Arrivé à Cholet Basket l’été dernier, Matéo Bordes fait sensation cette saison dans le championnat Espoirs Elite. A seulement 19 ans, l’ancien Palois a su gravir les échelons de la division U18 à la Betclic Elite.
En 18 mois, on t’a vu passer des U18 à tes premières minutes en professionnel. Quelles ont été tes sensations à ce moment ?
Sur le moment, à chaud, quand le coach t’appelle pour rentrer, ça fait chaud au coeur. Il y a un peu de pression. Je m’en suis vraiment rendu compte à la fin du match en rentrant dans les vestiaires. Je me suis dit qu’il y a un an de cela j’étais pas là, certaines choses ont fait que ce n’était pas encore ton moment. Sur le moment, je n’y ai pas pensé.
Je m’attendais pas à avoir cette opportunité, j’ai remplacé un autre jeune qui s’était blessé dans un match Espoirs juste avant. Une fois que j’ai joué ce premier match, je savais que le cursus professionnel allait commencer pour de bon. Il faut être prêt à tout moment.
Sur le ratio volume / pourcentage, tu es le meilleur shooteur à 3 points du championnat. Cette qualité peut-elle t’emmener vers le plus haut niveau ?
Mon jeu et mes performances dépendent beaucoup de mes shoots. C’est ma qualité première, et mon rôle. Je savais que j’étais dans le top 3 des meilleurs shooteurs par rapport à ce ratio, mais je ne savais pas que j’étais le meilleur. Cela m’encourage à m’améliorer. Certains matchs, je sens que je me sens bien grâce à cette qualité, le but dorénavant est d’être le plus régulier possible.
Y a-t-il une tendance à être comparé à des joueurs références du tir à 3 points lorsque l’on domine sur ce secteur ?
Totalement ! C’est tout bête, mais, par exemple, lors des shootings d’avant match, quand je rentre un tir, l’assistant pro me dit : « bien Bogdanovic ». Ça me fait plaisir.
Le basket se développe de plus en plus vers le tir à 3 points, et à longue distance. Il y a aussi de plus en plus de grands qui développent cet aspect du jeu. Moi je l’ai travaillé longtemps, et très tôt. C’est un avantage à mon âge, et je travaille encore dur pour le perfectionner car la concurrence arrive vite.
En parlant de concurrence, est-ce cela qui te motive à travailler davantage pour garder une longueur d’avance ?
Sur le papier, c’est écrit que je suis le meilleur, mais je sens que je peux encore faire mieux. Je sens que j’ai une grosse marge de progression. Il ne faut pas s’arrêter car on a fait une bonne performance et croire que tout est acquis.
Je sais qui sont mes concurrents directs. Lorsque l’on joue contre eux, j’ai d’autant plus de pression afin de mettre mes tirs, et de montrer qui est vraiment le meilleur. Si par malheur, il fait un meilleur match que moi, ce n’est pas la fin du monde.
” Passer sur les réseaux sociaux de Venice Beach m’a donné une image. “
Ce rôle est souvent considéré comme important dans les fins de match afin de rentrer les tirs importants. Est-ce ton cas aujourd’hui ?
Oui. Par exemple, contre Bourg-en-Bresse où l’un de mes concurrents direct joue, à la fin du match c’était très serré, j’ai inscrit trois tirs à 3 points dans les deux dernières minutes. On a gagné avec 9 points d’écart, le coach m’a félicité en me disant que j’ai mis les paniers qu’il fallait.
Chez les Espoirs, je sais que c’est mon rôle, je dois être un leader offensif. Peu importe la situation, le contexte du match, si j’ai un tir ouvert, je dois le mettre.
En retraçant ton parcours, de Pau à Cholet, tu arrives en ayant un rôle plus important. As-tu ce sentiment de revenir de loin ?
Au début, je me le disais en enchaînant les bons matchs. J’ai vite arrêté, je me disais que certes, je reviens de loin, mais le passé tu l’oublies et tu vas de l’avant. Il faut le savoir, je n’ai pas toujours eu des périodes faciles. Il y avait plusieurs circonstances. Je suis arrivé à Cholet, je me suis relancé et je ne pense qu’au futur.
Désormais, je ne reviens pas derrière. J’ai un rôle de leader offensif, il faut assumer ce rôle et répondre présent.
Étant la seule recrue des Espoirs du Cholet Basket, ressent-t-on un boost de confiance lorsque l’on est convoité par un tel centre de formation ?
Lorsque je suis entré en contact avec eux, j’étais très content, et étonné qu’ils s’intéressent à moi.
Lorsque le coach m’a appelé, m’a proposé le projet, j’étais convaincu. J’ai vu que j’étais la seule recrue, je me suis dit que j’aurais des responsabilités à prendre. J’en avais envie.
J’ai été bien intégré, on s’entend tous bien. C’est ce qui fait notre force sur le terrain, et la source de nos résultats. Il y a une superbe cohésion d’équipe, on s’entend tous bien. On se partage tous le ballon. Il n’y en a pas un qui va vouloir prouver individuellement, et passer avant l’équipe. Les valeurs et le partage font la différence sur le terrain. À Cholet, c’est l’équipe qui fait briller les individualités, et pas le contraire.
On arrive à briller grâce au coaching et au système. Selon moi, c’est tout aussi bon, voire mieux que de vouloir briller individuellement.
Si quelqu’un veut prouver individuellement, il va sortir, le coach ne laissera pas passer cela. Le joueur qui veut jouer perso et faire ses statistiques, il est au mauvais endroit. Cela n’empêche pas que certains fassent leurs statistiques pour autant. Sur tous nos matchs, on a minimum 5 joueurs qui marquent plus de 10 points.
On peut voir quelques vidéos sur ton Instagram, où tu réalises des grosses actions sur le terrain de Venice Beach. As-tu réalisé un rêve ?
J’ai un coach perso qui me suit depuis petit. Il s’appelle Mathieu Delarche, il organise des voyages aux États-Unis. Il emmène des groupes de 40 personnes pendant une semaine, il m’y a emmené cet été.
On arrive à Venice Beach le premier jour où j’arrive à Los Angeles. Mathieu va voir à la table de marques du match, il discute avec eux. Il revient vers moi en me disant « prends un maillot, tu peux jouer ». À la base, c’est un tournoi fermé, il faut avoir un certain niveau, et s’y inscrire.
Le match avait déjà commencé. À la fin du premier quart-temps, je suis en tenue. Il me fait commencer au deuxième, il ne m’a pas fait sortir du terrain.
Vers la fin du match (rires), il y a une action où on m’envoie la balle. Je fais une petite coupe, je mets un gros poster dunk derrière. Tout le monde m’a sauté dessus. C’était une vraie ambiance américaine. C’était génial à vivre, ce n’est pas donné à tout le monde.
Je ne dirais pas que j’ai réalisé un rêve. Pour moi, un rêve c’est ce qui est réalisable. Pour moi, c’était impossible de jouer sur le terrain de Venice Beach. C’est du très haut niveau, personne ne me connaît. Le fait d’avoir pu y jouer, et en plus d’avoir fait quelques belles actions, j’étais chaud, je profitais avec les gars.
Le soir, je suis allé voir Mathieu et je lui ai dit « c’est une dinguerie de m’avoir permis de jouer là-bas. » J’ai réalisé bien après que j’avais fait quelque chose de fou. Dans mon équipe, j’avais l’un des meilleurs dunkers du monde, Chris Staples. C’était le capitaine de l’équipe, c’était fou.
Il faut être au bon endroit au même moment. Je trouve cette phrase très intéressante. Il faut saisir l’opportunité quand elle vient à toi, c’est vrai mais là, il n’y en avait pas. Personne ne me connaissait, quand il leur a demandé si je pouvais jouer, il a dû leur dire que j’étais en centre de formation. Il a dû accepter juste pour voir. Au départ, ils ne te connaissent pas, ils se disent t’es juste un petit Français, ils ne te donnent pas les ballons. Quand ils voient que tu prends des rebonds offensifs sur des gars qui font 2m10, ils commencent à t’en donner un peu. Puis, une fois que tu mets un gros poster, ça y est tu as tous les ballons.
Passer sur les réseaux sociaux de Venice Beach m’a donné une image. Ils se souviennent de moi je pense, et j’espère y revenir.
Crédit photo : P.Ledez/ESSM / David Haynau