Jean-Denys Choulet: “Vincent Collet n’a pas perdu son basket en 15 jours”

- 5 août 2024

Coach emblématique du championnat de France fort de 29 années d’expérience en LNB, Jean-Denys Choulet est revenu pour nous sur les trois matchs de groupes de l’Equipe de France.

Consultant pour la chaîne l’Equipe durant la préparation des Bleus, Jean-Denys Choulet a répondu à notre invitation pour un live Instagram sur lequel nous nous sommes penchés, avec lui et Vincent Poirier, sur les trois matchs des Bleus aux Jeux Olympiques. Live à retrouver en intégralité ici.

Le premier problème soulevé par l’ancien coach de la Chorale de Roanne, c’est, sans surprise, le manque de création. Un sujet qui interroge depuis plusieurs semaines.

C’est vrai qu’il y a de grosses difficultés au sein de cette équipe. On pouvait ne pas être surpris de les voir un peu en difficulté au niveau de l’attaque. Parce que sans être méchant, il n’y a pas énormément de créateurs sur les lignes arrières. Et ça ne permet pas vraiment de pouvoir servir des joueurs comme Gobert sur des alley-oop ou des choses comme ça. Par contre, moi je les avais trouvé très bons sur les matchs de préparation. J’en avais commenté deux. Je les avais trouvé très bons au niveau défensif. Et je trouve que malheureusement, la défense, c’est plus que c’était sur les matchs de préparation. Mais la défense ça vient du coeur et de la tête, c’est que de l’envie. Je crois que le gros souci, c’est quand même ce problème en attaque. Ce que je trouve un peu dommage sur cette équipe de France, c’est que c’était parti avec des intentions bien claires, bien définies, et je trouve que le cadre était bien fixé, était bien mis en place. A savoir, on défend fort, on se passe la balle, on partage le ballon, c’est pas ce que je vois. Entre dire des choses et les faire, il y a toujours un écart, mais là franchement, c’est compliqué. Et au niveau de la création, je reviens encore dessus, il n’y a aucune équipe qui joue sans créateur extérieur. Des joueurs comme Vincent qui est là avec nous, il est allé où ? Il va les mettre. Mais il va falloir que le meneur vienne provoquer les défensives, va provoquer les choses. Et nous, on ne crée pas, on n’attaque pas le cercle sur les extérieurs, on ne force pas le big à venir aider.

Et si on ne domine pas dans le jeu placé, il faut alors profiter des rebonds défensifs et interceptions pour courir et marquer en contre-attaque. Là encore, l’Equipe de France peine à courir. Un nouveau problème pour l’ancien entraîneur de l’Elan Chalon.

On ne court pas. Prenez les matchs qu’on a faits, on ne court pas. On a des extérieurs qui ne montent pas la balle en rythme. On ne court pas. Si on ne peut pas dominer sur jeu placé, qu’on se fait repousser, comme l’a souligné Vincent (Collet), au niveau de la ligne à trois points, et qu’on ne court pas sur les contre-attaques, ça va être très compliqué d’être efficace au niveau de l’attaque. Surtout qu’on n’a pas, encore une fois, de système de jeu ni de mouvement de balle clairement pour mettre les joueurs en position. Donc, si on ne court pas, et le basket moderne, maintenant, tout le monde court. On doit avoir des joueurs et on a des joueurs capables de courir. Alors, pourquoi ils ne courent pas ? Personne ne le sait.

Meilleur joueur des Bleus depuis le début des Jeux Olympiques, Victor Wembanyama est souvent repoussé loin du panier et shoot beaucoup à trois points. Pour coach Choulet, il ne faut pas que cela devienne son arme principale.

Lorsque Victor (Wembanyama) pose un ballon par terre, il est doublé pratiquement chaque fois. Ce qui devrait être une arme, en plus de tout ce qu’il a, ce qui devrait être le gros plus de Victor, c’est le tir à 3 points. Actuellement, c’est son arme principale. Et ça ne peut pas fonctionner comme ça. Effectivement, après, on peut se poser aussi peut-être des questions. Il ne serait pas de bon ton d’amener quelques systèmes avec des back picks, pour les amener à recevoir le ballon près du cercle… Parce que physiquement, même contre Vincent qui est avec nous, il ne va pas faire la différence, Victor. Ce n’est pas quelqu’un qui, au sol, est très, très dur. Donc, il faut peut-être trouver d’autres moyens. Mais encore une fois, je pense que le gros problème, c’est d’abord un souci de création pour permettre d’utiliser nos intérieurs et de leur donner des ballons, des alley-oops, des choses comme ça. On n’a pas ça. On n’a pas. Après, on peut discuter de tout et se dire que peut-être qu’on aurait dû faire venir Sylvain Francisco. Peut-être qu’on aurait dû garder Okobo, qui est un créateur. On peut tout discuter de tout. Mais les choses sont, actuellement, on a cette équipe-là. Il faut arriver à la faire performer au mieux. Et ce n’est en ce moment pas ce qu’on fait et ce qu’on montre. Donc, à partir de là, on ne changera pas les joueurs actuels. De Colo en 2, il ne va pas faire 35 minutes. On ne va pas les changer. Donc, il faut utiliser ces joueurs-là au mieux et trouver une efficacité offensive qu’on n’a pas. Et s’il vous plaît, courir un peu.

Souvent décrié, Vincent Collet n’est pas le seul fautif et saura réagir selon l’entraîneur français.

Vincent (Collet) avait fait un speech de départ qui, pour moi, semblait extrêmement pertinent,
en parlant de défendre très dur et de se passer la balle, de partager la balle. […] Vincent Collet n’a pas perdu son basket en 15 jours. Il y a plein de raisons à nos problèmes. On ne peut pas non plus sortir la sulfateuse sur Vincent Collet en permanence, même s’il a des torts. Tout le monde a des torts. Vincent connaît suffisamment le basket et quelques systèmes de jeu capables d’amener des joueurs dans les bonnes situations.

Après une préparation manquée et une phase de groupe poussive, les Bleus s’attaquent au Canada en quart de finale.

Je ne sais pas ce qui va se passer contre le Canada, mais on peut avoir des inquiétudes. Si on n’a pas la volonté de faire une défense collective, quitte à mettre un coup quand un mec rentre dans la raquette pour qu’il comprenne bien qu’on ne marque pas comme on veut ici, et après faire des switches sur schröder pour se faire tirer dans le museau à trois points, une fois, deux fois, ça passe. Mais après, on
passe pour des peintres. Et ça, c’est dommage. […] On a une marge de progression qui est quand même incroyable. Je sais que là, il va y avoir une discussion entre les joueurs, entre les coachs et les joueurs, entre Evan et le coach. Je pense que ça va libérer un peu certaines personnes. Je pense qu’il y a des vérités qui ne vont être du tout pas. Mais je pense qu’ils vont attaquer le quart de finale avec une autre mentalité de ce qu’on a pu voir. J’espère en tout cas. Mais cette équipe a quand même de belles choses à montrer. J’espère qu’on a franchi ça pendant les trois jours avant le quart et que le quart va nous mettre un petit boost. Parce que là, c’est le Canada. C’est une grosse équipe aussi. Je pense que ça va apporter une bonne motivation.

Après toutes ces mésaventures, Jean-Denys Choulet y croit tout de même pour le quart de finale. Bien qu’il faudra être concernés, agressifs et concentrés face à une équipe qui nous a déjà battu.

Personnellement, j’y croirais toujours, mais j’ai envie de voir beaucoup mieux. Si on n’y croit pas, il ne faut pas jouer. C’est juste qu’on avait des ambitions avant ces Jeux Olympiques, d’aller gratter l’or aux Ricains. Pour le moment, on en est loin et sans un changement d’attitude, un demi-tour complet par rapport à ce qu’on a fait sur les derniers matchs, ça va être… Et puis, il ne faut pas laisser s’installer dès le début de match dans une confiance et leur faire croire qu’ils vont nous mettre la même que la dernière fois. Je pense que le Canada, ils ont un peu le même genre de meneur qu’a l’Allemagne, donc ça va être encore un nouveau défi. J’espère qu’on aura appris de l’Allemagne. Le Canada n’est pas forcément réputé pour avoir les meilleurs intérieurs non plus, donc j’espère qu’on fera quand même un gros taf à ce niveau-là, laisser un peu nos intérieurs dominer en étant agressifs. Je ne pense pas qu’il y ait une équipe qui ait autant de profondeur de banc que nous, à part les USA. Je pense que c’est le moment de jouer intelligent, de provoquer des fautes. Tu sais que si Shai (Gilgeous-Alexander) sort parce qu’il a deux fautes, parce qu’Andrew (Albicy) a été trop agressif et a pris une offensive ou des trucs comme ça, si à l’intérieur Rudy (Gobert) provoque deux fautes sur une fixation et sur un dunk, tout de suite, ce sont des petits détails qui peuvent changer le match, et ça, c’est important de les prendre en considération.

Crédit photo : Tuan Nguyen

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