Expatrié en Turquie depuis deux ans, Jerry Boutsiele a quitté le Bahcesehir cet été et s’est engagé avec le Pinar Karsiyaka. Il revient pour nous sur la saison écoulée et sur ce qui l’attend dans le futur.
Alors qu’il est en pleine préparation estivale, nous sommes allés à la rencontre de l’ancien intérieur du Limoges CSP. Interview.
Comment s’est passée ta saison 2023/24 ?
C’était ma deuxième année au Bahcesehir et j’avais beaucoup d’espoirs en cette saison. La première année déjà, on n’a pas eu le résultat escompté, ou en tout cas que j’espérais. Et la deuxième saison, ça s’est passé à peu près de la même façon. On avait même davantage de chances de faire les Playoffs la première saison que la deuxième. Collectivement parlant, surtout en championnat turc, pendant qu’en Coupe d’Europe on déroulait. C’est très paradoxal d’ailleurs parce qu’on était hyper bons en Coupe d’Europe, mais en championnat, on était vraiment… Pas ridicule, mais très, très moyens. On est un peu déçus du résultat. Surtout vu l’effectif qu’on avait, le talent qu’on avait, les joueurs qu’on avait, que ce soit des joueurs étrangers ou turcs, j’en espérais beaucoup plus. Après, on a eu beaucoup de changements. On nous a demandé beaucoup de choses, mais il y avait pas mal d’événements hors-terrain. On a changé de président, de coach et de GM en un mois. Après, on nous demande d’être bons sur le terrain, même si, voilà, ce n’est pas censé nous impacter, mais quand même. Donc, il s’est passé pas mal de choses cette année, mais collectivement, je suis assez déçu quand même. J’en espérais beaucoup plus. Malheureusement, ça ne s’est pas passé comme ça. J’espère que l’année prochaine, avec un nouveau club, ce sera beaucoup mieux.
Et individuellement ?
Individuellement, je pense que j’ai fait une plutôt bonne saison. Dans les chiffres, je n’ai pas trop regardé si j’ai été meilleur que la première saison (ndlr, 19,8 d’évaluation en 2022/23 contre 19,3 en 2023/24), mais je suis assez satisfait de ma saison. Je pense qu’évidemment, tu peux toujours en faire beaucoup plus. Tu peux faire mieux, évidemment. Dans l’ensemble, je pense que j’ai quand même été assez dominant dans mon secteur de jeu. Parce que quand même, les big men, les postes 5, il y en a pas mal, de très grande qualité, de gros niveau. J’ai croisé de très, très gros joueurs. Je pense que je me suis plutôt pas mal débrouillé cette année.
Tu jouais la saison dernière avec Axel Bouteille, que tu avais déjà croisé à Limoges, comment c’était ?
Notre première année en Turquie, on a passé deux clubs différents. Turk Telekom, lui. Il a fait une grosse saison. La saison se termine, le recrutement démarre. Et il m’avait appelé la fin de saison pour me demander comment était le club de Bahcesehir. Je lui ai expliqué comment c’était. Après, je savais de toute façon en coulisses qu’il allait signer, je me suis dit que c’était plutôt cool parce qu’on n’est pas beaucoup de Français alors si on peut jouer ensemble dans un pays étranger, c’est toujours mieux. Franchement, ça s’est super bien passé avec lui. C’est vraiment mon gars.
Cet été, tu as signé à Izmir, comme ça s’est fait ?
En vérité, ils me voulaient déjà depuis que j’étais à Monaco. À chaque fois, ils ont fait le forcing pour m’avoir, même entre mes deux années au Bahcesehir. Je n’étais pas censé signer là-bas encore cet été. Ce n’était pas ma première option. J’avais plusieurs équipes d’Eurocup, de Champions League et même d’Euroleague qui étaient intéressées. Les plus sérieuses étaient le Pinar Karsiyaka, Gran Canaria et Valence. Mais en termes de temps de jeu, de conditions de vie, de salaire… je pense que Karsiyaka c’était la meilleure option pour moi.
Tu te sens bien en Turquie ou c’est justement l’aspect financier qui te fait rester ?
Financièrement, c’est sûr que ce n’est pas pareil. C’est des offres que tu ne peux pas refuser, franchement. Mais le niveau est très bon. Selon moi, ça se joue entre la France et la Turquie maintenant pour savoir qui a le deuxième meilleur championnat derrière l’Espagne. Tu joues contre des équipes qui font des hauts de tableau dans les Coupe d’Europe à chaque fois. Des équipes Euroleague que tu côtoies souvent dans l’année. Et la ville d’Istanbul, c’est une ville magnifique. Un peu trop grande, d’ailleurs, avec un trafic horrible. Mais ce n’est pas grave, c’est une très belle ville. Il y a toujours de quoi faire. Les gens sont plaisants, accueillants. La Turquie, je n’ai aucun souci, j’adore la Turquie. Si je peux, j’y jouerai jusqu’à la fin de ma carrière, mais ça, on ne sait pas.
Justement, tu as rencontré le Fenerbahçe et l’Anadolu Efes. Tu as fait des gros matchs contre eux. Ça ne t’a pas donné envie de retenter de jouer en Euroleague ?
Si, mais à mon âge, j’ai 31 ans, j’ai joué à Monaco en Euroleague, mais j’ai très peu joué, même à peine. Donc en vrai, en termes de temps de jeu, je n’avais pas forcément envie de quitter la Turquie pour aller dans une équipe Euroleague et revenir en Europe, avoir un salaire moindre, déjà pour commencer, parce que tu n’as pas le même statut, et avoir moins de temps de jeu aussi. Tu passes de 30/35 minutes à jouer 12/13 minutes. À mon âge… Tu m’aurais dit ça à 25-26 ans, j’aurais foncé. Mais là, à 31 ans, je me dis que la priorité, c’est d’être épanoui jusqu’à la fin de ma carrière sans me prendre la tête, vivre avec ma famille dans les meilleures conditions possibles.
Et tu ne regrettes pas un peu justement de ne pas avoir beaucoup joué avec Monaco ?
Si, justement, parce que je pense que j’avais largement le niveau pour jouer en Euroleague, sans me
surestimer, j’avais largement le niveau. Après, c’est des choix de coach, c’est des choix de carrière. Le coach décide de faire jouer untel ou untel, c’est comme ça, malheureusement. Mais Bahcesehir m’a donné l’opportunité de me relancer après ça, donc je ne les remerciai jamais assez pour ça. Après, c’est dommage, mais bon. Côtoyer des équipes comme le Fener, l’Efes, même des grosses équipes Eurocup, Turk Telekom, Besiktas, Galatasaray, tout ça, c’est quand même du niveau.
Et les ambiances, c’est comment ?
Ah ce n’est pas comme en France. Après, les clubs sont beaucoup issus d’écoles, c’est des élèves et des parents d’élèves. Mais quand tu vas voir un match d’Euroleague entre le Fenerbahce et le Real Madrid, la salle est toute en jaune et bleu, ça donne des frissons. En Turquie, il n’y a pas une salle à moins de 5 000 ou 6 000 places je crois. C’est vraiment des ambiances de dingue. C’est dommage qu’on n’ait pas ça en France d’ailleurs. C’est très dommage parce qu’on a un public pour ça.
Avant de signer à Izmir, est-ce que tu as appelé Amath M’Baye pour prendre des infos ?
Je l’ai appelé direct. Je lui ai dit que j’avais besoin des bons spots, les bons restos, où on mange bien, tout ça. Je savais que c’était une ville côtière, une ville touristique où ça bouge beaucoup, un peu la Côte d’Azur turque. Donc, j’ai dit, oui. Je n’ai pas quitté Istanbul pour aller dans une petite bourgade. Izmir… Il y a pire qu’un endroit pour vivre. Même si je n’ai pas eu le temps de visiter la ville quand j’ai joué contre eux ces deux dernières années, je sais que là-bas je vais m’y plaire.
Tu connais déjà des joueurs de l’équipe ?
Non, mais j’ai parlé avec certains joueurs. J’ai parlé avec Tony Taylor avec qui j’ai joué la saison dernière et qui a joué là-bas. Il ne m’a pas expliqué, mais après, je sais que les gars, c’est des gars plutôt cool. Les gars comme McCollum, tout ça, il n’y a qu’un souci, je pense qu’au niveau de l’intégration, ça va le faire.
Aujourd’hui à 31 ans, est-ce que tu penses être arrivé à ton meilleur niveau ou tu as encore des axes sur lesquels tu aimerais progresser ?
Je pense qu’on peut toujours progresser. Après, la marge de progression n’est plus la même. Mais je pense que je peux toujours progresser. Par exemple, ajouter une arme à mon arsenal, comme le tir à 3 points. J’ai tiré quelques fois cette année à 3 points. Mi-distance je suis réglé, mais le 3 points, ça
peut devenir une arme supplémentaire. Après, évidemment, travailler tout ce qui est le jeu main droite, poste bas, tout ça. Il y a toujours des trucs à travailler, mais je pense que déjà, je suis déjà très, très bien dans mon jeu. Et après, si je peux rajouter cette arme, je suis preneur.
Tu continues de jouer le meilleur basket de ta carrière, est-ce que tu avais l’ambition d’être au moins présélectionné avec l’Equipe de France cet été ?
L’année dernière déjà, je pensais être appelé. Quand j’étais à Monaco après, c’est normal, je ne jouais pas. Mais l’année suivante, quand j’avais fait une grosse saison personnelle en championnat et aussi en Champions League, je me suis dit peut-être qu’il va m’appeler. Il ne m’a pas appelé. Je ne sais plus qui il avait pris à l’époque. Après, je me dis que ce n’est pas une fin en soi, parce que ma carrière ne va pas se baser sur l’Equipe de France. C’est toujours plaisant de jouer pour l’équipe de France. Il ne m’a pas appelé, c’est comme ça. Mais je n’étais pas non plus déçu, je n’en attendais pas non plus énormément. C’est dommage, mais c’est comme ça. Ce n’est pas grave.
Crédit photo : FIBA