Après nous avoir donné son ressenti sur son premier appel en Equipe de France, Sylvain Francisco est revenu sur sa saison en cours avec Manresa, en Liga Endesa.
Passé par Levallois, Paris et Roanne, Sylvain Francisco a pris la décision de quitter la France pour vivre sa première expérience professionnelle à l’étranger. Sans club plusieurs semaines, le meneur de jeu francilien a été appelé par Manresa (Espagne). D’abord en test puis finalement pour toute la saison.
Un mot sur ta saison maintenant… Tu as quitté Roanne pour Manresa mais au départ tu n’étais que partenaire d’entraînement. Quel était le plan de départ en quittant la Chorale ?
De base, ce n’était pas prévu que j’aille à Manresa. Ce que je voulais, c’était une équipe d’Eurocup. Je devais avoir un spot de meneur titulaire en Eurocup. Je n’aurais pas dit non à l’Espagne parce que je voulais vivre ma première expérience hors de la France. On m’a dit que Manresa était intéressé, mais ils voulaient me voir parce que le coach ne me connaissait pas, personne ne me connaissait. Ils voulaient voir comment j’étais en dehors du terrain et sur le terrain. Il m’ont pris en test pendant deux semaines. Quand je suis allé là-bas, c’était nouveau. J’ai dû m’adapter à plusieurs choses. Beaucoup de coachs savaient que je suis à l’aise dans le scoring. La grande interrogation c’était “peut-il tenir une équipe? Peut-il faire des passes?”.
A mon arrivée j’étais un peu dans la retenue parce que je ne voulais pas montrer que je savais scorer, mais je voulais faire des passes et jouer pour l’équipe. Je pense que c’est aussi ce que les coachs cherchaient et ça leur a plu. Je suis une personne qui peut créer pour moi, être agressif, créer pour les joueurs autour de moi et faire beaucoup de décalages. Je suis une personne qui défend aussi très dur. Je pense que c’était déjà un plus pour le coach. L’attaque c’est bien beau, mais quelqu’un qui peut défendre tout terrain et poser des problèmes à certains meneurs, intercepter des ballons, c’est ce qu’il fallait dans l’équipe et c’est ce dont il avait besoin. Quand ça s’est fait avec Manresa, j’étais hyper content.
Avais-tu une destination préférentielle ?
Je voulais jouer dans un bon championnat et d’avoir l’Eurocup. Je n’avais pas de priorité. Je pensais à l’Espagne, à la Turquie…
Tu arrives alors sous forme de test à Manresa ?
Oui, mais c’était aussi pour voir si l’environnement me plaisait, le club, les infrastructure, si je m’entendais bien avec le coach au niveau de mon jeu. Au final, l’équipe m’allait bien. Tout dépendait de la situation. J’essayais d’avoir la meilleure situation possible. J’ai donné une grande confiance à mes agents. Ils savaient quelle équipe et quel coach il me fallait pour mon jeu et pour ma progression en tant que meneur. Quand ils m’ont parlé de Manresa, ils m’ont clairement dit que c’était la meilleure solution pour moi. Mes agents m’ont dit : “tu vas en test là-bas, mais on sait déjà que tu vas être pris“. Que je sois en test ou pas, je vais toujours me donner à 100%. Même si je n’étais pas pris ça aurait été une bonne expérience et une leçon. Ça n’aurait pas été un échec, mais ça aurait renforcé ma motivation.
Il y a vraiment des clubs qui me voulaient avant ça mais ça ne s’est pas fait. Il y a eu des rumeurs par-ci par-là disant “Sylvain ce n’est pas une personne stable”. Quelqu’un parlait derrière mon dos, je ne sais pas qui c’était et aujourd’hui même je ne sais toujours pas mais je m’en fiche. Cette même personne essaye toujours de me compliquer la vie et de continuer à parler en mal derrière mon dos. Ça fait longtemps que c’est comme ça, ça commencé quand j’étais à Levallois, ça a continué à Paris et même à Roanne. Avant d’arriver à la Roanne, Jean-Denys Choulet a eu des mauvais échos sur moi. Tout ceux qui disaient du mal de moi, c’était faux et à chaque fois c’était la même chose. J’avais des contrats et les contrats s’annulaient parce que quelqu’un a entendu que “Sylvain fait n’importe quoi, il est instable, il a un mauvais comportement, c’est un mauvais coéquipier”… Je pense que Manresa aussi a eu des échos donc je pense qu’ils voulaient aussi me tester pour savoir si ce qu’on disait sur moi était vrai ou faux. Je ne leur en veux pas du tout. C’est tout à fait logique. Ils auraient pu dire non et dire qu’ils ne veulent pas de moi comme ont pu le faire certains clubs, certaines équipes et certains coachs. A l’inverse, eux, m’ont tendu la main pour un test et ça a été concluant.
L’Espagne, un choix payant
Après plusieurs mois, on voit que l’équipe tourne bien en Champions League, mais également en ACB. Tu dois te dire que tu as fait le bon choix ?
Franchement je suis très content. C’est un ensemble; le coach, le staff et l’équipe, tout le monde fait un super travail. On travaille tellement dur à l’entraînement, c’est incroyable. C’est comme si on était en match tous les jours. Ici dans l’équipe, on parle du cardio de Manresa (rires). Il y a le cardio normal, mais ici c’est encore plus ! La plupart du temps, on court. C’est tout ce qu’on fait ! On court, première intention pick & roll, passe, on a beaucoup de solutions. A Manresa, le coach veut qu’on court énormément, mais qu’on défende dur aussi. Si une personne arrive et ne s’est jamais entraîné avec une équipe comme la notre, son souffle sera coupé au bout de deux secondes (rires). Des fois c’est ce qui se passe quand on joue contre certaines équipes. Elles sont là dans le premier, le deuxième quart-temps. Dans le troisième quart on met un coup de peps, on fait des stops et on a tellement d’énergie, on est tellement habitués à courir, à défendre dur, que notre cardio est assez élevé par rapport aux autres. Quand les autres sont fatigués, on a encore beaucoup d’énergie. C’est grâce à nos entraînements.
Tu atterris donc en Espagne pour ta première fois en pro hors de la France. Comment se passe ton adaptation ?
Ça se passe bien. J’ai vraiment quitté mes parents à l’âge de 12 ans, mais j’ai toujours été accompagné. Je suis d’abord aller à Saint-Etienne où j’étais avec mon grand frère. Je suis allé aux Etats-Unis où j’étais dans une famille d’accueil. Là c’est vraiment la première expérience hors de la France où je suis tout seul. J’ai toujours eu l’habitude d’être loin de mes parents, ma famille donc je peux m’adapter n’importe où. Quand je suis chez moi, je gère mes quelques business, je vais à l’entraînement, je joue beaucoup à la console, et depuis cette saison j’apprends l’espagnol et ça commence à être pas mal (rires).
La Liga Endesa, c’est un championnat dans lequel tu as trouvé ta place et que tu apprécies ?
A Manresa déjà, je trouve qu’on joue un très bon basket. Pour moi, le championnat espagnol, c’est le meilleur d’Europe. Quand on pense à l’Espagne c’est directement Barcelone, Real Madrid, mais il n’y a que des matchs difficiles. Même quand le dernier joue le premier. N’importe quelle équipe peut battre n’importe quelle équipe. C’était un peu différent de m’adapter à ce jeu-là. Ça aide beaucoup, donc qui dit aide dit beaucoup de joueurs seuls. On peut créer beaucoup de décalages. Le coach nous demande beaucoup de choses après les pick and rolls, il faut faire des passes très précises à l’endroit exact où il demande.
Il a fallu que je trouve des automatismes en tant que meneur pour trouver mes coéquipiers. Je me suis adapté, j’ai juste eu besoin d’un petit peu de temps parce que ça m’a changé de la France. En France, il y a énormément de talent donc c’est plus axé sur le un contre un. Il y a des équipes qui jouent en équipe, mais c’est beaucoup de un contre un. Les joueurs sont très athlétiques. En Espagne, il n’y a pas beaucoup d’un contre un, ça joue plus collectif. C’est basé sur du pick and roll, c’est surtout des automatismes. Le talent parle parfois, mais comparé à la France tu trouveras moins de talent. Par contre, tu trouveras plus de joueurs qui sont excellents dans un rôle très précis. C’est bien, je pense que ça me fait progresser, l’équipe progresse aussi. C’est vraiment intense.
25 points et la victoire à Barcelone, un souvenir impérissable
Tout le monde a vu tes perfs et notamment celle face au Barça, comment l’as-tu vécue ?
On venait de sortir du Covid parce qu’on l’a tous eu. On savait que ce qui nous attendait c’était Barcelone, Real Madrid et Obradoiro. On parlait avec Chima (Moneke, ndlr), je lui disais qu’il fallait qu’on fasse au moins 2/3. Il m’a dit “non, on doit faire 3/3 !“. Je lui ai répondu “j’avoue t’as raison, il faut qu’on les tape tous!” (rires). Real Madrid on était prêts, on les voulait. On a perdu à la fin, mais on devait l’avoir ce match-là. On a enchaîné deux défaites de suite, contre Madrid et contre Jerusalem en Champions League. Ces deux défaites-là nous on fait travailler mentalement. A l’approche de Barcelone, on était prêts. Déjà on savait que l’arbitrage serait dans leur poche donc on savait qu’il n’y aurait aucune raison de discuter. Tout ce qu’on avait à faire c’est être durs dès le début. On devait leur rentrer dedans directement et marqué des paniers assez faciles pour gagner en confiance et garder cette confiance. C’est ce qui s’est passé. On a très bien commencé. Quand je suis entré en jeu, je ne pensais mettre 25 points. Tout ce que je voulais c’était défendre dur et gagner.
Je voulais gagner contre Barcelone. Comme on les avais battu déjà en finale du tournoi de Catalogne, c’était une revanche pour eux. Même si c’était Barcelone, j’étais serein. Quand je joue contre quelqu’un, il peut être talentueux, il peut être connu, avoir de l’expérience, ça reste un joueur comme moi, il a deux bras et deux jambes. J’ai mis 25 points, mais comme j’aurais pu en mettre aucun. Du moment qu’on gagne je suis content. J’aurais été content de la même façon si j’avais mis 0 points. J’ai apporté beaucoup de choses, pas que des points. J’ai apporté de la défense, des passes et j’ai réussi à gérer l’équipe. Tout s’est bien passé car j’étais serein. J’ai réussi à anticiper et avoir les bonnes réponses aux situations qu’ils me proposaient. Tout ça c’est grâce au scouting, mais aussi parce que je regarde mes matchs, mes films. Je sais quand c’est bien, mais aussi quand c’est pas bon. On sait que Barcelone est une équipe qui joue beaucoup sur demi terrain donc il fallait absolument qu’on mette de la vitesse et qu’on impose notre rythme sinon on allait perdre à coup sûr. Quand tu joues contre ce genre d’équipe et que tu es à plus 10, c’est rien du tout, ils peuvent revenir en quelques secondes. Et c’est ce qui s’est passé. On a eu dix points d’avance, mais les gars sont revenus.
Pour moi, ce match-là, c’est un de mes matchs références. C’est un match que je ne vais jamais oublié. Ça faisait plus de 25 ans que Manresa n’avait pas gagné à Barcelone et j’ai mis le panier pour la prolongation.
D’ailleurs, quelle est l’histoire de ce panier ?
Il restait six secondes, le coach m’a dit “Sylvain prends la balle, tout le monde va s’écarter et vas-y“. Quand je prends le ballon, j’ai mon épaule gauche qui est vers mon coéquipier qui va me faire la passe et je regarde déjà comment est placée l’équipe adverse pour voir quelles options s’offraient à moi. J’ai reçu le ballon et j’ai vu Hayes qui m’a laissé un boulevard au milieu. Il voulait m’orienter main gauche, c’est ce qu’on retrouve dans le scouting report sur moi. Je suis tellement agressif sur ma main droite, peu de gens peuvent me tenir sur la main droite donc on essaye de m’orienter sur la gauche.
J’avais deux solutions, c’est venu en l’espace d’une seconde dans ma tête. Soit je fais un step back et je tire à trois points, soit je pénètre et l’intérieur qui était sur Ismael (Bako, ndlr) allait aidé et j’aurais pu le trouver mais je savais qu’il allait feinter l’aide et Ismaël ne serait finalement pas tout seul, soit j’y allais pour moi. Dans ma tête j’avais deux solutions pour finir tout seul, soit j’allais créer un décalage. Hayes m’a fait faute, mais je savais que je n’allais pas l’avoir. Au moment où je suis parti, j’ai vu que je commençais à le dépasser, le défenseur d’Ismaël a fait semblant d’aider et est reparti. Hayes a essayé de repasser devant moi, c’est là que j’ai fait mon un, deux et que je me suis basculer vers l’arrière pour pas qu’il puisse me contrer. Avec tout l’élan qu’il a pris, je savais que moi j’allais réussir à contrôler mon corps mais que lui partirai en avant. Au moment où j’ai lâché le ballon, je savais que ça allait rentrer (rires). J’étais tellement concentré, je voulais tellement gagner que je n’ai pas eu de réaction sur ce tir. J’ai attendu la fin du match pour courir partout, sauter, danser, faire ma tête de bête (rires). C’est un match que je ne l’oublierai jamais.
Tu parles de ta progression de meneur de jeu, comment se passe-t-elle ?
Je ne vais pas mentir, des fois je joue un peu tout seul. Je sais que je peux scorer. A Manresa, j’ai progressé sur ma vision de jeu. J’ai appris beaucoup de choses, surtout sur le pick and roll à 45 degrés. En début d’année, le coach était sans arrêt sur moi. Je ne pensais pas que j’allais être signé. Vu comment le coach me gueulait dessus, je me disais “j’ai vraiment des lacunes“. Je pensais que je prenais bien les picks and rolls quand j’étais en France parce que j’arrivais souvent à faire la différence, mais là le coach me reprenait absolument tout le temps. J’ai aussi progressé sur mon mouvement sans ballon. A Roanne, je n’avais pas vraiment de mouvement sans ballon, mes tirs étaient plutôt pris après le dribble, je n’avais quasiment jamais de catch and shoot. Je créais pour les autres. Ici, je peux user moins d’énergie et trouver mes coéquipiers plus facilement. Je suis donc moins fatigué. Ça fait partie des automatismes.
En voyant les meneurs ici Dani Perez et Dani Garcia j’ai appris de nouvelles passes. Je n’ai jamais vu personne faire d’aussi bonnes et précises passes que Dani Perez. C’est incroyable. A chaque fois je le regarde et je m’en inspire. C’est comme ça que j’apprends. Grâce à ça j’arrive à créer de plus en plus de décalage. Personnellement, je ne me vois pas vraiment progresser parce que j’en veux toujours plus. Je ne suis jamais satisfait. Sur le match de Barcelone, certes j’ai mis 25 points, mais j’étais énervé contre moi parce que j’ai raté mes lancers-francs, j’ai raté quelques trois points et j’aurai pu mieux faire sur certaines situations. A chaque fois on me dit quand c’est bien, mais je ne suis jamais complètement satisfait. Il y a toujours quelque chose à redire. Mes frères me disent souvent “là tu abuses” (rires). Même ma petite amie me dit que je suis trop dur avec moi, mais j’ai été élevé comme ça. Mes grands frères ne m’ont jamais complimenté. Il y avait toujours un problème. Et c’est aussi ça qui est bien avec notre coach. Même quand on gagne et qu’on fait nos séances vidéos, il arrive toujours à pointer du doigt les petites erreurs. Il nous montre sur quoi on doit progresser. Je suis aussi moins fou-fou qu’avant. Largement moins. Je sais mieux comment attaquer, quand attaquer, comment jouer pour les autres. Je n’attaque plus en mode comme ça.
Pedro Martinez est un coach qui a de l’expérience; quelle est ta relation avec lui ?
On a une bonne relation. Des fois on voit que je joue une minute, six minutes… C’est arrivé que je ne joue quasiment pas, mais ce sont ses décisions. Si le coach ne veut pas que tu joues, tu ne joues pas. Tant que mes coéquipiers sont en forme je suis content. Même si je ne joue pas. Je suis là, j’encourage, je suis content. Même quand je ne joue pas, je suis toujours présent dans les vestiaires à encourager mes coéquipiers. Ce qui est bien avec ce coach, c’est qu’il est très ouvert. Quand tu as un problème avec lui, tu peux lui en parler sans problème. Il écoutera. La plupart du temps, c’est même lui qui vient te voir. Quand tu ne joues pas, il vient te dire où tu as fais une erreur, il vient te dire ce qui ne va pas et il te demande ton avis. Tu finis par te confier à lui et il va te donner son opinion. Ça se termine par une conclusion et en deux minutes tout s’oublie. C’est bien avec lui, ça peut se chauffer, mais il vient te voir très vite après et tout se règle. Il me pousse sans arrêt. Je lui pose beaucoup de questions. Quand il te fait rentrer, il faut toujours être prêt. Même si je joue cinq ou six minutes, je me donne toujours à fond. Parfois je ne mets pas de point, mais je m’applique pour tout donner pour l’équipe, j’apporte en défense, j’essaye de créer des décalages, de trouver mes coéquipiers. Quand ça ne marche pas en attaque, je redouble d’efforts en défense.
Crédit photo : Champions League