Entré dans la légende ce vendredi, en devenant le meilleur tireur à 3 points de l’histoire de la Betclic Elite, Nicolas Lang nous a accordé sa dernière interview sur ce sujet.
À Beaublanc, face à son club formateur, devant ses proches, le sniper Limougeaud a vécu l’une des plus belles soirées de sa carrière avec la victoire en prime pour fêter ce record.
Il se livre aussi sur les dernières opportunités reçues à l’étranger, et sur la mode du tir à longue distance.
Vendredi, tu as battu le record du plus grand nombre de tirs à 3 points inscrit en première division. Est-ce un record que tu t’imaginais battre un jour ?
Au départ, je n’y prêtais pas vraiment attention. On a commencé à m’en parler l’année dernière.
La JDA Dijon avait mis un post sur David Holston qui devenait le cinquième tireur le plus prolifique à 3 points, j’ai vu qu’il y avait mon nom en deuxième. Tu fais le calcul, et tu te dis que ça risque de se réaliser.
Tu entres dans l’histoire en marquant ce 756e tir record face à Chalon, ton club formateur. C’est un peu le scénario parfait pour toi ?
Oui, honnêtement, c’était le scénario rêvé.
Tu te dis que tout arrive pour une bonne raison finalement. Face à Strasbourg, je n’ai pas mis le shoot. Sur le coup, tu es déçu, j’aurais aimé le mettre pour vite passer à autre chose.
On en parle beaucoup et je voulais tourner la page, j’espère ne pas en parler pendant 50 ans non plus.
Ne pas le mettre face à Strasbourg, c’était probablement ce qu’il y avait de mieux, pour le passer à Limoges avec une victoire.
Le basket est le sport collectif le plus individualiste. En tant que compétiteur, j’aurais eu beaucoup de mal. Cela aurait été gênant de le mettre, d’avoir un petit trophée, alors que tu es en train de perdre (rires).
Nous ne sommes pas le football, et les supporters ont fait un tifo, ça fait chaud au coeur. Le club a très bien organisé cela, devant ma famille et mes amis.
C’était génial de faire cela à domicile. L’ambiance à Beaublanc nous porte.
“J’ai l’impression que dans le basket, il y a des modes.”
Quand le tir à 3 points est devenu une grande mode dans le basket mondial, tu affichais déjà des pourcentages excellents. As-tu eu la sensation que tu incitais d’autres équipes à s’adapter à ton efficacité offensive pour gagner les matchs, à la manière d’un Steph Curry ?
Non, on ne va pas aller jusque-là quand même.
Il suffit de le voir depuis quelques années, le meilleur défenseur adverse est toujours sur toi. Il ne va pas aider comme il est censé le faire. S’il y a une rotation défensive, le coéquipier qui a le ballon et qui est moins shooteur va faire une feinte, rester sur toi et laisser l’autre shooter même s’il est vraiment seul.
Quand on joue face à Bourg-en-Bresse, il y a Xavier Castaneda sur le terrain, un de ses coéquipiers a le ballon, et est ouvert à 3 points, je ne vais pas faire la rotation défensive, je vais le laisser shooter. Ce n’est pas un manque de respect et cela ne veut pas dire que je ne pense pas qu’il puisse le mettre. C’est seulement une question de probabilité.
On parle de Stephen Curry, mais il y a aussi Boston. C’est une équipe qui shoote beaucoup à 3 points. Même Paris en a pris 52 à Berlin. Ces shoots que tu prenais d’habitude à 2 points, tu les travailles et tu les prends à 3 points en déséquilibre ou après un dribble. Tu te rends compte que ce n’était qu’une ligne, un peu comme une barrière mentale. Maintenant, j’ai l’impression qu’elle n’y ait plus.
Finalement, c’est mathématique, c’est un point de plus pour le même tir. Boston est le meilleur exemple. J’ai l’impression que dans le basket, il y a des modes. Pour le coup, c’est peut-être plus appuyer car il y a aussi des données mathématiques. On ne peut pas nier que 3 vaut plus que 2, c’est aussi simple que cela.
Quand tu vois une équipe championne NBA, qu’ils sont 5 derrière la ligne à 3 points, et que ça espace tellement le jeu, qu’ils peuvent driver, ressortir, avoir des bons shoots… Je pense que ça peut encourager tout le monde à développer cet aspect.
Tout le monde ne pourra pas être un shooter à 50% mais si tu es un joueur à 10%, tu peux vite être un handicap pour une équipe.
Les pourcentages sont aussi à prendre avec des pincettes. Il y a un contexte, si tu n’en prend que deux, ça ne veut pas dire grand-chose. Il y a aussi la patate chaude à la fin des 24 secondes. Ce ne sont pas les pourcentages que je regarde, mais comment l’équipe adverse te respecte pour que le spacing reste correct.
“Ce n’est plus comme avant.”
À 34 ans, tu réalises probablement la meilleure saison de ta carrière avec presque 20 points de moyenne, 16 d’évaluation et 53,1% de réussite à 3 points. Quel est le secret de cette longévité ?
Je pense que c’est le fait de toujours en vouloir plus. Tu n’es jamais satisfait. Je ne vais pas m’enflammer parce que j’ai fait un bon match.
Après une défaite, il faut passer à autre chose, mais c’est encore plus important de le faire après une victoire. C’est un record, il y a la famille et les amis, mais au prochain entraînement, je l’ai oublié. C’est probablement la dernière interview que je fais à ce sujet. J’ai vraiment envie de passer à autre chose, au prochain match, et de chercher d’autres objectifs.
On parlait de statistiques, mais il y a autre chose. J’ai aussi envie de progresser physiquement, aller plus souvent en salle de musculation. Je veux aussi être plus malin et plus intelligent dans ma façon d’aborder les entraînements. Ne pas être trop psychorigide, ne pas chercher à être trop parfait car on ne le sera jamais.
Te voyais-tu faire toute ta carrière dans le championnat français ? Une expérience à l’étranger ne t’a jamais tenté ?
J’avais l’envie d’aller à l’étranger pendant un bon moment. En France, on ne me laissait pas forcément jouer comme je le voulais. Depuis quelques années, je peux m’éclater, je prends plus de plaisir. Aujourd’hui, je n’ai plus forcément cette envie, je suis bien à Limoges.
Dernièrement, j’ai eu des offres à l’étranger mais je n’ai pas donné suite car je suis dans un projet où je suis capitaine, j’ai des responsabilités. Je ne vais pas mentir, je voulais vraiment y aller mais c’est aussi une question d’opportunité.
Quand tu es dans une grosse équipe, que tu gagnes des titres, mais que tu ne fais pas de stats… Les coachs disent toujours que si tu gagnes tu auras ces occasions, mais ce n’est pas forcément vrai.
C’est aussi dans ce sens que le basket est individuel, si ton équipe gagne mais que tu n’es pas mis en avant, les opportunités vont manquer. À l’inverse, c’est vrai aussi. Tu en manqueras si tu joues bien mais que ton équipe perd.
Quand tu étais plus petit, ton père te montrait des vidéos de Larry Bird et Pete Maravich, l’un connu pour son shoot et son trash-talking, l’autre pour son élégance. Ce sont deux joueurs en qui tu te reconnais ? Vois-tu dans la nouvelle génération un joueur qui pourrait te ressembler ?
Non, je ne peux pas dire que je me reconnais, ce n’est pas la même carrière (rires). On parle de deux des meilleurs joueurs de l’histoire.
Ce que j’ai vraiment regardé, ce sont des cassettes de shoot, de dextérité de Pete Maravich, à l’ancienne. Cela reste des bases. Ce que je regardais surtout, c’était Kobe Bryant mais il est tellement plus athlétique que toi, que tu peux oublier toute la partie dunk. Ce que je regardais le plus, c’étaient les pull-up, les fadeaway sur des post-up, tout cela reste du shoot aussi.
Sur la génération actuelle, je ne sais pas. J’ai des caractéristiques bien personnelles. Cette nouvelle génération les a aussi. Ils comprennent l’importance du shoot, même s’ils ont des qualités athlétiques, ils comprennent qu’il faut bien plus que cela.
Avant, j’avais l’impression que c’est soit tu es athlétique, soit tu es shooteur. Maintenant, en NBA, ils sont athlétiques et shooteurs. Ce n’est plus pareil qu’avant.
La génération actuelle veut progresser mais il faut le découvrir soi-même.
Ce qui est sûr, c’est que ce n’est plus comme avant.
Crédit photo : F.Blaise / FIBA / Malena Haynau / David Haynau / Tuan Nguyen