Entraîneur de l’équipe de France U16, Nicolas Absalon partira bientôt en Grèce pour le championnat d’Europe U16. Troisième campagne en tant que coach en chef, l’ancien assistant vidéo de Vincent Collet en sélection revient sur sa méthode et sur sa manière d’accompagner les jeunes.
Tu as connu les sélections jeunes dans presque toutes les catégories. Est-ce plus simple de travailler avec les U16 ?
Plus simple, non. Chaque catégorie a ses problématiques. J’ai commencé en tant qu’assistant des U19 à l’époque. Ce sont des joueurs qui sont déjà dans le secteur professionnel pour la plupart. Ce sont d’autre problématiques, on a affaire avec des adultes quasiment.
Les U16 sont dans la découverte du haut niveau et du basket international. La plupart n’ont pas l’habitude de jouer contre des étrangers. C’est aussi la découverte d’un format de compétition. Jouer 7 matchs en 9 jours, 100% d’entre eux ne l’ont jamais connu.
Au niveau de la pression des résultats, la fédération a pour objectif de fixer les mêmes résultats pour chaque catégorie : être sur le podium. Le fait qu’ils soient jeunes fait qu’ils ont plus soif d’apprendre. Ils peuvent parfois tomber dans le piège de montrer de quoi ils sont capables individuellement. Le collectif a une grande importance sur le terrain ou dans la cohésion de groupe. Il faut faire émerger tout cela pour avoir de meilleurs résultats.
Tu as un nouvel effectif chaque année. De quelle façon procèdes-tu avec tes équipes pour atteindre le podium ?
Il faut utiliser les forces en présence. J’essaye de proposer un jeu adapté aux joueurs que l’on a.
Chaque année, nous avons des profils différents. Le premier travail que l’on fait pendant l’année avant de les voir, c’est de les suivre, analyser leurs points forts défensivement et offensivement. Ensuite, on voit si nous sommes sur la même longueur d’ondes en échangeant avec eux. On discute ensemble à propos de ce qu’ils aiment faire sur le terrain et où ils sont le moins à l’aise.
Une fois que l’on a pu voir tout cela, on essaye, avec le staff, d’élaborer un plan de jeu en relation avec les directions techniques nationales.
La France aime jouer avec du jeu rapide, de l’agressivité, très haut. Ce sont des choses que l’on essaye de mettre en place afin d’installer une certaine continuité.
Dans le choix des formes de jeu, la façon de jouer en attaque et en défense, on s’adapte par rapport aux forces de nos équipes.
Cette année, on a suivi entre 30 et 40 joueurs pour ensuite dégager une liste de 24 joueurs, la liste FIBA. Ensuite, on en a sélectionné 16 sur le premier stage. On va arriver à Dreux, on sera 14. Trois jours avant le départ en Grèce, on passera à 12.
“Nolan Traoré est très fort aujourd’hui mais il y avait des choses à développer auparavant.”
Vous étiez assistant des U18 à l’INSEP de 2011 à 2013, vous avez repris le poste d’assistant coach au sein de la fédération en 2017. Le sens de la formation est un domaine qui vous tient à coeur ?
Tout à fait ! C’est toujours une chose qui m’a passionné depuis que j’ai commencé à 16 ans, à entraîner des joueurs de basket.
J’ai toujours eu une sensibilité. Même lorsque j’étais avec les A, juste après les Jeux Olympiques de Rio, j’ai demandé au DTN de la fédération à l’époque, Patrick Beesley, de pouvoir basculer chez les jeunes pour mettre en place ce que j’avais appris.
Vous avez pu accompagner des joueurs comme Nolan Traoré, Jonas Boulefaa, Hugo Yimga-Moukouri ou encore Leon Sifferlin qui sont entrés à l’INSEP ou ont un rôle majeur en Espoirs. Parmi les joueurs que vous emmenez en Grèce, certains peuvent leur niveau selon vous ?
J’espère, en tout cas c’est toujours l’idée de ce projet et d’avoir une vision à plus long-terme.
Il y a des joueurs comme Cameron Houindo qui a déjà disputé le mondial U17, pourra tirer son épingle du jeu à l’avenir.
Matthys Mahop a connu une saison difficile à cause des blessures mais arrive tout de même à se positionner comme un joueur important.
Je peux citer Junior Elouma qui a un profil très intéressant pour le haut niveau.
Dans chaque sélection, j’essaye d’intégrer des joueurs avec un an d’avance ou deux.
Il y a eu Nathan Soliman mais il y a aussi Aaron Towo Nansi cette année. C’est un 2009, il a le niveau pour être dans cette sélection, et cela permet de créer du lien entre chaque génération.
L’an passé, j’avais Jonas Boulefaa et Yannis Allard qui avaient pu faire l’Euro avec les 2007. Il y avait Hugo Yimga-Moukouri et Nathan Soliman qui avaient fait l’Euro en tant que 2008-2009.
Chaque année, j’essaye d’avoir des joueurs qui pourraient transmettre leur expérience pour l’année suivante.
Avez-vous des anecdotes avec ces joueurs cités ou d’autres ? Avez-vous vu quelque chose de différent en eux à cette époque ?
Si je prends le cas de Nolan, il avait fait une très bonne saison à l’INSEP juste avant l’Euro U16. Il était encore jeune dans sa tête sur certains points, notamment dans sa concentration et son implication à l’entraînement. J’ai vu pendant la préparation qu’il avait eu des déclics, en comprenant les enjeux afin de devenir un champion et un grand joueur. La médaille de bronze l’a aussi fait réagir par rapport à ce qu’il pouvait lui manquer pour aller chercher l’or.
Lors de l’OFAJ (Office Franco-Allemand pour la Jeunesse), le premier stage de préparation à l’Euro, on convoque 14 joueurs d’habitude.
Nolan n’était pas très sérieux à cette époque, il ne faisait pas les choses correctement. J’avais demandé à passer à 16 joueurs pour convoquer deux meneurs supplémentaires. Je lui avais dit qu’à cause de son comportement, je ne pourrais pas l’emmener à l’Euro. Il me fallait donc un autre meneur.
Cela l’a fait réagir, il a été piqué. Par la suite, il a su répondre présent aux différents stages. Il a changé son comportement par rapport à certains points qui aurait pu lui poser problème à l’avenir au plus haut niveau. Sur le second stage, il est revenu à l’INSEP avec les cheveux rasés. Je lui ai demandé au début du stage « Où est le vrai Nolan Traoré ? ». En plus, il avait des routines avant entraînement, ce qu’il n’avait jamais. On en rigolait, et il m’a dit qu’il avait compris, il savait ce qu’il devait faire.
Cette anecdote montre bien que Nolan Traoré est très fort aujourd’hui mais il y avait des choses à développer auparavant.
En dehors du terrain, cela te tient à coeur aussi de les accompagner sur le plan humain.
Bien sûr, c’est l’essentiel. Au-delà de l’équipe de France, ils ont tous pour objectif de devenir des basketteurs professionnels. Ils veulent aussi rester en équipe de France pendant longtemps avant de vivre les expériences en senior.
Une fois que l’on évolue avec les A, on ne fait pas cela pour l’argent. On a beau être basketteur professionnel, les joueurs comme Tony Parker, Evan Fournier, Boris Diaw, Nando de Colo ne vont pas en sélection pour l’argent. Ils ont l’amour du maillot bleu, par rapport à ce qu’ils gagnent individuellement, ce n’est pas l’équipe de France qui les fait vivre.
Il faut comprendre que c’est autre chose, lié à la passion et l’amour du basket.
L’aventure qu’ils vont vivre est différente de leur saison en club, là où ils ont beaucoup de responsabilités. En sélection, c’est l’équipe avant tout. Les 30 minutes en club peuvent se réduire à 5 ou 10 en fonction des profils ou de la concurrence, et il faut l’accepter.
On essaye de leur faire comprendre, au début pour les U16, c’est plus difficile. Au fur et à mesure, ils vivent des choses ensemble, ils se rendent compte que c’est le plus important.
Je leur dit toujours : « quand on en reparlera dans un ou deux ans, on ne parlera pas des matchs mais des moments de vie que l’on a eu, des quelques bêtises ou des fous rires. ».
Crédit photo : FIBA / Filip Viranovski