Il y a une semaine, dans l’émission Basket Time sur RMC, Stephen Brun donnait son avis sur la probabilité que Zaccharie Risacher soit choisi en première position de la Draft NBA 2024. Pour l’ancien Nanterrien, ce serait un cadeau empoisonné. A-t-il raison ? A-t-il tort ? Répondons à la question.
Dans la dernière Mock Draft d’ESPN, Zaccharie Risacher est en première position. La Draft NBA est dans trois mois (27 juin), et l’ailier de la JL Bourg-en-Bresse profite de ses derniers mois en France.
Si Stephen Brun estime qu’être numéro 1 serait un « cadeau empoisonné » pour lui, il est important d’expliquer les attentes autour d’un joueur dans cette position.
En NBA, être le premier choix de la Draft signifie être le leader et le visage de la franchise dans laquelle on atterrit. Il faut être celui autour duquel on va construire à l’avenir. Celui qui doit avoir les ballons, qui va changer le cours d’un match. La superstar qui va marquer la majorité des points de son équipe.
Aujourd’hui, le Burgien n’est pas vraiment ce type de joueur. Si l’on se réfère aux derniers Européens draftés à de hautes places, ou moins hauts, mais tous les deux dominants, aujourd’hui, il est loin de leurs moyennes sur leurs dernières saisons avant la NBA. On va étudier le cas de certains d’entre eux.
Prenons l’exemple d’un Luka Dončić, sélectionné en 3e position en 2018. Sur sa dernière campagne avec le Real Madrid en 2017-2018, il termine à 12,8 points et 17 d’évaluation. Il a aussi disputé trois saisons pleines au niveau professionnel. Petit bonus, il est MVP de l’EuroLeague (16 points pour 17 d’évaluation).
Le double MVP et champion NBA, Nikola Jokić, récupéré en 41e position tournait à 19,2 points en ligue serbe pour 26 d’évaluation. En ABA, il était à 15,4 points pour 21,5 d’évaluation. Même si le niveau de compétition n’est pas aussi relevé que le championnat français ou espagnol, il approchait des 20 points de moyenne.
Lauri Markkanen, 7e choix de la Draft 2017 dominait en seconde division finlandaise (21,6 pour 22,9 d’évaluation points en 2015-2016). Ensuite, il est parti en NCAA et a confirmé son potentiel (15,6 points pour 17,6 d’évaluation en 2016-2017).
Tony Parker, considéré à ce jour comme le meilleur Français de l’histoire du basket, le 28e choix de la Draft 2001 était à 14,7 points pour 16,6 d’évaluation sur l’exercice 2000-2001 au Paris Basket Racing.
Avant Victor Wembanyama, il y avait un autre européen qui a été choisi en première position. Andrea Bargnani, 1er choix de la Draft 2006, combinait à 11,6 points pour 13,9 d’évaluation en 2005-2006. Il sortait de deux années pleines en première division italienne, qui était à cette époque d’un niveau plus élevé.
Si on prend le cas de Zaccharie Risacher, il tourne à 9,9 points pour 9,5 d’évaluation. Il partira dans la Grande Ligue en ayant disputé seulement une saison complète au niveau professionnel. La différence est très grande. Excepté Tony Parker qui est parti aussi vite, mais il était déjà ultra dominant.
Si on va dans le sens contraire, les derniers numéros 1 de Draft qui n’étaient pas de forts scoreurs n’ont pas réussi à répondre aux attentes de leur statut en NBA. Certains marquaient, mais avaient une forte lacune offensive, et ne sont plus, ou n’ont jamais été des joueurs performants (Markelle Fultz, Anthony Bennett, Ben Simmons).
Aujourd’hui, le poste 3 formé à l’Asvel, est loin du statut de la première option de son équipe. Il est le troisième meilleur marqueur derrière Bryce Brown et Isiaha Mike. Il n’a dépassé que deux fois la barre des 15 points de moyenne (U15 en 2019-2020 à Oullins Ste Foy et 20,7 points / U18 en 2021-2022 avec l’Asvel et 18 points). Il est donc difficile de considérer Zaccharie Risacher comme un attaquant redoutable.
Lorsque l’on est numéro 1 de la Draft ou futur numéro 1 et que l’on n’a jamais été un fort scoreur au niveau professionnel, il y a de quoi être pessimiste pour les attentes autour de lui en NBA. Dans les fins de match, ce n’est pas à lui qu’on donne les ballons pour le tir de la gagne ou de l’égalisation.
Autre point problématique, le fils Risacher est à 10 matchs avec 0 passe décisive. Un poste 3 se doit d’être polyvalent, et un numéro 1 de Draft devrait aussi pouvoir faire marquer ses coéquipiers lorsqu’il est ciblé par les défenses adverses.
Toutes ces qualités faisaient partie du bagage de son prédécesseur et compatriote : Victor Wembanyama. Une comparaison qui semble d’ailleurs inévitable.
Et oui, pour la deuxième fois, sur deux années de suite, un Français pourrait être appelé en premier par Adam Silver, le commissionner de la NBA. Le monde du basket ne cessera de comparer les deux jeunes hommes. Si le premier était un alien, et numéro 1 sans aucune contestation possible, ce n’est pas vraiment le cas du deuxième.
Si le monde entier se dit que la France a un grand vivier de jeunes talents après Tony Parker et Wemby, il n’y a pas de doutes sur le fait que Risacher soit un grand prospect. Si l’on ne remet pas en cause le fait qu’il soit capable de faire une belle carrière en NBA, a-t-il les épaules d’un numéro 1 ?
Lorsque l’on voit l’intérieur des Spurs qui cumule déjà plus de contres que 81% des joueurs actuels en NBA, en carrière, et qui est même le meilleur joueur de la ligue sur ce secteur pour sa saison rookie… La barre ne serait-elle pas un peu trop haute ? Certes, ce ne sont pas les mêmes joueurs, ni le même physique. Mais un statut de ce niveau, se doit d’être parfaitement assumé.
Lorsque les Américains et autres spectateurs qui n’ont pas beaucoup suivi la Betclic Elite, vont se rendre compte que Risacher n’est pas Wembanyama, les choses ne seront pas simples pour lui.
Si nous sommes tous excités à l’idée de se dire qu’un deuxième Français sera sélectionné en première position, quelle est la réalité autour de cette classe de Draft ? Dans l’émission « Basket Time », Stephen Brun, disait avoir contacté des scouts NBA, qui lui auraient répondu :
« Nous sommes sceptiques sur Zaccharie Risacher. Nous ne lui souhaitons pas d’être numéro 1 de la Draft. Si c’est le cas, tant mieux pour lui, pour sa famille, pour sa carrière et pour son banquier, mais c’est un cadeau empoisonné. Dans cette classe de Draft, il n’y a pas une superstar ou un mec qui va marcher sur la NBA. »
Nous ne nous avançons pas aussi loin sur ce genre de terrain glissant. Une surprise peut toujours arriver (Nikola Jokić, Manu Ginobili, Marc Gasol…). Pour autant, ces arguments ne sont pas erronés en voyant ce que l’on a sous nos yeux aujourd’hui. Idem pour celui qui devrait être appelé juste après…
Et si on se penchait sur le cas d’Alexandre Sarr ? Le Frenchie serait projeté en deuxième position de la Draft. L’intérieur des Perth Wildcats en Australie est grand, imposant en défense, mais est-ce suffisant ?
Si l’on prend le cas des derniers Français évoluant en Australie et draftés, (Ousmane Dieng, Hugo Besson, Rayan Rupert) aucun d’entre eux ne s’est imposé en NBA. Jurisprudence pour le dernier qui a été drafté l’été précédent. Très peu de signes rassurants quand on voit leurs bagages, leurs parcours, leurs profils…
Et si Stephen Brun avait raison ? Si l’on devait se mouiller et y répondre, nous serions du même avis à l’heure actuelle.
Crédit photo : RMC Sport / EuroCup / FIBA