Pionnier du rap français et l’un des fondateurs du groupe mythique « Mafia K’1 Fry », Manu Key a quitté le monde de la musique pour se reconvertir dans le basket-ball. D’artiste à entraîneur, Manuel Coudray, de son vrai nom, nous parle de son livre « Le meilleur pour tous, des rimes aux rêves », sorti en septembre dernier. Il nous parle de ses débuts dans le monde du coaching et de l’influence de la culture américaine sur sa vision du basket.
Tu as raté le CQP (Certificat de Qualification Professionnel de Technicien Sportif de Basketball) à deux reprises, puis obtenu ton diplôme de formation à Chalon. Par la suite, tu as eu plusieurs expériences d’entraîneurs dans différents clubs. As-tu l’impression que c’est plus facile de t’adresser aux joueurs, au staff ou dirigeants, et d’exercer ton nouveau métier grâce à ton passé d’artiste ?
Forcément, cela aide même s’il n’y a rien de facile. Cela aide lorsque l’on a cette facilité à s’adresser à un public, puisqu’on le faisait au micro devant pas mal de monde. C’est de l’expérience et du vécu.
S’adresser devant le public qui va te suivre tout au long de l’année, il y a plus d’impact.
C’est plus facile de parler des attentes, des objectifs du club, des tactiques etc… On va travailler au quotidien.
Je ne dirais pas que facile est le bon mot, mais il y a un « background », cela a joué dans ma façon de m’appliquer et de prendre un groupe en charge.
Il y a toujours cette créativité et du travail à faire au quotidien pour s’améliorer dans le management. C’est la part la plus importante et il faut encore que je me l’imprègne.
On a besoin de cette pédagogie pour que le groupe que tu entraînes comprenne ce que tu attends d’eux. Il faut encore que j’aille chercher cet aspect et cela ne se fait pas du jour au lendemain.
Le CQP s’est très bien passé, j’ai rencontré des gens et des formateurs formidables, dont certains avec qui je suis encore en contact.
C’était surtout à l’inscription d’état, la première fois que je souhaitais m’inscrire, on m’a refusé l’entrée car on me jugeait par rapport à mon passé d’artiste. Cela m’a vraiment troué le coeur.
Lorsque l’on n’arrive pas à rentrer par la porte, il y a toujours une autre issue. Je suis passé par un autre CFA (Centre de Formation d’Apprentis), qui est Chalon. Ils m’ont donné la chance de rentrer dans leur formation peu importe qui j’étais. Ils étaient au courant, car je me présente toujours de la même manière.
Ils m’ont dit que j’étais l’un des meilleurs de la promotion car j’apportais ma science, encourageais tout le monde… Mon passif a été d’une grande importance pour les plus jeunes qui étaient présents.
Mon passif de rappeur a une histoire réelle, donc on a cette sensibilité à se présenter et à bien accorder ses violons. Il y a certaines personnes qui ne comprennent pas toujours ce passé, et te jugent très rapidement.
À Chalon, ce n’était pas ça. On a vécu le rap à un moment où c’était dur d’y rentrer.
On a participé à l’inclusion sociale d’une musique et je pense que cela n’a pas de prix.
Tu as repéré le potentiel de certains joueurs comme Lahaou Konate ou Ludovic Negrobar. Quand tu vois leurs parcours, tu te dis que tu aurais aimé pouvoir faire ce métier plus tôt ?
Oui, bien sûr. C’est un accompagnement, je les ai découverts dans le même club dans lequel j’officiais à l’époque. J’étais joueur, eux s’entraînaient, puis à un moment j’étais forcé de les entraîner.
Cette chose m’a servi pour leur inculquer des valeurs qu’ils se sont imprégnés après. En les poussant vers des objectifs sains et purs.
Plus ils grandissaient, je grandissais avec eux. Je me suis déjà dit que bien plus tôt, j’aurais pu mettre les mains dans ce cambouis. Peut-être aujourd’hui, serais-je un plus grand coach ?
Je ne juge pas que nous sommes ici pour être le meilleur ou gagner des trophées. Le plus important est de vivre une histoire humaine et de participer à la vie d’un club.
Il faut l’emmener au plus haut possible et gérer des humains.
Si tu peux sortir un, deux, trois joueurs et les emmener au plus haut niveau… En tant qu’entraîneur / éducateur, on a gagné.
La formation est ce qui t’animes le plus ?
Bien sûr, avant d’être entraîneur, nous sommes éducateurs.
Nous avons notre part de responsabilité, en accueillant des jeunes et des gens dans une structure.
Il y a une forme d’éducation et le respect envers les gens dans ces enceintes et gouvernantes. Cela n’a pas de prix.
Nous sommes éducateurs, formateurs car nous formons des joueurs, au quotidien avec eux. On les aide à travailleurs leurs lacunes, ils transforment tout cela dans un collectif.
On agi d’autant plus sur le hors-basket. C’est-à-dire, être capable de discuter avec eux hors-terrain, apprendre à les connaître, les réanimer lorsqu’ils ont un coup de blues… C’est le métier d’entraîneur, et cela passe par une grosse charge de management.
Le plus haut niveau auquel tu as coaché est en NM1. Tu vises la Pro B ou la Betclic Elite, ou pourquoi pas prendre les rênes d’une équipe Espoirs ?
Une fois que j’aurais validé tous les diplômes, j’aimerais rester dans la formation. Pourquoi pas prendre une équipe U18 ou Espoirs.
J’espère l’année prochaine ou la suivante, partir aux États-Unis pour maîtriser la langue, voir autre chose à travers le basket, et entraîner différemment.
Je pense que là-bas, ce serait différent, j’aimerais emmener une nouvelle richesse si je reviens en France, une nouvelle approche par rapport au basket.
Où en es-tu pour les diplômes ?
J’en suis à un diplôme d’Etat. J’essaye de passer le diplôme d’Etat supérieur, ce qui est le plus haut niveau d’entraîneur.
J’essaye de le valider par la voie de la VAE (Validation des Acquis de l’Expérience). Ce diplôme passe par des applications managériales, budgétaires et de projet. Ce sont des choses que j’ai faites dans le passé, alors j’essaye de les valider dans les expériences acquises.
J’espère d’ici 6 mois, avoir tout validé, puis je vais me référer à la fédération pour me justifier de ce diplôme.
J’avance pas-à-pas mais avec beaucoup d’ambition et tout en apprentissage.
Rentrer dans la formation d’un diplôme d’Etat supérieur, ce n’est pas donné à tout le monde et il n’y a pas beaucoup de places.
Le fait que je n’ai plus de club aujourd’hui coince un peu. Il faut un projet, une enceinte, une structure, et ce sont des choses que je n’ai pas en ce moment. J’essaye de me débrouiller par moi-même pour avancer dans ce diplôme.
Le but ultime serait d’entraîner aux États-Unis. Je veux apprendre une nouvelle science et comprendre pourquoi il y a autant de potentiel là-bas, étudier leur jeu rapide, savoir quelles sont les formes, comment font-ils pour progresser si vite ? Je me suis toujours dit qu’il fallait que je parte aux États-Unis pour avoir une maîtrise de la langue et de l’expérience.
Dans ton deuxième livre, tu parles de la mentalité américaine et de cette envie de la gagne que l’on retrouve chez eux. Selon toi, sont-ils en avance sur nous mentalement ? Le basket français devrait s’inspirer davantage de ce qu’il se passe aux États-Unis ?
Cette mentalité est imprégnée dans tous les sports aux États-Unis, et dans tous les métiers, que ce soit dans le cinéma ou autre.
La vie en général là-bas est comme ça. Il y a une culture de la gagne pour gagner de l’argent sans cesse au quotidien, le dépenser, regagner, dépenser et ainsi de suite.
Ils sont très solistes dans leur construction, et c’est dur de rentrer dans une démarche comme celle-ci en France où nous sommes plusieurs à se serrer les coudes. Il y a très peu de partage à ce niveau car nous sommes sans cesse dans une culture égoïste, et de la gagne.
Au niveau du basket, environnement, infrastructures, il faut s’imprégner des États-Unis. Tout est mis en valeur pour tout donner à l’athlète lorsqu’il arrive de façon à ce qu’il progresse vite.
Le basket en France est de plus en plus populaire avec les années, l’intérêt des fans grandit. Tu t’attendais à ce que ce sport ait un impact comme celui-ci chez nous ? Quelles sont les équipes qui t’ont le plus séduit cette saison en Betclic Elite ou en Pro B ?
Oui, car les jeunes sont imprégnés de cette culture américaine.
Je pense que même chez les jeunes qui arriveront après Victor Wembanyama, on trouvera d’autres phénomènes. Cela a un impact considérable aux États-Unis.
Il y a des jeunes que l’on ne connaissait pas et ils font des gros matchs, donc ça met de la lumière sur le basket en France.
Avec les années, on sera surpris par le potentiel de certains jeunes. Ils ont compris que la voie de la NBA peut faire changer toute une vie, et ils vont s’en donner les moyens.
Tous les jours, je reçois des messages en me demandant si on peut s’entraîner, ils sont demandeurs. Cela va se développer de plus en plus. Ils ont plus de soif d’apprendre. Ils se créent une autonomie autour de cela.
On retrouve la dimension dans les années 90, ils sont capables de prendre un ballon, aller sur un terrain, à la salle, ou louer une salle pour s’y entraîner.
À l’époque, on était des rats des gymnases. N’importe quel gymnase, on jouait avec un groupe pour pouvoir performer.
Les équipes qui me séduisent ? Le jeu de Cholet et Bourg-en-Bresse en Betclic Elite.
En Pro B, j’aime beaucoup Vichy. Je trouve que Guillaume Vizade fait un travail formidable depuis 3 ans.
Il ne lui arrive que des belles choses, même cet été avec l’Équipe de France U20 avec qui il est champion d’Europe. C’est dû au travail qu’il amène au quotidien, avec les jeunes, la façon dont il s’apprivoise de toutes ces qualités et de les emmener du mieux possible sur le terrain.
On le voit dans le recrutement qu’il fait au Mans, il n’hésite pas à emmener la jeunesse avec lui. Il prend des risques et les emmène avec lui. C’est plus que fédérateur.
Des projets pour la suite ? Que peut-on te souhaiter ?
Depuis début décembre en revenant d’Orchies, je me suis réinstallé à la maison.
J’ai pris un peu de recul face à tout cela. J’ai pris un peu de recul, et regardé la suite en NM1 car c’est toujours intéressant.
Je me suis remis au travail en regardant les clubs qui pouvaient m’animer. Depuis le mois de mars, j’envoie des CV un peu partout.
J’ai fais des entretiens pour reprendre un groupe. Je suis dans l’exercice de mon diplôme et je continue dessus.
Je vais reprendre les entraînements individuels avec les jeunes car on arrive au mois de juin et ils sont demandeurs.
Je vais voir des matchs, je suis allé voir le Paris BasketBall à quatre reprises. C’est toujours bien de les voir jouer, et impressionnant. Je suis allé voir des groupes U18 et de la N3.
Je vais à la salle pour rester en forme. Je regarde des documentaires intéressants sur le sport, la nature, la marine… Tout cela a un impact sur la société, le manager que je veux être plus tard.
Comme j’ai dit dans mon livre, ce que l’on peut me souhaiter, c’est le meilleur pour tous. Puis vite retrouver un club pour mettre les mains dans le cambouis, essayer de nouvelles choses, entraîner un groupe, faire confiance aux dirigeants.
Crédit photo : Formapi / Basket Club d’Orchies / Gérard Héloise