ITW Pierre Verdière (Nancy) : « Nous ne sommes pas une équipe très talentueuse »

- 28 mai 2024

Éliminé hier soir lors du deuxième tour au Trophée du Futur, Pierre Verdière revient sur la fin de saison et le parcours du SLUC Nancy lors de ce tournoi. Entre condition physique, et rythme intense, le formateur revient sur la difficulté de ces deux derniers matchs, les forces de son équipe sur la régulière, et le potentiel de ses joueurs.

Cette saison, vous avez tout raflé. Nancy est champion de France, Guillaume Grotzinger est MVP, vous êtes le coach de l’année. Est-ce l’une des meilleures saisons que vous ayez vécue ?
Avec l’équipe de la génération 2017, oui, c’était l’une des meilleures.
C’est un super parcours que les gamins ont fait. À titre personnel, j’ai eu autant de plaisir qu’avec la génération 2017.
Ces deux équipes étaient très différentes. Je savais qu’avec celle de 2017, on serait très dominants et pas avec celle-ci.
J’avais de la profondeur de banc et dix joueurs qui pouvaient évoluer au plus haut niveau Espoirs, cette année, c’était plus compliqué.
Cette année, je voyais deux équipes au-dessus de nous comme Monaco et Bourg-en-Bresse.
La JL est une équipe très talentueuse, je les voyais faire une grosse saison. La différence est que nous avons su être réguliers et n’avons pas fait beaucoup d’erreurs. C’est-à-dire, que nous n’avons pas perdu des matchs « à la con » contre des équipes moins bien classées.
Nous avons gagné les matchs à domicile, puis nous n’avons pas fauté contre des équipes de fin de tableau.
Ce qui nous a permis d’être champion de France à quelques journées de la fin du championnat.

« J’avais très peur qu’on prenne une tarte dès le premier match. »

Vous avez été surpris du niveau de vos deux hommes forts : Guillaume Grotzinger et Yves Mballa Noah ?
Oui, mais pas qu’eux. On parle peu de lui car il n’était pas sur le banc de l’équipe première, mais Pierre-Henry Aworet a été un élément très important dans ce groupe.
Noha Guillaume, de par sa stabilité émotionnelle, son QI basket, sa conscience du jeu au niveau défensif a été essentiel.
Tous m’ont étonné de leur humilité et leur engagement physique. Nous ne sommes pas une équipe très talentueuse, mais il ne faut pas que des joueurs de talent sur un terrain de basket.
Ils ont compris que sur un match de 40 minutes, nous n’avons pas le ballon pendant les 40 minutes. Nous pouvons être utiles à une équipe sans avoir le ballon, et les joueurs l’ont très bien compris. C’est cela qui nous a permis d’être champion de France cette saison.

L’équipe s’en sort de peu contre Limoges au premier tour. La JL Bourg a été plus dominant hier soir. Considérez-vous que la saison se termine par un échec ?
Non, je suis complètement conscient depuis le début que la façon dont nous avons joué toute la saison serait impossible à reproduire au Trophée du Futur.
Jouer avec que des joueurs entre 36 et 38 minutes sur trois matchs en trois jours, c’est impossible.
J’ai une certaine expérience du Trophée du Futur, je sais pertinemment que pour gagner, il faut arriver en finale avec des joueurs frais, ça c’est le premier élément. Le second, c’est que l’on termine très difficilement la saison puisque les joueurs sont cuits, et on cumule les blessures depuis trois semaines.
Guillaume Grotzinger est blessé, Noha Guillaume joue avec une cheville complètement foutue sur les deux derniers matchs, et il n’aurait pas dû jouer d’ailleurs, mais il a été courageux d’aller sur le terrain. PH (Pierre-Henry Aworet) a une entorse depuis huit jours.
On ne s’est même pas entraînés la semaine précédent le Trophée car il manquait quasiment tout le 5 majeur. Nous n’avons fait que du tir et de la récupération, en espérant réussir sur un coup de chance faire quelque chose de positif.

On savait que ce serait très difficile, je le savais avant, mais avec les blessures, c’est encore plus dur. J’avais très peur qu’on prenne une tarte dès le premier match.
Ils ont du courage pour résister, puis de la chance, mais il en faut pour pouvoir passer le premier tour.
Cela n’enlève rien à leur saison de franchir le premier tour vu les conditions dans lesquelles nous étions.
Il n’y a pas eu de grosses déceptions même dans les vestiaires. Ils en sont conscients, même si cela n’enlève rien à Bourg qui joue très bien au basket en étant l’une des plus belles équipes de ce championnat.
Le niveau de cette équipe en plus du nôtre, c’était incompatible.
Je savais que ce serait difficile de battre Limoges qui est aussi une très bonne équipe. J’avais peur que l’on prenne une tarte alors que l’on n’en a pas pris une de l’année, sauf contre l’Asvel (7 octobre 2023, 91-71 pour l’Asvel).
Les deux fois où nous avons perdu dans la phase aller, ce sont les deux fois où nous avions joué deux matchs en trois jours. Je sais que sur ce rythme-là, on n’y arrive pas.
On a la meilleure défense du championnat, on est intenses, mais cette intensité à 6 tous les trois jours, on ne peut pas le faire. C’était insoluble comme équation.

En 2017, vous avez fait le doublé avec les Espoirs de Nancy. Aujourd’hui 6 d’entre eux évoluent encore en Betclic Élite et en Pro B. Avec l’effectif actuel, voyez-vous autant de joueurs réussir au plus haut niveau français ?
Je ne sais pas, je l’espère. J’en vois un peu moins aller en Betclic Elite. Il y a des joueurs qui vont passer professionnels dans ce groupe, c’est sûr.
Il faut se rappeler aussi de Bastien Vautier qui commençait en Pro B. On le voyait comme le grand pivot blanc, intelligent dans son placement, un peu soft… Aujourd’hui, c’est l’un des meilleurs intérieurs français en première division. Il faut laisser le temps au temps, qu’ils trouvent le bon coach, le bon club, et la personne qui saura les mettre en confiance pour qu’ils puissent continuer leur développement. C’est ce que je leur souhaite.

Cela fait plusieurs années que vous êtes au SLUC. Vous êtes dans le monde de la formation depuis très longtemps. Qu’est-ce qui vous anime dans ce métier ? Ce qui vous rend fier ?
Ce qui me rend fier, c’est le plaisir de recroiser des joueurs que j’ai aidé à se développer.
J’aime les voir jouer, faire une belle carrière, les recroiser par la suite.
J’ai croisé Bastien (Vautier), Williams (Narace), Enzo (Goudou-Sinha) etc… On discute, ils prennent du temps, m’appellent pour que l’on se voit. Ce sont de bons moments, on se rappelle des souvenirs, on parle de la saison, on échange.
Les rôles ne sont plus les mêmes, je ne suis plus leur entraîneur, ni formateur. Je suis juste quelqu’un avec qui ils ont partagé de bons moments, comme des plus difficiles.
C’est sympa de les croiser sans pression avec du plaisir et de l’amitié.
Le plaisir, c’est que ce sont des adolescents lorsqu’ils arrivent, donc très malléables. On les voit évoluer, on partage pas mal de choses. Il y a beaucoup d’humanité dans ce métier. C’est ce qui m’intéresse.

La transmission me plaît beaucoup, je suis toujours à la recherche de nouvelles choses, de nouvelles idées, d’une nouvelle façon de faire pour permettre à mes joueurs de progresser.
Je suis parti en Espagne l’année dernière pour voir comment travailler un club espagnol, je suis revenu avec plein d’idées. Il y a des choses que l’on ne peut pas forcément faire au niveau professionnel.

Vous avez dit dans une interview pour Le Républicain Lorrain que vous regrettez qu’il n’y ait pas plus de collaboration entre la section professionnelle et amateure. L’éclosion d’une grande panoplie de joueurs sortant des centres de formation ces dernières années vous laisse optimiste quant à l’évolution de cette probable collaboration ?
Tout se passe bien entre la section professionnelle et amateure. Le projet pour Grotzinger est qu’il soit prêté, je pense que la Pro B est un très bon championnat pour lui. La NM1 aussi est très intéressante pour des joueurs de 20 ans. Il faut savoir être patient, et ne pas brûler les étapes, sinon ils se retrouvent dans un club où ils ne jouent pas.
Il va y avoir de la NM1 ou de la Pro B pour certains d’entre eux. À eux de saisir leur chance et d’être prometteur.
Avec mes joueurs, on va se voir demain ou mardi. Je vais faire le point avec l’ensemble de mes joueurs, qu’ils restent ou qu’ils partent. Nous verrons comment on gère la fin de saison.

Crédit photo : Yvonne Corbiere / SLUC Nancy

Commentaires fermés