La mission du maintien étant accomplie, le BCM Gravelines-Dunkerque a réussi à sauver sa saison. Vafessa Fofana et Jean-Christophe Prat reviennent ensemble dans une interview croisée sur le déroulé de la saison. Ils nous racontent comment ils ont vécu tous les rebondissements, des résultats décevants à la célébration, en passant par la tragédie de Sportica.
(Jean-Christophe Prat) Le 27 octobre, le club officialise votre arrivée. Vous étiez assistant à l’Asvel. Quand Gravelines vous appelle, c’est une lourde mission pour vous ?
J-CP : Au moment où Gravelines m’appelle, je ne réfléchis pas dans ces termes.
J’étais arrivé au bout de l’aventure avec l’Asvel car j’étais venu à la base pour TJ Parker. J’ai ce coup de fil de Romuald Coustre, qui me demande dans quelle situation je suis à l’Asvel.
Je n’ai pas trop réfléchi, juste pendant 48h, je me suis dit que c’est l’occasion de signer dans un club emblématique du basket français. Je n’ai pas réfléchi à la situation sportive du club.
J’avais des garanties avec le dirigeants étant donné que j’avais déjà travaillé avec Romuald Coustre lors de ma première saison avec le Paris Basketball. J’avais aussi des garanties humaines avec des joueurs que j’avais côtoyés comme Vafessa à Denain lorsqu’il était bébé. Il y avait aussi Valentin Chery que j’avais côtoyé au Paris Basketball.
(Vafessa Fofana) Tu es là depuis deux saisons, de septembre à début novembre vous enchaînez sur 10 défaites de suite. En apprenant l’arrivée de Jean-Christophe Prat, as-tu senti qu’il y avait de l’espoir pour repartir sur une bonne dynamique ?
VF : Non, pas lors de son arrivée. C’était déjà le cas avant puisque je disais aux gars pendant cette période qu’on a juste à continuer à travailler. La pièce va tourner et quand elle va tourner, on reviendra très fort.
Il a fallu un changement de coach, J-C arrive, je le connaissais déjà. Il a apporté une autre manière de manager. Cela donne du positif à notre groupe, mais on n’a jamais lâché, on croyait déjà fortement au maintien même si cela était difficile.
L’arrivée de J-C a été un plus pour nous. S’il était arrivé et qu’on baissait déjà la tête, ce serait compliqué de relever une équipe qui était déjà à 0-9 lors de son arrivée.
On gagnait en Coupe d’Europe, mais on n’y arrivait pas encore en championnat. On a réussi à se reprendre après cette première victoire à Boulogne-Levallois. La suite appartient à l’histoire.
(J-CP) Avant et après votre arrivée, le groupe n’a pas beaucoup changé. C’était une volonté de garder ce socle ou vous auriez voulu que d’autres joueurs arrivent ?
J-CP : La première chose était de rencontrer tous les joueurs et de voir un peu ce qu’il en était.
Michael Stockton avait déjà été signé, la première chose que j’ai dit à Loren Jackson, c’était qu’on ne le conservait pas. À l’époque, il était encore sous contrat avec le club. Je n’ai rien contre lui, mais on avait déjà Thomas (Cornely) et Michael Stockton donc il y avait un meneur de trop.
Le deuxième jour j’ai rencontré tous les joueurs individuellement. Hans Vanwijn m’a signalé qu’il souhait arrêter car il ne se sentait pas bien. On l’a libéré et cela a permis de récupérer Chris Babb.
L’équipe telle qu’elle était constituée avec le retour de Johnny Berhanemeskel et de Kris Clyburn, cela suffirait pour finir la saison.
(VF) Penses-tu que ce ne serait pas le même résultat s’il y avait eu beaucoup de mouvements ? (exemple Mets 92)
VF : Je ne pense pas, puis il n’y avait pas besoin de changer le groupe selon moi.
Il y avait un équilibre qui n’était pas forcément bon pour l’équipe donc cela explique ces quelques changements. Il n’y avait pas besoin d’en faire beaucoup. Le groupe était déjà bon, on l’a bien vu en plus avec l’arrivée de Michael et de Chris qui ont apporté plus d’équilibre.
S’il y avait eu plus de changements, je pense pas que l’on aurait réussi, il aurait fallu construire une autre alchimie au sein de l’équipe. C’est ce qui a posé problème à Boulogne-Levallois entre tous les départs / arrivées, en plus des blessures. On l’a vu aussi avec Roanne qui avait de très bons joueurs mais énormément de changements, finalement cela n’a pas marché.
Je m’assurais de faire en sorte que le groupe ne lâche pas. On a réussi à le faire, je disais aux gars qu’on travaille bien, on est bons, c’est juste qu’on n’arrive pas encore à gagner.
Ce n’est pas comme si on prenait des grosses taules comme 30 ou 20 points sauf contre les gros. Nous n’avons jamais douté de nous et de nos capacités, le seul problème est que l’on ne gagnait pas.
“L’une des saisons les plus difficiles à vivre.”
(VF) Selon toi, pourquoi ça ne fonctionnait pas en début de saison avec Laurent Legname ? Sa méthode ne passait plus ? Quel a été le déclic depuis l’arrivée de Jean-Christophe ?
VF : Je pense qu’avec Laurent, il y a eu des erreurs de casting sur quelques joueurs qui ne lui convenaient pas en tant qu’entraîneur. Je n’ai pas envie d’employer le terme « trop dur » qui selon moi ne veut rien dire étant donné que dans le sport de haut niveau, il faut être dur avec soi-même, mais son management et sa façon de faire étaient trop pour l’équipe.
J-C n’était pas moins exigent, mais il a apporté plus de souplesse. Il a laissé cette liberté aux joueurs de pouvoir mieux s’exprimer. Il a apporté sa fraîcheur, son management, sa communication. C’est mieux passé avec J-C qu’avec Laurent.
(J-CP) Selon vous, quelles étaient les faiblesses du groupe ? Quels sont les premiers changements auxquels vous avez opéré ?
J-CP : La première chose que j’ai dite à mon arrivée, c’est que tout ce qu’il s’est passé avant ne me concerne pas. Je ne l’ai pas vécu, donc cela ne m’intéresse pas. Ce que je voulais, c’était d’avoir une prise sur l’histoire que l’on pouvait écrire en commun.
La seule chose que j’ai évalué, c’est que le niveau d’énergie des joueurs était très faible. Ce qui est normal, puisque pendant trois mois, ils n’ont pas gagné un match.
La première chose que j’ai faite, c’était de leur redonner de l’énergie. Une fois qu’ils l’avaient tous acquise individuellement, il n’y avait plus qu’à l’investir dans le collectif.
(VF) On a parlé des résultats en début de saison, Sportica a brûlé le jour de Noël. À titre individuel c’était la saison la plus difficile à vivre ? Au sein de l’équipe aussi ?
VF : L’une des plus difficiles, je dirais. L’arrivée d’un nouveau coach, commencer par un bilan de 0-10, la salle qui brûle… Tu te demandes quand tout cela va s’arrêter.
Je ne dirais pas que c’était choquant, mais impressionnant. Tu ne t’attends jamais à cela dans une carrière. Tu arrives en plein milieu de la saison et tu n’as plus de salle…
Ce que je dis aux gens, c’est que ça fait trois saisons que je suis à Gravelines, je n’ai pas le même amour pour Sportica que les gens qui y vivent depuis petit.
Lorsque l’on s’est présenté au Sportica, tout le monde a eu un discours. J’ai vu les larmes des supporters, c’est plein de souvenirs pour eux.
C’était un drame, tu te dis « wouaw ». Une saison galère, la salle qui brûle, tu n’as plus rien. C’est difficile aussi pour le club puisqu’il faut tout reconstruire, ce n’est pas évident. Il y a toute une logistique derrière.
On est là en tant que groupe derrière en train de se dire « c’est chaud ce qu’il se passe ».
J’ai dit aux gars : que peut-il nous arriver de pire que le décès d’un coéquipier ? Je l’ai vécu.
Le seul coup de massue c’est le décès d’un coéquipier, ou d’un membre de l’entourage de quelqu’un dans l’équipe. À part cela, il ne peut rien nous arriver de pire. Tout ce que l’on peut faire aujourd’hui, c’est de remonter, et on l’a bien fait.
(J-CP) Depuis l’incendie, avez-vous senti que le lien dans l’équipe était encore plus soudé ? Comme si la tragédie avait redonné une force supplémentaire à l’équipe ?
J-CP : On me l’a souvent posé cette question. C’est difficile de quantifier l’impact que cela a eu. Cela aurait pu partir dans les deux sens.
Je me souviens en début janvier, lorsque Loon-Plage nous a gentiment prêté leur salle, avoir dit deux choses aux joueurs.
Aujourd’hui, nous avons la chance de pouvoir exercer notre métier. Certes, ce ne sont pas les conditions d’un groupe professionnel, car nous n’aurons peut-être qu’un entraînement par jour jusqu’à la fin de l’année, nous n’avons plus de vestiaires ou de salle kiné… Néanmoins, nous avons encore le pouvoir d’exercer notre métier, alors nous n’avons pas le droit de nous plaindre. Les joueurs ont été remarquables puisque personne ne s’est plaint, jamais.
Jusqu’à la fin de saison, nous sommes des itinérants du spectacle.
La deuxième chose que j’ai dite à ce groupe, nous avons une opportunité unique : celle de devenir une bande de frères (Band of Brothers). On aurait très bien pu exploser en vol. Ensemble, nous avons choisi de s’accrocher à l’entraînement et match après match.
“Nous nous verrons la semaine prochaine tous ensemble pour la célébrer à notre façon.”
(J-CP) Pour la saison prochaine, vous avez prévu de pousser certains jeunes comme Roman Domon. Quels sont les objectifs que vous vous fixez collectivement avec le BCM ?
J-CP : On veut être champion NBA (rires). C’est beaucoup trop tôt pour parler d’objectif pour la saison prochaine avec le BCM.
Dans un premier temps, il faut finir la saison correctement. Il nous reste un match à jouer, à gagner à Nancy.
Une fois que l’on aura fini, nous allons la clôturer, nous nous verrons la semaine prochaine tous ensemble pour la célébrer à notre façon.
Il sera temps pour moi de faire un entretien individuel avec tous mes joueurs. Une fois que ce sera fait, on verra qui on souhaite conserver.
Aujourd’hui, nous avons Thomas Cornely qui est sous contrat, Valentin Chery également, ainsi que Roman Domon. Nous avons aussi malheureusement Vafessa Fofana qui est sous contrat (rires).
Nos 4 JFL sont sous contrat, nous allons ensuite écouter nos joueurs étrangers, voir qui veut rester ou pas. Ensuite, on se posera pour dessiner la future équipe du BCM.
(VF) Il te reste encore un an de contrat avec le club. En tant que capitaine, qu’attends-tu de la saison prochaine ? Disputer tes premiers Playoffs en première division ?
Comme il l’a dit, il y a déjà des joueurs sous contrat, donc poursuivre dans cette continuité. Ajouter des joueurs qui vont correspondre à ce que représente la région du nord au-delà de la ville de Gravelines et de Dunkerque. C’est-à-dire des vaillants, des guerriers prêts à mourir sur le terrain, et tenter d’aller accrocher les Playoffs comme le club l’espère depuis un moment.
On devient une bande de frères comme J-C l’a dit afin de démarrer de la meilleure des manières et de ne pas revivre ce qu’on a vécu cette année, ce qui fut inédit.
On ne se met pas de limites, mais on compte faire mieux que cette saison et offrir une place en Playoffs à nos supporters. C’est l’objectif que je me fixe.
Tout dépend de plusieurs facteurs. Il y aura moins d’équipes la saison prochaine, il y a un système de Play-In, il y a des nouvelles formules qui arrivent. Ce sera difficile, je pense que beaucoup d’équipes feront tout pour ne pas jouer le Play-In.
Ls matchs seront plus intenses et intéressants. À voir quel genre de joueurs sera présent la saison prochaine dans le championnat.
Je me concentre su moi et l’équipe et il n’y a rien de mieux que de se concentrer sur soi afin de pouvoir faire le boulot comme il se doit pendant 40 minutes à chaque match.
En ce qui concerne le résultat, ce sera à nous de construire nos victoires.
Champion NBA aussi ? (Rires)
VF : Champion NBA aussi, on tape tout le monde, déplacement en jet. Le coach, on lui prépare tous ses plats végétariens et tout est bon.
J-CP : Tant qu’il y a de la sauce algérienne… (rires).
Crédit photo : David Haynau / BCM Gravelines Dunkerque