Grand joueur référence du basket français, Antoine Eito va vivre une nouvelle aventure avec Antibes la saison prochaine. Connu pour son franc-parler, le double champion de France revient sur cette fin d’aventure précipité avec l’Elan Chalon. Il revient aussi sur cette non-sélection avec l’équipe de France de basket 3×3 pour les Jeux Olympiques. Mister Big Shot nous sert une nouvelle fois en punchlines.
Il y a deux ans, tu avais fortement contribué à la montée de Chalon en Betclic Elite, lui permettant de renouer avec l’élite suite à la descente en 2021. L’idée de reproduire cela avec Antibes est le genre de challenge qui t’anime aujourd’hui ?
Ce n’était pas du tout prévu. J’avais encore deux ans de contrat à Chalon.
Il n’était pas question de partir, et si je devais partir, c’était pour une offre financière que je ne pouvais pas refuser, un contrat à l’étranger, ou quelque chose de nouveau.
Le coach m’a fait comprendre certaines choses, je me suis donc posé la question : « de quoi j’ai envie ? ».
J’ai toujours été un compétiteur, je n’ai pas envie de me faire chier une année ou deux pour X ou Y raison. Je n’ai plus rien à prouver en France, j’ai été champion de France en Pro A. Ce qui me fait kiffer au quotidien, c’est les titres et le fait de vivre une belle aventure humaine.
Le timing a été un peu mauvais où j’aurais aimé avoir du temps. J’aurais pu trouver autre chose à l’étranger sauf que la question ne s’est pas vraiment posé car il y a JD Jackson à Antibes, avec qui j’ai déjà travaillé. Le club est structuré avec l’ambition de monter.
Il faut faire attention quand même, il y a 20 clubs, ce sera très difficile. Il y a 6-7 clubs qui seront favoris à la montée selon moi, de par la structure du club, l’effectif etc…
On sait à quel point la Pro B est dense. Il y avait d’autres clubs de Pro B mais plusieurs aspects ont fait que j’ai choisi Antibes : la distance par rapport à Chalon, le projet et le coach.
Tu retrouves plusieurs personnes que tu connais bien dans le club. Il y a Remy Delpon, Samir Gbetkom, JD Jackson ou encore Abdoulaye Loum. Arriver dans un cadre idyllique, un club historique et avec de bonnes bases comme celle-ci t’aide à aborder la saison de la meilleure des manières ?
Je suis arrivé à Antibes le 2 août et je prends mes marques. J’ai récupéré l’appartement, j’ai pu voir où j’étais situé par rapport à la salle, j’ai pris là où j’étais le plus près possible. Je ne viens pas à Antibes pour me baigner ou pour la plage, je m’en bats les steaks, ce n’est pas du tout ma priorité.
À Chalon, j’avais mes marques, j’avais tout là-bas. C’était un peu comme au Mans pendant 7 ans. Je pars à Antibes seul, ma famille reste à Chalon-sur-Saône et il faudra aussi gérer cela. Pendant 18 ans, ma famille m’a suivi partout et il faudra se réadapter. Ils sont avec moi jusqu’au 20 août car c’est les vacances mais il y aura une nouvelle adaptation au quotidien après cela. J’aurais encore plus la tête dans le basket, ce que je fais depuis toujours.
Beaucoup de gens ont été surpris à juste titre que je ne continue pas à Chalon ou que je retourne en Pro B dans un projet comme celui-ci. En voyant ma dernière saison, il n’y a pas de raison de partir. Il faut comprendre que c’est un vrai sacrifice et que je n’ai pas choisi cette situation, je l’ai subi.
Je n’ai vraiment pas envie de me faire chier, sincèrement. Je n’ai pas envie d’être avec des personnes qui ne partagent pas les mêmes valeurs, avec qui je sens que je ne vais pas m’épanouir.
Benjamin Monclar a joué un grand rôle aussi dans cette signature. Je l’ai eu au téléphone, on a échangé, on se connaît depuis des années, on est de la même génération.
Je me suis dit que je serais bien là-bas, le projet est intéressant, je suis voulu, donc j’y vais. Mon agent m’a aussi dit « Antoine, tu ne peux pas retourner en Pro B surtout avec la saison que tu as faite. » Je lui ai répondu que je m’en fous car j’ai tout fait en France. C’est soit l’étranger ou un projet qui me plaît dans lequel je joue le titre, une coupe d’Europe ou une montée. Antibes a été super réactif et j’ai répondu rapidement.
“Karim Souchu m’a manqué de respect.”
Cette saison, on a pu voir que tu avais toujours le niveau pour évoluer en première division. Il y a eu d’autres offres en première division ?
Comme tout s’est fait très vite, et que ce n’était pas anticipé, c’était compliqué de trouver des spots en Betclic Elite.
Il y a aussi d’autres points, beaucoup de spots étaient déjà pris, et il y a aussi l’aspect financier qui compte. Il y a trois choses : il y a le spot, l’aspect financier et puis l’âge mélangé à mon caractère.
J’ai 36 ans, beaucoup d’expérience et un fort caractère. Je pense que cela a arrêté beaucoup de gens qui ne me connaissent pas forcément. Ce n’est pas grave, c’est comme ça.
J’ai mis mon ego de côté, mais il a été mis à rude épreuve cet été. Il y a déjà cette histoire, et puis j’ai été mis de côté pour les Jeux Olympiques et la préparation. J’ai quand même pu jouer au 3×3, c’est Bordeaux-ballistik qui m’a accueilli et c’était super.
Heureusement que je suis plus âgé, car tu peux péter un câble quand tu sacrifies des choses pendant des années, comme le 3×3 ou cette histoire avec Chalon qui s’arrête soudainement.
Ça fait mal quand tu t’es autant impliqué mais c’est le business et c’est la vie.
Avant les J.O, tu avais « mal réagi » à ta non-sélection avec l’équipe de France 3×3. Sur ces Jeux, l’équipe a réussi à aller en finale, une médaille olympique est peut-être la seule chose qu’il te manquait. Qu’est-ce que tu ressens ?
Cela a été très dur pour moi de regarder pour être honnête. J’ai regardé la finale et le match contre la Lituanie.
C’était dur, mais en réalité c’est juste une histoire personnelle avec le sélectionneur (Karim Souchu). Il ne le dira pas mais c’est normal.
Quelque part, il a raison puisqu’il faut une médaille et les quatre gars qui ont joué ont fait quelque chose d’incroyable. Ce n’était même pas une histoire de niveau, juste personnelle. Il m’a manqué de respect deux fois et la deuxième était celle de trop pour moi.
J’ai juste dit les choses et communiqué à ma manière en sachant que c’était déjà mort pour moi. C’est un sentiment super mitigé, c’est fou. Tu as la rage en fait, tu as la rage en les voyant jouer, quand tu vois le résultat, t’as les boules. Tu vois l’ambiance à la Concorde, tu te dit « putain, tu aurais dû y être ». Les autres qui n’ont pas été pris pensant la même chose.
“Je peux toujours me regarder dans un miroir.”
C’est frustrant , tu te dis qu’il vaudrait mieux que tu te taises, que tu ne dises rien et faire comme la plupart des gens, c’est-à-dire : rentrer dans le moule et fermer ta gueule.
Au fur et à mesure, tu vois jouer les gars, ce qu’ils vivent, tu te dis c’est trop bien pour eux et tu es content.
Je les ai laissé tranquilles, j’ai communiqué un peu avec Lucas Dussoulier car on a joué un peu ensemble et on s’apprécie. J’adore Franck (Seguela), Jules et Timothé aussi. J’ai préféré les laisser se concentrer sur ces Jeux Olympiques.
Au bout du bout, c’est la vérité du terrain et le sélectionneur a pris les quatre qu’il fallait, on en a eu la preuve. Peu importe mon ressenti qui ne changera pas, j’ai un avis sur cette personne, il a fait le bon choix. Ils sont vice-champion olympique, c’est extraordinaire et ils ont joué d’une manière admirable en finale. Il faut juste dire chapeau, respect, bravo à eux et tu te tais.
À 36 ans, les Jeux à la maison, c’est un objectif. J’imagine la déception d’une fille comme Sandrine Gruda. On est de la même génération, elle a une autre carrière, et même au niveau international où je suis à des années-lumière derrière elle… J’imagine la déception.
C’est le genre de situation dans laquelle tu pleures, tu pètes un câble. J’apprends de cet été entre Chalon et l’équipe de France.
Il y a une chose qui ne changera pas, et cela m’aura coûté, mais ce n’est pas grave. Je reste fidèle à moi-même. Je peux toujours me regarder dans un miroir. J’ai été honnête de A à Z, j’ai fait les choix qui me paraissaient être les meilleurs, que ce soit en sélection ou en club par rapport à ma santé mentale. Tu ne peux pas tout accepter dans la vie.
Dans quelques années, peut-être que je me dirais que j’ai la rage d’avoir loupé les JO mais je pourrais l’expliquer à mes enfants sans rougir, ni mentir ou cacher quoi que ce soit.
Aujourd’hui, nous sommes le lendemain de la médaille (propos enregistrés le 6 août), et ce sentiment de rage s’atténue. C’est culpabilisant d’avoir ce sentiment car c’est un sport collectif et tu te dis que tu devrais être derrière eux sans a priori. Bravo à eux, ils sont olympiens et médaillés olympiques, ça pose le décor.
Les gens qui me connaissent savent que je suis entier. Soit tu m’aimes, soit tu ne m’aimes pas mais je ne pense pas qu’il y ait un juste-milieu. Je suis fier jusqu’à présent, juste déçu de ne pas avoir joué ces JO et d’être resté à Chalon car c’est lié.
J’avais trouvé un équilibre à Chalon. Tout allait très bien avec tout le monde au club, les gens sont passionnés, le Colisée est incroyable, les fans, les bénévoles, les sponsors sont géniaux.
On sait que tu as un bon petit niveau en golf, tu avais même remporté une compétition, la coupe Porsche. Tu aimes autant ce sport que le basket, tu y trouves des similitudes ?
C’est marrant car hier Ben Monclar m’a proposé d’aller faire un golf. J’étais en train de préparer l’appartement, il y avait aussi les JO donc dans la tête ce n’était pas top, ça m’a chauffé.
On a joué avec un jeune de 21 ans, il est pro, et il joue sur l’European Tour. Il a joué deux tournois sur le PGA Tour, il s’appelle Tom Vaillant. C’est un super joueur et c’était vraiment sympa.
J’ai mal joué mais on s’en fout car je joue très peu au golf maintenant. Pendant des années, j’ai beaucoup progressé et je suis descendu très bas en annexe. Je me suis beaucoup entraîné.
C’était une routine au Mans et à Orléans. J’allais jouer en veille de match ou avant le match. Je me sentais de mieux en mieux en commençant le golf et personne n’aurait pu y penser. C’est à l’opposé de mon côté hyperactif. C’est un sport qui te rend humble, qui te canalise et qui te fait gérer tes frustrations. C’est un sport où il y a de la concentration, de la patience, et c’est top, mais c’est très dur.
Ce que tu ressens en jouant pour la première fois, quand tu tapes bien la balle etc, c’est kiffant.
Cela fait deux ans que j’y joue beaucoup moins alors que j’essayais d’y aller au moins 4 fois par semaine.
Crédit photo : Tuan Nguyen / P. Ledez / FIBA / Charlotte Geoffray / DR / Enzo Geoffray