end lors du Final four, au-delà du résultat, dans l’état d’esprit, l’attitude, dans la posture, le respect vis-à-vis des personnes qui ont organisé le Final Four, je leur ai rien demandé. Ils ont tout géré tout seul. Que ce soit ramasser les bouteilles, nettoyer derrière eux, dire merci, dire bonjour, sourire, respecter l’adversaire, tout cela est très important, et vaut plus que de gagner un titre.
Le Trophée du Futur, c’est le Graal. On a vraiment envie d’aller chercher Roanne pour plusieurs raisons. Déjà pour le club, ils y étaient la saison dernière mais n’ont pas passé le premier tour. On aimerait le faire pour cette année. Les gars eux même dans le vestiaire me l’ont dit « écoutes Momo, on veut montrer que les Espoirs Pro B ce n’est pas nul. »
Ils se sont donné une mission, donc on y va pas en touriste. L’objectif qu’ils se sont fixés au mois d’août dans les vestiaires, c’était d’être champions de France. Aujourd’hui, il suffit que de mettre les moyens pour y arriver, et c’est grandiose. Notre phrase avec les grands hommes et les grands joueurs, c’est bien beau, mais ce qui compte c’est aussi ce qu’on fait toute l’année. Ce sont eux qui nettoient leur vestiaire, ils débarrassent, ils prennent leur vie en main et ne sont pas assistés.
Quand tu fais les choses, cela prend une autre valeur. Ce qui nous permet aussi d’apprendre certaines choses sur le terrain. Tout n’est pas toujours tout rose, parfois il y a des moments forts et des faibles, il faut l’accepter. Il faut rester ensemble pour que les coups de moins bien durent le moins longtemps possible. C’est tout un processus qui dure le long de la saison.
Les joueurs peuvent ne pas être content à cause de leur temps de jeu, maintenant il faut savoir ce que l’on met en place. C’est bien beau le résultat, mais quels sont les moyens ? On veut gagner Orléans mais comment ? On joue chacun de son côté ou ensemble ?
Mon objectif c’est qu’ils soient autonome et puissent prendre leurs décisions sur le terrain ou à l’extérieur.

Assistant U18 et coach U18 à Boulazac pendant 6 ans, la formation est-elle ce qui te fait le plus vibrer dans ta vie professionnelle  ?
Clairement ! Ma raison de vivre dans la vie de tous les jours, c’est de guider et d’accompagner. Si je n’étais pas tombé dans le basket, que je n’avais pas développé quelque chose dans le basket, j’aurais peut-être fait éducateur spécialisé.
Je pense que je pourrais même faire ce que je fais en N1, accompagner des équipes à atteindre leur objectif. À l’instant présent, ce qui me fait kiffer c’est de voir des jeunes hommes devenir des jeunes adultes. Avec toutes les responsabilités que ça comporte, je me dis que je les ai aidé dans leur vie à devenir ce qu’ils sont aujourd’hui. C’est le premier point qui m’anime. Le deuxième point qui m’aime, c’est d’être chef de projet. C’est-à-dire de réfléchir à tout le processus pour arriver à un but. Ça me fait kiffer de me dire « ok il faut arriver la, comment on fait ? ».
Quand tu es responsable du centre de formation, tu es en charge de cela. 22 gamins, on a une identité de club, une mission, une volonté, maintenant qu’est-ce qu’on fait ? Pourquoi on le fait ? Ce poste réunit un peut tout ça.

Crédit photo : Champagne Basket

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