Professionnel depuis 2019, Thomas Smallwood (2,13m, 28 ans) fait partie des Français expatriés en Europe. Cette saison en Roumanie, il est passé par les Pays-Bas, Tours, Le Portel ou encore la troisième division espagnole depuis le début de sa carrière. Aujourd’hui, on vous en apprend un peu plus sur ce poste 5 franco-britannique qui aimerait avoir sa chance dans l’Hexagone.
Pourrais-tu revenir sur ton parcours, assez atypique ?
J’ai commencé le basket un petit peu tard. J’avais 11 ans ou 12 ans quand j’ai commencé, en division départementale. J’avais juste fait basket en sport au collège et ça m’a plu. Mais à l’époque, je jouais au foot en club, mais le basket m’a plu, donc j’ai voulu essayer. Originaire de la campgne au sud de Bordeaux, je me suis renseigné un petit peu dans la région bordelaise. J’ai trouvé Saint-Delphin, un club à Villenave d’Ornon. Et donc, j’y suis allé avec ma mère. Je me suis inscrit. J’ai joué pendant un an, mais je ne voulais pas non plus laisser tomber le foot. Pendant un an, j’ai fait les deux. Sauf que j’avais 12 ans, j’étais en train de grandir et mon corps a dit « non, c’est trop ». J’ai été plus ou moins blessé toute l’année et en fait, cette année-là, je n’ai plus ou moins joué ni au basket ni au foot. Arrivé à la fin de l’année, j’ai voulu laisser tomber le basket et continuer le foot, mais mon club de basket m’a appelé. Ils m’ont dit « écoute, on pense que tu fais une erreur, tu devrais rester avec le basket, il y a plus de chance d’un avenir pour toi dans le basket ». Donc, au final, je les ai écoutés. J’ai joué, j’ai laissé tomber le foot et j’ai commencé à me concentrer sur le basket. C’était en départementale, c’était vraiment le plus petit niveau en France, mais c’est un super club avec une super ambiance. C’est là que je suis vraiment tombé amoureux du basket. Après ma deuxième année-là, j’ai fait un camp d’été sur Bordeaux. Le Kameet Basketball Camp de Vincent Mbassi. Il a un camp, mais il a aussi une académie où il entraîne des jeunes toute l’année. C’est le coach qui était coach de Boris Diaw quand il était jeune. Il y a plein de gars qui sont passés entre ses mains. Quand il m’a vu, il a pété un plomb. Il m’a dit « non, ce n’est pas possible. Il faut que tu viennes t’entraîner avec moi. Ce n’est pas possible que tu sois là en départ. Il faut que tu viennes t’entraîner avec moi. Tu vas être pro » alors que moi je jouais juste au basket pour le fun. Il a fallu convaincre mes parents avant de m’entraîner avec lui, surtout mon père. Vincent Mbassi, c’est un beau parleur. Mon père n’avait pas de suite confiance en lui. Il pensait qu’il parlait juste. Mais au final, on a convaincu mon père. Je m’entraînais avec Vincent en parallèle de mon club. Et après juste un an avec lui, un vendredi à l’entraînement il me dit « lundi, il y a des détections à l’Elan Béarnais. Il faut que tu y ailles, ils vont te prendre, c’est sûr”. Du coup, du vendredi au lundi, pareil, il a fallu convaincre mon père (rires). Le lundi j’y suis allé, je me suis blessé dans les détections, mais ils m’ont quand même pris. À 16 ans, je suis donc allé au centre de formation de l’Elan Béarnais, à Pau. J’ai fait deux ans en cadets là-bas et deux ans en Espoirs. C’était une grosse génération. Moi, je suis 95 et il y avait beaucoup de bons gars de 95 et 96 chez les jeunes de l’Elan Béarnais. Il y avait pas mal de « prospects », je n’en faisais pas partie, mais j’étais là, c’était bien.
Les Etats-Unis, sur le plan académique, c’est quelque chose qui est très difficile à égaler en Europe.
Puis les Etats-Unis ?
Pendant les deux dernières années, j’avais quand même en tête que je voulais partir aux Etats-Unis. Mais c’est super dur. Si tu n’as pas un contact, partir d’Europe directement en division 1 NCAA, c’est super dur, à moins que tu sois un gros prospect qui est déjà assez médiatisé. Il y a eu quelques touches, mais ça ne s’est pas fait pour toutes ces raisons. Du coup, j’ai eu de la chance. Les deux dernières années en Espoirs, je m’entraînais aussi avec les pros. Il y avait un pro, un Américain, Mo Finlay, qui était sur sa fin de carrière. C’était un bon gars. On parlait un jour. Il me dit « toi, ça t’intéresse la fac ? » je lui dis que oui que j’essaye d’y aller. Il m’a dit « ok, je vais contacter ma fac et on va voir ce qu’on peut faire ». Il a contacté son ancienne fac. Comme ils lui faisaient confiance et qu’il m’a bien vendu, ça a pu se faire. On a parlé, ils sont venus me voir en France, m’entraîner, jouer. Ils m’ont amené là-bas pour faire la visite officielle. C’est comme ça que ça s’est fait pour aller à UAB. J’ai fait trois années à UAB, après, j’ai changé de fac pour des raisons basket. Le coach avait changé… Je suis allé à Chattanooga.
Le passage en pro.
Quand je suis rentré, je n’avais pas eu une carrière universitaire incroyable. Je n’avais quasiment pas joué pendant trois ans à UAB. J’avais vraiment progressé, je m’étais développé surtout sur le plan physique, mais au niveau de temps de jeu, j’en ai eu très peu, quasiment rien du tout à UAB. À Chattanooga, j’ai joué un peu plus, mais toujours rien d’incroyable. Je ne savais pas trop. J’avais envie de jouer pro. J’avais dans la tête de rentrer et de jouer pro, mais je ne savais pas trop comment ça allait se faire. Je ne savais pas si ça allait se faire. Dès que la saison s’est terminée, j’ai eu une dizaine d’agents qui m’ont appelé pour travailler avec moi. À ce moment-là, je me suis dit qu’il y avait peut-être moyen. J’ai pris mon temps, j’ai choisi mon agent, mais une fois que tu as l’agent, ce n’est pas non plus un contrat (rires). Le premier été, c’était super compliqué. J’étais excité. Je ne savais pas à quoi m’attendre. Tout l’été, pas d’offres, rien du tout…
Arrivé août, mon agent, et toujours Vincent Mbassi. Il reste toujours très actif. Ce n’est pas du tout un agent, c’est vraiment juste un coach, mais il est là depuis toujours. Il connaît du monde, il sait comment ça se fait. Entre lui et mon agent, on s’est dit que ce qu’il y avait à faire, c’était de m’envoyer les équipes qui ont commencé leur pré-saison pour rentrer dans la scène du basket français.
C’est vrai qu’en France, une fois que tu pars aux Etats-Unis à la fac, si tu n’es pas encore une fois un gros prospect, on t’efface un peu de la scène du basket français et on t’oublie un peu. L’idée, c’était juste de me rentrer un peu là-dedans pour que les gens sachent que je suis là, pour montrer un peu que je n’étais pas le même joueur que quand j’étais espoir. Le premier passage, j’ai fait une semaine d’entraînement à Nanterre. Là, c’était clair depuis le début que c’était vraiment juste pour être partenaire d’entraînement. Il n’y avait pas d’opportunité pour une signature, mais j’étais intéressé quand même de m’entraîner, de me faire des contacts avec des personnes un petit peu, surtout dans un club comme Nanterre qui est respecté. Ça, c’était cool.
Je me suis entraîné là-bas, puis ensuite, il y a une autre opportunité qui s’est présentée. C’était Le Portel. Et eux aussi, ils ont dit que c’est pour s’entraîner, mais ils ont fait comprendre à mon agent qu’il y avait peut-être moyen. Il y avait un dixième homme au poste 5, un français, ils n’étaient pas super satisfaits de lui. Ils disaient qu’il y avait peut-être moyen. Forcément, on a sauté sur l’opportunité. J’y suis allé. Et à l’entraînement, comme au match de pré-saison, le coach faisait jouer tout le monde 20 minutes. Je suis arrivé, ça s’est bien passé, j’ai bien joué, je me suis bien entraîné. Très rapidement, ils ont fait comprendre à mon agent qu’ils étaient intéressés pour me signer. Malheureusement, c’était une année compliquée autant pour le club que pour le monde entier parce que c’était l’année Covid. La saison ne s’est pas terminée. On a perdu quasiment tous les matchs, je n’avais pas trop de temps de jeu. Quand j’ai eu du temps de jeu, je pense que j’ai bien joué, que j’ai montré que j’avais ma place. Mais arrivé sur la fin de saison, un petit club comme ça, ils n’avaient vraiment pas les moyens. Forcément, comme j’étais un petit peu le dixième homme, le club m’a dit qu’avec le Covid, ils n’avaient vraiment pas les moyens de me garder. Ils allaient signer sept ou huit pros sérieux et après utiliser les Espoirs. Je pense que si c’était une année un peu plus normale, ils m’auraient fait revenir. Mais on ne saura jamais. C’était compliqué encore une fois parce que je n’avais pas non plus prouvé. À leurs yeux, ils avaient vu que je pouvais rester là, mais aux yeux du public, je n’avais pas non plus prouvé assez.
Le départ aux Pays-Bas avant de signer en N1.
L’été arrive et encore une fois, rien en France, aucune offre. J’ai donc signé aux Pays-Bas dans l’optique de jouer un peu plus pour beaucoup moins d’argent. Encore une fois, le Covid a stoppé la saison là-bas en décembre. On ne pouvait même pas s’entraîner. On ne pouvait pas s’entraîner avec opposition, on faisait juste du développement individuel. À ce moment-là, il y a Tours, en N1, qui était intéressé pour me signer. J’ai quitté les Pays-Bas, je suis donc allé à Tour et j’ai fini la saison là-bas. On a gagné notre côté du championnat. C’était une année un peu différente au niveau du fonctionnement du championnat, mais encore une fois, à cause du Covid, il n’y avait pas eu la deuxième phase, la troisième phase, etc. On a juste gagné notre côté. On a obtenu la montée en Pro-B, mais ça ne s’est pas super bien passé sur le plan personnel avec le coach. Il ne m’utilisait pas trop. C’était une année un peu bizarre. Autant moi, je n’avais pas forcément envie de rester, autant eux, ils n’avaient pas forcément envie que je reste.
La LEB Plata.
C’est à ce moment-là que je suis parti en Espagne, en troisième division. J’y ai passé deux ans. Le première année s’est bien passé, mais on a perdu en playoffs. La deuxième année, l’année dernière donc, on a plus ou moins tout gagné, on a même gagné le match pour la montée en deuxième division.
J’ai été beaucoup plus « respecté » et « apprécié » en Espagne en tant que joueur.
Tu n’avais pas envie de monter avec ton club espagnol ?
En vérité, j’étais un peu surpris. J’étais assez ouvert pour rester, mais ils ne sont même pas montés au final. Pour des raisons financières et politiques. En fait, c’est la deuxième équipe de la Joventut Badalone qui est en première division. Les deux clubs sont connectés, on a joué avec des jeunes de la Joventut toute l’année. Je pense que, pour eux, ils préfèrent avoir une équipe en troisième plutôt qu’en deuxième division. C’est mieux pour s’exprimer, pour les jeunes. Autant pour des raisons politiques que financières, ils savaient plus ou moins depuis le début qu’ils ne monteraient pas. C’est pour ça qu’ils ne sont pas vraiment revenus vers moi pour une offre. Je suis donc venu tenter le coup en Roumanie.
Tu as connus plusieurs championnats qui sont assez méconnus en France. Qu’est-ce que t’a apporté le fait d’aller jouer aux Etats-Unis, aux Pays-Bas, en troisième division espagnole et en Roumanie ?
Les Etats-Unis, sur le plan académique, c’est quelque chose qui est très difficile à égaler en Europe. Continuer les études continuant à se développer à un haut niveau sur le plan basket. Grâce à ça j’ai pu faire des études en jouant au basket. Après, sur le plan basket, ça m’a apporté surtout sur le plan physique. Je pense que ça n’a rien à voir avec ce qu’on fait en Europe. Je me suis beaucoup développé sur le plan physique, mentalité, basket. C’est beaucoup d’expériences différentes. C’est hyper enrichissant.
Je pense mérité d’avoir ma chance en France.
L’Espagne, ça m’a plu parce qu’en tant que joueur, j’ai un profil un peu atypique pour un poste 5… C’est pour ça que ça a été difficile pour moi en N1 aussi. Parce que la N1, surtout sur les postes intérieurs, c’est très physique, athlétique. Ce n’est pas forcément là où je brille. C’est pour ça, je pense, que le coach avait du mal à m’utiliser en N1. J’avais plus de mal à m’exprimer. L’Espagne, pour moi, ça a été vraiment un déclic. C’est pour ça que j’y suis allé et ça a bien fonctionné parce que c’est un championnat et un pays qui, sur le plan basket, il y a beaucoup plus d’importance sur l’aspect compréhension du jeu et technique que sur l’aspect 100% physique, athlétique. J’ai été beaucoup plus « respecté » là-bas et « apprécié » pour ce que je pouvais apporter à l’équipe. Et beaucoup mieux utilisé. J’ai pu me développer, prendre un peu confiance et me découvrir un peu sur ce que j’étais comme joueur au niveau professionnel. Les deux dernières années en Espagne, ça m’a beaucoup apporté. Cette année, l’objectif était vraiment d’essayer d’aller trouver une opportunité pour montrer ce que j’avais développé en moi pendant deux ans en Espagne, ma confiance en moi et ce que j’avais réussi à améliorer. Essayer d’aller le montrer dans un championnat un peu plus haut niveau et un peu plus respecté. Je pensais peut-être que c’était le moment de revenir en France avec un peu plus de CV et de respect. Mais je n’ai rien qui se pointe en France tous les étés. Je ne comprends toujours pas pourquoi. Je suis JFL pourtant.
Est-ce que tu pense que tu devrais avoir plus de chance en France après toutes ces années à travailler dans l’ombre ?
Je pense que oui. Après, c’est difficile. Je ne sais pas si c’est mon agent qui est un peu moins connecté et respecté en France. Est-ce que c’est moi ? Peut-être qu’en France, ils ont une image de moi différente ? Ou est-ce que c’est mon profil ? Ils pensent que ce n’est pas un profil qui ne correspond pas bien au style de jeu en France ? Je ne sais pas du tout. Mais ça, je comprends. Je suis d’accord. Mais de là à avoir absolument zéro pour ce qui est de jouer en France quand je suis JFL, moi, tous les étés, ça me surprend et ça me frustre un peu. Mais oui, je ne sais pas trop pourquoi c’est comme ça. Mais ça fait depuis que je suis parti de Tours. Après, c’est avec mon passage à Tours. Même si on a eu la montée, j’imagine que si les gens en France regardent ça, ils disent « en France, ça ne marche pas pour lui ». Je ne sais pas du tout. Mais bon, c’est comme ça.
Cette saison, pour toi, ça se passe comment ? Tu fais quand même des stats intéressantes, mais sur le plan collectif, c’est compliqué.
C’est super difficile. On a une équipe hyper jeune. L’année dernière, ils ont arraché le maintien en gagnant trois matchs d’affilée au buzzer… Vraiment, c’est une équipe hyper jeune. Dans un championnat où il y a une règle, il doit toujours y avoir au moins deux Roumains sur le terrain en même temps pendant le match. Si tu as des roumains très jeunes et très inexpérimentés, deux joueurs sur cinq sur le terrain, ça a un impact énorme sur ce que tu peux faire en tant qu’équipe. Personnellement, j’arrive à tirer mon épingle du jeu. J’ai un rôle énorme dans l’équipe. Ça me fait grandir aussi en tant que joueur. C’est complètement différent de ce que j’ai pu vivre jusque-là dans ma carrière. Je pense que ça m’importe beaucoup sur le plan mental. C’est un challenge et une frustration différentes quand tu as tout ce que tu as toujours voulu. Mais ce n’est pas facile. C’est difficile.
J’arrive à tirer mon épingle du jeu, mais sur le plan collectif, c’est très difficile. Je pense que le club est en train d’essayer d’améliorer l’équipe petit à petit pour essayer d’avoir une chance une fois qu’on arrive sur la fin de saison sur les playout, c’est les playoffs pour rester dans le championnat. Leur objectif, je pense que c’est juste d’arriver là et à ce moment-là d’essayer de vraiment se maintenir. C’est une saison un peu difficile, mais je pense que ça m’apporte. J’arrive sur le plan statistiques à faire des choses. Encore une fois, c’est toujours pareil. Est-ce que ça sera respecté ou comment ça sera vu ailleurs ? Normalement, la première division en Roumanie, c’est quand même une division où il y a de bonnes équipes, il y a des équipes en Eurocup, en FIBA Europe Cup. Notre équipe à nous, ce n’est pas du haut niveau, mais on joue dans un championnat qui a un niveau très respectable. On verra bien ce que ça m’apporte de faire une bonne saison dans cette ligue.
Quelles seraient les ambitions pour la suite de ta carrière ?
Mon père est britannique, récemment, il y a peut-être deux mois, j’ai réussi à avoir le passeport britannique. Maintenant, je suis aussi un joueur local en Angleterre. C’est un championnat qui en France, je pense n’est pas respecté. C’est pourtant un championnat qui se développe très rapidement et qui a un niveau très respectable. Je pense que c’est vraiment en train de grandir. C’est quelque chose que je vais explorer sur les saisons à venir. S’ils ne veulent pas de moi en France, j’irai en Angleterre. Pour parler directement de l’année prochaine, j’aimerais bien, soit rentrer dans ce championnat britannique qui devient de plus en plus intéressant, soit voir si j’ai des opportunités intéressantes en France, que ce soit en Pro B ou en haut de tableau de N1 avec objectif de monter. Je pense que je peux apporter quelque chose comme ça, ou de repartir en Espagne, en deuxième division. Quelque chose comme ça, ce serait bien. Mon but tous les ans, c’est juste d’essayer de faire un pas vers l’avant tous les ans. J’ai l’impression de progresser de l’année en année, que ce soit basket, financier, personnel, situation. Mon objectif, c’est juste de progresser d’année en année et de voir où ça m’amène.
Crédit photo : Laguna Sharks