Meilleur rebondeur du championnat avec une moyenne de 13,6 rebonds, Yves Raymond Mballa Noah est l’un des joueurs en vogue dans le championnat Espoirs. L’ailier-fort de 19 ans se livre sur son histoire d’amour touchante avec le basket, et affiche clairement ses ambitions.
Révélation du championnat dès ton arrivée à Nancy la saison dernière, qu’est-ce qui a changé depuis Orléans pour évoluer de cette façon ?
Depuis que je suis arrivé à Nancy, le coach (Pierre Verdiere) a beaucoup contribué à mon évolution. Avant je jouais poste 3, quand je suis arrivé ici, j’ai commencé à jouer en 4. Cela m’a permis de mieux comprendre le jeu, ce qui se passe sur le terrain.
Je pense qu’à Orléans, je n’étais pas si bien utilisé et en arrivant ici, le coach a du voir quelque chose de spécial en moi. Il a préféré me faire jouer au poste 4, et c’était un peu compliqué au début, mais je me suis intégré. J’ai commencé à prendre goût et ça me plaît de jouer à ce poste.
En étant décalé à un autre poste, as-tu découvert d’autres qualités en toi ?
J’ai su comprendre qui j’étais. Cela m’a permis de mieux comprendre le jeu, et de voir que j’avais un impact significatif dans la raquette et au rebond. Lorsque j’étais à Orléans, en jouant poste 3, il y a plusieurs choses que je ne voyais pas. Même le jeu, je ne le comprenais pas. À Nancy, j’ai l’impression que tout est comme un réflexe. Je vais directement à l’assaut pour chercher un rebond.
La saison dernière, tu étais à 5 rebonds de battre le record all-time du championnat (27). Ce record est-il dans un coin de ta tête ?
Je pouvais battre le record l’année dernière, mais je pense qu’il y avait d’autres joueurs plus forts que moi. J’étais le troisième meilleur rebondeur derrière Mohamed Sidibe et Babacar Mbye.
Cette saison, je dois battre le record et je dois être le premier au rebond. Je ne vais pas laisser quelqu’un passer devant moi, et je veux battre le record cette année.
Là je suis à fond, je ne peux pas lâcher. Cette saison, je serais le meilleur rebondeur. C’est impossible que je laisse quelqu’un passer devant moi.
” Le basket m’a sauvé la vie. “
Tes performances font de toi le meilleur joueur du championnat à ton poste depuis quelques semaines. As-tu le ressenti que tu es plus attendu et ciblé lors de chaque match ?
Oui, j’ai l’impression que je suis ciblé. Au niveau du rebond déjà, ils viennent tous sur moi. Je ne sais pas mais on dirait que les autres sont en mission. Je trouve que c’est un peu bizarre, mais je m’en fous, je fais ce que j’ai à faire.
Ça défend plus dur sur moi, c’est vrai. Mais je m’en fous, je suis venu au combat, il ne faut pas lâcher. Même si c’est dur, il faut supporter et ne pas baisser la tête.
Je ne m’attendais pas pour autant à être autant ciblé. Il y a des nouveaux joueurs qui sont arrivés, les équipes changent au fur et à mesure. En enchaînant les matchs, si je prends 20 ou 18 rebonds, les autres joueurs vont se dire qu’il ne faut pas me laisser dans la raquette. Du coup, le coach adverse va peut-être mettre quelqu’un d’autre à mon poste pour que je m’éloigne du rebond et que je ne vois pas où va la balle après chaque tir.
Je continue toujours à travailler car je connais mon point fort.
Tu as commencé le basket à Yaoundé, comment a démarré l’aventure ?
Je me souviens, j’étais encore au collège. J’étais à l’ACPBA. Il y a un joueur là-bas, quand je l’ai rencontré, j’étais déjà grand de taille, il m’a demandé si je voulais jouer au basket.
Je lui ai dit « pourquoi pas ? ». Deux journées sont passées, je suis allé faire un tour au club. Le coach m’a fait travailler, le soir même je suis rentré vers 22h et j’avais un peu peur parce que je ne l’ai pas dit à mon père que je jouais au basket.
En arrivant à la maison, je suis parti me cacher. On avait deux maisons, mon père est descendu et a demandé où j’étais. Je suis parti me cacher au niveau des toilettes, j’avais peur qu’il me frappe. Quand je suis sorti, je lui ai dit que l’un de mes camarades de classe m’avait proposé de jouer au basket avec lui. Je lui ai expliqué, et je pensais qu’il allait s’énerver ou me frapper, mais non. Le lendemain, il est parti dans le club, il a discuté avec le coach, et mon père m’a payé des équipements.
C’est de cette manière que j’ai commencé à jouer au basket. Grâce au basket, j’ai beaucoup changé.
J’étais turbulent, j’étais un délinquant, et en commençant à jouer au basket, j’ai complètement changé. J’ai bossé dur.
Je devais partir aux États-Unis, ça n’a pas marché, je ne sais pas pourquoi. Mais, cela ne m’a pas découragé, je me suis dit qu’il fallait que je continue à bosser. J’ai dû rater le visa deux fois pour les États-Unis, et quand j’ai essayé pour la France, on m’a accepté.
Quand j’étais refusé, j’avais cette rage de réussir. Je n’allais même plus à l’école, je fuyais l’école pour jouer au basket. Au début, je n’aimais pas mais une fois que j’ai été baigné tout a changé, je ne saurais même pas l’expliquer.
Parfois, les mots me manquent, je n’étais pas comme ça avant. Le basket m’a sauvé la vie. Je n’y suis pas encore arrivé, mais ce que ce sport m’a donné est incroyable.
Tu ne savais pas quoi faire de ta vie avant que le basket se présente ?
Je devais être électricien à la base. J’adorais ce qui touchait à l’électricité, je faisais de la techno au collège.
Une fois que je suis arrivé dans le basket, tout a changé. Je n’allais plus à l’école, je voulais juste jouer au basket. Je suis devenu fou de ce sport.
Le Cameroun est un pays réputé pour sortir des athlètes avec de fortes qualités physiques. Est-ce un aspect sur lequel les entraîneurs sont minutieux ?
Mes oncles ont le corps typique, ils sont costauds, donc je pense que mon physique vient de là. Quand tu vois un enfant de 13 ans au Cameroun, si on te dit qu’il a 13 ans, tu ne vas pas y croire tellement il est costaud. C’est incroyable (rires). Ici, les gens ne veulent pas croire que tu as vraiment cet âge, mais je m’en fous de ce qu’ils disent.
C’est mon corps et en Afrique c’est comme ça. Il y a aussi de la préparation avec les entraîneurs, selon tes performances, ils ont une idée de ce que tu peux faire. Je pense que c’est normal d’avoir de telles qualités physiques chez nous.
En tant que Camerounais, comprends-tu la décision de Joël Embiid ? Penses-tu déjà à l’équipe nationale pour les prochains grands tournois ?
Je pense que je ne peux pas contester cette décision. Il l’a prise et je ne peux rien dire, il sait pourquoi il a dit ne pas pouvoir jouer au Cameroun. Il a ses raisons.
En ce qui concerne l’équipe nationale, ce n’est pas encore dans un coin de ma tête. Je n’y pense pas.
Cette saison, je dois taffer. Je dois prouver. L’objectif c’est d’être professionnel l’année prochaine, il faut que je prouve. Le reste, on verra. Je vise même le 5 majeur de l’année en fin de saison.
Avant que l’on reprenne, j’ai appelé mes coéquipiers, je leur ai dit que notre mission, c’était de gagner le Trophée du Futur. S’ils veulent être avec moi, on va aller le chercher. Notre but, c’est d’être champion de France.
Crédit photo : SLUC Nancy