Parmi les Français évoluant à l’étranger, Ludgy Debaut porte les couleurs du Sporting Portugal, à Lisbonne.
Passé sous les radars après un cursus universitaire aux Etats-Unis, l’ancien du centre de formation de Fos-sur-Mer a lancé sa carrière en troisième division espagnole, avant de vivre une expérience au Venezuela. Cette saison dans la capitale portugaise, il nous raconte son parcours, nous parle de ses ambitions et nous explique pourquoi il n’a pas hésité une seconde au moment de partir outre-Atlantique. Interview.
Comment se passe la saison pour toi jusqu’à maintenant, sur le plan collectif et individuel ?
Je pense que l’effectif de l’équipe a été bien réfléchi. On a des joueurs qui apportent des choses différentes. On a plusieurs profils de joueurs et puis je pense que sur l’ensemble, c’est plutôt bien mis en place. Sur le plan individuel, en arrivant ici, au début, je ne jouais pas beaucoup. Je jouais très, très peu donc c’était un peu frustrant. Surtout pour les matchs de qualification de FIBA Europe Cup. Mais, je sais quel type de joueur que je suis. J’avais juste à attendre et à continuer à travailler. Les matchs de FIBA Europe Cup sont arrivés. Le premier match, j’ai fait un bon match en 20 minutes contre Sassari (4 points, 8 rebonds, 1 passe décisive, 2 interceptions, 1 contre, 13 d’évaluation, ndlr). En allant jouer à Dnipro, j’ai saisi une opportunité car un joueur s’est blessé donc j’ai commencé le match. Et j’ai fait un super match (17 points, 12 rebonds, 2 passes décisives, 2 contres, 2 interceptions, 28 d’évaluation, ndlr). Là, ça a vraiment démarré. J’ai commencé à être dans le cinq majeur. Et puis notre poste 5 titulaire est revenu. J’ai recommencé les matchs sur le banc, mais j’ai quand même réussi à entrer et faire de bonnes choses.
Quel a été ton parcours jusqu’à maintenant ?
J’ai joué en France, en centre de formation, entre 2015 et 2017, j’étais à Fos-sur-Mer dont l’équipe pro était en Pro B. À l’époque, l’équipe Espoirs n’existait pas. C’était un problème. Moi, je voulais jouer en Espoirs, mais c’était la NM3 à l’époque. J’ai eu des clubs comme Limoges et Monaco qui voulaient me signer sur un contrat jeune, mais j’ai fait le choix de partir aux Etats-Unis. J’ai fait un cursus vraiment complètement différent de nombreux joueurs français pour l’époque. J’ai décidé de ne pas rester sur le sol français, ce qui fait que je suis sorti des radars. Je me suis complètement fait oublier. Quand j’ai fini mon cursus universitaire, il n’y avait pas de vraie possibilité de lancer ma carrière professionnelle en France. Je suis alors allé en troisième division espagnole. Je n’avais pas encore cette expérience professionnelle. J’étais en compétition avec des joueurs déjà expérimentés donc les dirigeants préféraient partir avec ces joueurs-là. Pas avec un joueur français qui n’avait pas encore joué au niveau professionnel. Ce que je comprends et c’est pourquoi je suis allé en Espagne. J’y ai fait une très, très bonne saison (10,9 points, 8,7 rebonds, 16,1 d’évaluation, ndlr). Après ça je suis parti au Venezuela pendant l’été. J’y ai fait une bonne saison aussi. Sur le plan collectif, on n’a pas fait une bonne saison, mais j’ai fait une très bonne saison individuelle au Venezuela (10,7 points, 10,1 rebonds, ndlr).
Pourquoi le Portugal cette saison ?
Pendant que j’étais au Venezuela, je recevais des coups de fil de mon agent qui me parlait de propositions pour la saison à venir. Je me souviens, j’avais une offre de Chartres, j’avais une option au Portugal et j’avais des options en Espagne. Ce qui m’a convaincu de venir jouer au Portugal, c’est que le Sporting jouait la FIBA Europe Cup. Un jeune joueur comme moi, deuxième année en professionnel, j’ai la possibilité de jouer l’Europe. Pourquoi dire non ? Surtout le Sporting c’est un grand club, surtout au football. Il m’ont fait une bonne offre donc j’ai décidé de venir ici.
Tu as parlé rapidement de ton cursus américain. Qu’est-ce que tu retiens de cette expérience ?
C’était un très, très, très bon choix de partir là-bas. Au niveau de la mentalité ça m’a aidé, mais surtout au niveau scolaire. Ici, si tu n’es pas à l’INSEP, ou tu n’es pas dans des grandes structures avec des grands budgets, c’est difficile de combiner le sportif et le scolaire. La meilleure option pour moi, c’était d’aller en université. Là-bas, tout est mis en place pour réussir, c’est-à-dire les emplois du temps scolaire et les entraînements individuels. Si tu vas à l’université, ils ont tout comme les professionnels sauf que c’est un statut amateur parce que tu es à l’université. Dans la globalité, je ne regrette rien. J’ai passé six belles années aux Etats-Unis. J’en suis reparti avec mon bachelor et mon master.
C’est un bon choix pour les jeunes Français de partir là-bas selon toi ?
Très bon choix. Surtout si tu es bien suivi et dans une bonne école.
La saison dernière, tu as lancé ta carrière professionnelle, en D3 espagnole puis au Venezuela, comment as-tu vécu cette saison ?
Arrivé en Espagne, j’étais considéré comme un joueur étranger. Au début, je devais tourner au poste 5 avec un autre joueur. Et en arrivant en décembre, ils ont décidé de le couper. Il a signé dans une autre équipe de la ligue. Je me suis retrouvé seul joueur au poste 5. Au mois de janvier, je jouais 30 minutes par match. Quand j’étais sur le terrain, je n’avais pas ce sentiment de tourner la tête et regarder au niveau du banc, me demander si j’allais sortir si je faisais une connerie. Je n’avais pas ce sentiment-là et franchement, ça m’a beaucoup aidé. Surtout, pour une première année professionnelle, avoir du bon temps de jeu dans une ligue comme la troisième division espagnole. Ce n’est pas du très haut niveau, mais c’est très physique. C’était bien pour débuter.
Au Venezuela, c’est une ligue qui est assez élevée quand même. Il y a beaucoup de joueurs passés par la NBA et de joueurs de la sélection nationale vénézuélienne. Le niveau, je ne vais pas dire qu’il est très élevé, mais au niveau physique, c’est très physique. C’était une bonne décision d’aller là-bas. Surtout que je voulais aussi faire de l’argent en plus. C’était une bonne destination et un nouveau pays à découvrir. J’ai pu amener mon nom là-bas c’est une bonne chose. C’était une bonne expérience pour moi.
Comment est vu le basket là-bas ?
Les gens, ils aiment de ouf. Les jeunes, les gens de la ville, ils aiment le basket. Mais vraiment, ils meurent pour le basket.
Cette saison, tu es au Portugal, que penses-tu du championnat portugais ?
C’est un peu complexe. C’est-à-dire que, là, je suis vraiment dégoûté parce qu’on n’a pas pu passer le deuxième tour de la FIBA Europe Cup car c’est un niveau qui est quand même très élevé. On a quand même joué contre des bonnes équipes européennes, des anciennes équipes d’Euroleague. Mais le championnat portugais, tu as peut-être trois, quatre équipes qui sont vraiment à un bon niveau : Sporting, Porto, Benfica, et Oliveirense, qui sont de très bonnes équipes. Et après, tu as des équipes de milieu tableau, qui n’ont pas un très grand budget. Enfin, les équipes de bas tableau, franchement, le niveau n’est pas ouf. C’est assez déséquilibré car il y a des équipes qui ont un très gros budget et d’autres qui ont vraiment des petits budgets. C’est compliqué pour eux de vraiment être en compétition avec des équipes comme Sporting ou Benfica. Il y a vraiment une différence de niveau. Tu vas jouer un match, tu vas peut-être gagner de 20 points, le match d’après tu vas gagner de 40 points et quand tu vas jouer contre Benfica tu vas avoir une vraie adversité avec un jeu très physique et de très bon niveau.
Comment est le basket là-bas aussi ? Car on sait que le football est le sport national.
Il y a des villes, comme Aveiro il y a deux équipes là-bas : Esgueira et Ovarense. Là-bas, les supporters sont vraiment fans du basket. Ces deux clubs-là, leurs tribunes seront toujours, toujours remplies. Nous, Sporting, c’est le football, avec Gyokeres. C’est une ville ou le football passe avant tout. Il y a le handball aussi, l’équipe jouait le PSG il y a quelques jours. Et le volley est aussi apprécié. Le basket, ces dernières années, ils essaient de reconstruire et de remettre à niveau, mais c’est vraiment plus le football.
Maintenant que tu es revenu en Europe, quelles sont les ambitions pour la suite de ta carrière ?
Pour l’instant, je ne me focalise pas trop sur le futur. J’essaie vraiment de travailler chaque jour. Travailler, travailler et ce qui doit arriver, arrivera. Dans le basket, peu importe le type de joueur que tu es, tout le monde regarde la feuille de stats (rires). Pour arriver à un certain niveau, il faut remplir la feuille de stats, il faut faire quelque chose en fait. Les amateurs du basket, le premier truc qu’ils vont regarder c’est les stats. Pour gagner de l’argent au basket, il faut avoir des stats. C’est un truc qui est très, très important. Personnellement, s’il faut faire un retour en France la saison prochaine, si j’ai un bon projet, une équipe qui me donnent un bon projet, qui me fait confiance et qui veut de moi, pourquoi pas ? Mais sinon, je vais continuer, peut-être un retour en Espagne, peut-être rester ici si le club décide de me proposer un nouveau bon contrat. Sinon, aller en Europe quelque part. En partant aux Etats-Unis, je me suis vraiment habitué à tout changer. Si demain, je dois aller dans un autre pays, que j’ai une bonne proposition et que le coach veut vraiment travailler avec moi, il n’y a pas de souci. Je n’ai vraiment pas de limite. Pas n’importe où non plus, mais un bon pays d’Europe avec une bonne compétition, pourquoi pas ?
Au début tu parlais du type de joueur que tu es. Est-ce que tu pourrais le décrire pour la gens qui ne te connaissent pas ?
Je suis très athlétique, je suis un très bon défenseur. Quand je suis sur un terrain mon objectif principal c’est de gagner, bien sûr, mais je vise le double-double. Mon objectif personnel, c’est de prendre 10 rebonds par match et d’idéalement mettre au moins 10 points. Je dirais aussi que je suis quelqu’un de très dynamique. J’ai beaucoup d’énergie, vraiment beaucoup, beaucoup. Et je joue toujours pour l’équipe. S’il y a des points à améliorer, je dirais le drive. J’aimerais être meilleur dans les situations de un contre un sur le drive, mais aussi dos au panier. Je ne suis pas un joueur habitué à jouer dos au panier, de temps en temps je peux, mais il faudrait que je reprenne confiance là-dessus maintenant. Là où je suis le plus fort, c’est sur le pick and roll, recevoir des alley-oops, et le rebond offensif. Le rebond offensif c’est vraiment ma force première.
Crédit photo : Sporting/FIBA/Canadian Elite Basketball League