Futur responsable du centre de formation de l’ADA Blois, nous avons repris contact avec Mohammed Aoun pour parler de son futur projet. Homme de formation, l’éducateur Champenois nous donne sa vision du métier, de la vie et de la façon dont il accompagne ses joueurs.
La saison prochaine, tu seras à Blois. Pourquoi ce choix ?
Cela fait un moment que je suis Blois. Depuis l’époque où j’étais à Boulazac, c’était une structure qui me plaisait beaucoup. On les jouait en U18.
Les choses se font naturellement, le club est vraiment axé sur la formation. C’est aussi le cas ici à Châlons-Reims.
Il y avait aussi l’idée qu’ils sont en train de développer leur proposition de formation avec le centre de performance qui va sortir de terre.
Sur les deux-trois dernières années, il y a beaucoup de joueurs à Blois qui passent du centre de formation au niveau professionnel ou d’autres équipes.
Moi qui veut faire carrière dans la formation, cela a du sens. Je vois que le travail est bien ait et récompensé en voyant les gamins intégrer une équipe professionnelle donc ça fait partie de l’ADN du club.
Il y avait une volonté d’intégrer une structure tournée vers la formation. Blois répondait à ces critères.
Je suis en fin de contrat au Champagne Basket, on ne savait pas forcément où on voulait aller alors il y a eu des prises de contact. Les choses se sont faites naturellement par la suite.
Mathématiquement, le club n’est pas encore relégué. Au départ, il y avait une volonté de découvrir dans le championnat Espoirs Elite ?
Aujourd’hui, ce qui est important pour un formateur, c’est que la structure soit performante. Que ce soit en Espoirs Elite ou Pro B, si le club est structuré pour la formation, tu sors des joueurs.
J’ai faits un listing pour me rendre compte des joueurs sortis des Espoirs Elite et Pro B l’année dernière, que ce soit en Pro B ou en N1, il y a plus de joueurs qui sortent des Espoirs Pro B.
Aujourd’hui, le plus important est d’aller chercher l’outil qui me permettra d’être le plus performant dans le travail.
Blois fait partie des top structures en France, et c’est ce que je regarde. Aujourd’hui, ils sont en Betclic Elite, demain ils seront en Pro B, après-demain, ils seront peut-être de retour dans l’Elite, peu importe… Le projet est stable et il ne change pas.
Dans ma réflexion, je ne regardais absolument pas les résultats de l’équipe première. C’était un club qui m’intéressait depuis un moment. Il y a eu une opportunité. Il y a eu une forte réflexion car j’étais très bien ici à Châlons-Reims donc j’ai beaucoup réfléchi à savoir si j’y allais ou pas.
C’est un des spots les plus importants dans le monde de la formation, et je suis très heureux, et honoré, d’être celui qu’ils ont choisi.
Que penses-tu de l’équipe Espoirs de l’ADA cette saison ? Qu’est-ce que tu comptes changer ou garder dans le jeu ? Jusqu’où veux-tu les emmener ?Je n’ai pas forcément d’avis, et sincèrement, je n’ai pas envie de donner un avis sur l’équipe cette saison. Je trouve que ce n’est pas opportun, et ce n’est pas à moi de le faire.
Le centre de formation a des joueurs de qualité, il y en a qui jouent en Pro B dont Landry Djedje qui a signé à Evreux. Il y a des joueurs comme Dominique Diomande qui font des apparitions en Betclic Elite. Des jeunes joueurs à en devenir.
La seule chose que je peux dire, c’est qu’il s’agit d’un centre de formation de qualité avec des joueurs de très bon niveau, dans la vision d’aller au haut niveau.
Jusqu’où je veux les emmener ? On a eu la discussion l’année dernière, je suis vraiment un formateur.
Oui, on entraîne des gars qui jouent au basket et il y a l’aspect de compétition, mais, j’arrive en tant que responsable du centre de formation. Mon objectif sera de collaborer avec l’ensemble du club pour faire en sorte que tous les joueurs du centre de formation aient le meilleur processus pour atteindre leurs objectifs individuels. Si le fait qu’on les aide à les atteindre, qu’on les fasse avancer permet à ce que l’équipe U18 et U21 performent en championnat, c’est bingo !
C’est ce qu’il s’est passé l’année dernière ici, encore cette année un peu ici… Des parcours collectifs très intéressants et très louables.
Ce qui est encore beaucoup plus intéressant et plus important, à la fois pour moi et pour Blois, c’est que les joueurs aillent là où ils doivent aller.
Ma mission, mon envie et mon ambition, ce sera de venir avec ma personnalité, et d’amener ma pierre à l’édifice au projet du club qui est de sortir des joueurs.
“Mes joueurs, c’est la famille.”
L’année dernière, tu nous disais que ta mission était de faire de tes joueurs de futurs grands hommes, et pour certains peut-être de futurs grands joueurs. Tu tiens toujours le même discours ?
Toujours, c’est mon leitmotiv et on se rejoint sur ce point avec Blois.
Aujourd’hui, pour faire en sorte que des joueurs deviennent de bons joueurs de basket, il faut avant tout qu’ils deviennent de bonnes personnes. Il faut leur inculquer des valeurs comme le travail, l’humilité… Tout cela les amène à passer des caps et à devenir de bons joueurs. À la base, c’est parce qu’on les éduque de façon à ce qu’ils deviennent de bons hommes.
Les deux choses sont indissociables. Mon étiquette, et ce que je veux véhiculer, c’est que je suis un éducateur et un formateur. J’ai eu la chance de le faire dans le basket, d’aider des joueurs à atteindre leur objectif et d’aller vers le haut niveau.
Quand je parle de haut niveau, c’est dans la vie. Il y en a qui vont ouvrir leur entreprise, d’autres qui vont devenir des joueurs professionnels, d’autres deviendront des entraîneurs de haut niveau, d’autres seront des papas de haut niveau… Peu importe ce qu’ils veulent faire dans la vie, mon job est de leur expliquer qu’il y a un processus pour y arriver.
Chacun grandira et fera sa vie comme il l’entend. Mon job ne consiste pas simplement à leur expliquer comment jouer un pick and roll ou comment défendre sur un intérieur.
La saison passée, vous étiez champion de France Espoirs Pro B. Pour la dernière au Champagne Basket, tu as demandé à tes joueurs de réitérer ?
Non, comme je t’ai dit l’année dernière, le basket c’est un sport dans lequel c’est soit tu gagnes, soit tu perds.
Je n’ai pas besoin de leur demander, ils l’ont en eux. Chaque match depuis le début de saison, ils veulent le gagner.
Il y a plusieurs victoires, celle dans l’état d’esprit, dans la progression individuelle, et celle qui est collective.
À ce stade de la saison, on a deux victoires sur trois, et ce sont celles que l’on contrôle. Les joueurs sont progressé depuis le début d’année. Ils sont visibles, on les voit et les observe.
Beaucoup de coachs posent des questions par rapport à ces joueurs. Dans l’état d’esprit, il y a peu de choses à nous reprocher. Nous sommes respectueux, ils travaillent bien, la dernière victoire serait de gagner ce match contre Fos pour aller au Final Four.
Redevenir champion de France, on ne le contrôle pas. Il y a des adversaires, des états du moment. On verra ce que l’avenir nous réserve, mais sur les deux premières victoires, je suis très fier de mes gars. Ils renvoient une bonne image de la structure et c’est important.
Mon seul but c’est de les aider à se gérer et à devenir autonome. Les valeurs du travail et de l’humilité, on leur inculque tout au long de l’année. Il y a aussi la gestion des émotions.
On vient de jouer un match face à Vichy qui était très compliqué émotionnellement. Chaque match est un moyen pour aider les gars à devenir de bonnes personnes et de bons joueurs.
Le championnat et les matchs sont des moyens et pas des buts. Les gars l’ont très bien compris.
Aujourd’hui, l’objectif n’est pas de gagner un titre en Espoirs ou de gagner des matchs en Espoirs. Il faut passer des caps pour les aider à devenir professionnel dans quelques années, et les pousser à atteindre leurs objectifs.
Tous les joueurs ont passé des caps. Plus de jeunes joueurs jouent, l’état d’esprit est la. Quand je vois qu’en début d’année, il y a des joueurs que personne ne connaît, et qu’en fin d’année, on m’appelle pour me demander s’il peut être disponible pour jouer en N1, on sait que l’accompagnement du joueur a été fait.
On sent que tu as une relation « fraternelle » avec tes joueurs. Ton discours change des autres responsables de centre de formation. Est-ce voulu d’avoir une telle relation avec tes joueurs ?
Mes joueurs, c’est la famille, donc tu l’as très bien senti. Mon niveau d’exigence et de discipline est très très élevé. Tu regardes n’importe quel match de l’année, je ne laisse rien passer, c’est très dur pour eux mentalement.
À côté de ça, nous sommes capables de discuter, d’échanger. La culture de la gagne va au-delà des matchs. Elle se résume à fixer un objectif, mettre les actions en place, puis on va les atteindre.
Elle est dans tous les instants. Je veux gagner quand je veux progresser au tir, je veux gagner quand je veux être le meilleur coéquipier possible, je veux gagner quand je veux être le meilleur fils, je veux gagner quand je veux être le meilleur élève possible, je veux gagner quand je veux être le meilleur passeur de la saison…
Quoi qu’il arrive, la culture de la gagne n’est pas seulement dans un terrain de basket lors d’un match. Elle est dans tous les instants. Quand je dis que je forme des joueurs, cela ne veut pas dire qu’on ne veut pas gagner des matchs. En réalité, gagner des matchs ‘est que la conséquence de tout le reste. Mon discours ne se résume pas à comment faire pour gagner le prochain match. Je leur dis qu’ils doivent gagner pour chaque objectif fixé. En début de saison, on s’en fixe. L’équipe s’est fixé l’objectif d’aller jusqu’au Final four, alors forcément on veut le faire.
Tout cela ne dépend pas que de nous, il y a un adversaire, on ne pose pas de questions sur ce que l’on ne peut pas contrôler.
L’année dernière, vous nous avez dit que la formation était ce qui vous anime le plus dans votre vie professionnelle. Vous avez aussi été assistant à Lille, vous l’êtes aussi au Champagne Basket. Entraîner une équipe première ne vous tente pas à l’avenir ?
L’importance du rôle dépend du sens que tu donnes. Selon moi, le rôle que j’ai ici dans le staff du Champagne Basket est ultra important.
Être solidaire, accompagner les gars en off, donner de son temps quand il y a besoin de travailler individuellement. Être présent pour les joueurs blessés pour les faire travailler et les remettre sur pied avec le staff médical. Être un soutien avec le coach à chaque instant, qu’il ne se demande pas si je veux sa place ou pas. Il y a une notion de saineté dans nos relations, et cela me convient parfaitement.
Je ne sais pas comment ce sera dans 10 ans, mais aujourd’hui, je n’ai pas cette vision d’être coach professionnel. Les ambitions sont autour des jeunes. Si des opportunités se créent d’être sur les bancs d’une équipe de France, de prendre en responsabilité une équipe de jeune nationale, ce sont des ambitions que j’ai tant que ça reste autour des jeunes.
Je ne veux pas me noyer dans plein de choses. J’ai des raisons de vivre, et j’ai envie de faire mon métier avec ces raisons de vivre.
Accompagner et guider des gens pour les faire grandir, c’est important. Aujourd’hui, c’est autour du centre de formation, cela peut être une équipe de France dans quelques années. Cela peut être aussi en tant que premier ou deuxième assistant dans un rôle de soutien et de travail individuel etc… Aujourd’hui, je me sens très bien dans la formation, et je me vois bien rester dedans pendant très longtemps.
Crédit photo : David Billy / Champagne Basket