Alors que l’Alliance Sport Alsace se compose d’un noyau de joueurs polyvalents, dominants, avec une réelle identité de jeu, Luc Cluysen est le chef d’orchestre de ce collectif. L’entraîneur des espoirs de l’Alliance Sport Alsace nous livre ses secrets.
Vous êtes la meilleure équipe en points, rebonds, passes, contres et évaluation. Comment travaillez-vous cette polyvalence ?
On fait un recrutement de joueurs en fonction de nos idées. On ne parle pas de postes 1, 2, 3, 4 ou 5, cela ne signifie pas grand-chose selon moi. Chaque entraîneur a sa propre conception de ces postes.
On parle plutôt de profils, comme Eliott Mariscal qui est vu comme un meneur de jeu, mais grâce à sa panoplie offensive peut jouer poste bas. Il peut jouer plus en retrait du meneur, qu’on peut appeler deuxième arrière.
On recrute des joueurs selon leur polyvalence. Je ne suis pas tout seul pour cela. Un garçon comme Hassane (Gueye), on s’est dit qu’on pourrait le développer et le mettre loin du panier. Ce qui permettrait d’ouvrir la raquette pour d’autres joueurs. C’est pour les joueurs qui viennent d’arriver. Moi, je suis arrivé il y a quatre ans, et pour ceux qui sont là, depuis ce temps on les a fait travailler sur leur polyvalence.
Ils n’ont pas forcément de forces spécifiques sauf William Grenacker, peut-être, qui est un fort tireur. Nos joueurs sont bons et peuvent être utilisés à différents endroits.
Ce qui est intéressant offensivement, c’est que l’on a plein d’options offensives. Si on a un petit qui est sur Grenacker, on va le mettre poste bas. Si on en a un sur Mariscal, on va le mettre poste bas aussi, et le faire sortir de la raquette.
On fait beaucoup de travail individuel pendant la semaine, et on travaille avec cette idée.
Si on regarde l’EuroLeague, les équipes travaillent ainsi avec beaucoup de profils polyvalents. On en retrouve dans toutes les équipes des joueurs avec ces qualités. Il y a beaucoup de joueurs extérieurs qui jouent au poste, des grands qui s’écartent de plus en plus.
Conseillez vous à vos joueurs de regarder des matchs d’EuroLeague ?
On en parle oui. Je les sensibilise là-dessus. C’est un championnat que je regarde depuis très longtemps.
Il y a certains joueurs qui suivent, d’autres sont peut-être plus attirés par la NBA, d’autres par la Betclic Elite. On en parle quand même souvent. C’est ce qu’il se fait de mieux mondialement, en tout cas à notre niveau.
Je leur montre des images. Je ne sais pas s’ils regardent souvent des matchs. En tout cas, j’ai des références, ils connaissent les joueurs dont je leur parle. Cela dit, souvent, ce sont des grandes stars. Je ne suis pas sûr pour autant qu’ils soient prêts à regarder autant de matchs que moi.
Cependant, j’essaye de les convaincre afin de leur montrer ce qu’est réellement le très haut niveau.
L’équipe est composée de joueurs complets et polyvalents, estimez vous qu’elle est capable de rivaliser avec certaines équipes Espoirs de première division ?
Je ne regarde pas beaucoup le championnat Espoirs de Betclic Elite. Je suis un peu plus les équipes qui sont montées comme Blois qui était champion l’année dernière.
On a joué Orléans récemment, une équipe profilée « Betclic Elite ». Les joueurs ont un fort niveau athlétique. Au niveau du basket, on ne peut pas rivaliser sur le terrain athlétique, mais on peut au niveau du basket, de la stratégie, de la tactique. On regarde beaucoup de vidéos avec les Espoirs. On a beaucoup travaillé depuis la poule haute, avec du travail individuel. Mon préparateur physique, qui est mon assistant et l’entraîneur de l’autre centre de formation, fait des montages vidéos sur chaque joueur, il les voit durant la semaine. Il leur parle, leur montre des images. Moi, je m’occupe de la partie collective.
Je ne sais pas à quelle place au classement on serait, mais je pense qu’on pourrait rivaliser avec des équipes d’Espoirs Elite. Il manquerait peut-être une rotation dans le jeu extérieur.
On devrait travailler plus souvent collectivement, surtout pour la stratégie. Ce qui serait le plus intéressant serait d’être confronté à des équipes de Nationale 1 ou 2, afin d’estimer le niveau des jeunes.
Ce championnat Espoirs existe depuis deux ans, je trouve que c’était une bonne idée. D’autres disent qu’il ne vaut pas grand chose. Je pense que pour estimer le niveau de nos jeunes, il faut voir ce que ça donnerait face à des équipes de Nationale 1.
” On essaye de changer les comportements néfastes “
L’internat du club est logé à Walbourg, dans un espace environnemental et sain. Considérez-vous que ce cadre est un élément clé de vos succès depuis la saison dernière ?
La première sélection sur le centre de formation chez nous, c’est au niveau scolaire.
Cette dynamique, cette bienveillance, c’est le directeur du centre de formation Dominique Kiefer qui l’impulse. Il était l’ancien proviseur adjoint du lycée.
Il y a aussi le responsable scolaire Pierrick Lazare qui a joué à haut niveau en Pro A. Désormais, il est responsable scolaire, et professeur d’EPS chez nous. Il a une vraie pertinence sur le basket.
Lorsque les jeunes postulent, on regarde les bulletins, les appréciations, et ensuite on se penche sur le potentiel au niveau du basket. Il nous ait déjà arrivé de refuser des jeunes, qui étaient également de bons joueurs, mais on savait qu’ils n’allaient pas suivre au niveau scolaire.
C’est un lycée privé, l’un des meilleurs en Alsace, dans un cadre idyllique. C’est un ancien séminaire, donc il y a tout pour réussir, et travailler.
Il y a des choses qui sont mises en place au sein du lycée. Par exemple, lorsque les jeunes loupent les cours, les professeurs viennent leur en donner. Pierrick Lazare fait un énorme travail dessus.
Le plus important, c’est l’éducation qu’ils reçoivent. Un jeune bien éduqué, capable de vivre dans un groupe, de s’intégrer, de vivre en communauté, qui dit bonjour, merci, qui range sa chaise en sortant de table, respectueux… C’est important.
Le basket est une chose, mais il y a aussi l’éducation que l’on donne à ces jeunes joueurs. C’est un vrai plus ce lycée. Je ne sais pas si cela a un impact sur nos réussites donc on est vigilant. Certains ne seront jamais professionnels, mais quand ils vont sortir d’ici avec le baccalauréat, ils auront reçu une éducation solide qui leur offrira plusieurs opportunités.
Quelles sont les valeurs que le club enseigne à ses Espoirs en séminaire, et que vous leur enseignez sportivement ?
Il y a le travail, le respect, la discipline, l’écoute, la bienveillance sont des valeurs assez classiques qu’on enseigne dans chaque centre de formation.
Il y a quatre ans, nous sommes arrivés en même temps avec Dominique Kiefer, lorsqu’il a repris le centre de formation. Pierrick Lazare nous a rejoints ensuite. Notre idée était de mettre les jeunes au centre du projet. On est très attentif à sa progression. On essaye de les responsabiliser et de leur apprendre l’autonomie, et à réfléchir par eux-mêmes.
Par exemple, au début de la deuxième phase, on s’est réunis avec les Espoirs, on a fait le bilan, et on s’est demandé ce que l’on pouvait faire. On a discuté tous ensemble, je voulais savoir ce qu’ils pensaient. Je voulais échanger par rapport à ce que l’on pouvait améliorer, ce qu’ils pouvaient apporter de plus. Ils se sont approprié un projet collectif. Mettre le jeune au centre du projet, c’est l’impliquer. Les règles de vie en groupe, ils les connaissent.
Récemment, il y avait un petit souci avec un joueur, qui a été réglé autour d’une discussion, et on repart. On leur apprend l’autonomie, à réfléchir par eux-mêmes, et ne pas avoir peur de prendre la parole, oser se tromper. Le plus important, c’est de réagir, d’apprendre de ses erreurs et ainsi de suite. On ne révolutionne rien du tout. Je propose des choses au même titre que l’entraîneur des U18. On préfère responsabiliser nos jeunes.
Ce qui est dur, c’est d’agencer leurs projets individuels autour d’un projet collectif. Ce sont les discussions, les échanges qui arrangent cela.
On essaye de changer les comportements néfastes pour un groupe. On les sensibilise dessus, on apprend à certains à s’intégrer dans un groupe pour leur avenir lorsqu’ils rejoindront une autre équipe.
Actuellement, le basket est un sport collectif individualisé, de par les statistiques, le travail individuel… Il faut agencer cela dans un collectif.
Je ne dis pas qu’on y arrive, mais il y a des améliorations avec certains.
Initialement, votre projet était de travailler dans l’environnement et la gestion de l’eau. Aujourd’hui, est-ce un rêve que vous gardez dans un coin de votre tête ?
Il y a quelques années, à la fin de ma carrière, je me suis dit que ce serait bien de travailler dans une branche en lien avec la nature.
Finalement, j’ai passé des diplômes d’entraîneur, cela m’a plu. Je me suis lancé, et depuis je suis dans le coaching.
J’ai conscience qu’il s’agit d’un métier prenant, même si je n’ai pas la pression des résultats comme les coachs d’équipes premières. La seule pression que j’ai est de faire en sorte que les jeunes se tissent le mieux possible. Cela reste une pression, mais s’ils ne deviennent pas professionnels, ils auront au moins reçu une éducation, donc je n’ai pas vraiment de pression par rapport à cela. C’est un métier fatigant, ce qui est usant, ce sont parfois les relations que l’on peut avoir avec les parents où cela peut devenir compliqué. Certains se permettent de dire certaines choses, ce qui peut être néfaste pour leurs enfants.
Je réfléchis à changer de métier parfois. Il m’arrive de me demander si je continue ou pas. On verra ce que l’avenir me réserve.
Crédit photo : Tom Roeckel / Alliance Sport Alsace