Christian Monschau raconte son Sportica

- 27 décembre 2023

Entraîneur du BCM Gravelines-Dunkerque pendant neuf ans, Christian Monschau a marqué l’histoire du club et a connu les plus belles heures de Sportica.

Suite au malheureux incendie survenu ce 25 décembre au Sportica de Gravelines, réduisant en cendre la salle dans laquelle le BCM tente cette saison de se sauver en Betclic Elite, nous avons contacté Christian Monschau (65 ans). L’ancien coach gravelinois évoque les plus beaux moments qu’il a connu dans cette salle emblématique.

Quelle a été votre première réaction au moment où vous avez appris que Sportica était en feu ?

« En premier lieu, je voulais juste m’assurer qu’il n’y avait pas de victime… Un 25 décembre, on peut penser que personne n’est sur place, mais en même temps peut-être que le feu aurait pu être maîtrisé beaucoup plus tôt s’il y avait quelqu’un. Mes premières pensées c’était ça. Forcément, je connais bien Gravelines. Ma première préoccupation était de savoir s’il y avait des victimes. Ensuite, je me suis mis à la place d’Hervé Beddeleem, Bertrand Ringot, Christian Devos qui accompagnent ce projet depuis maintenant près de 40 ans. Quand ils se sont retrouvés devant le lieu du sinistre, parce qu’ils se sont tous rendus sur place, je me suis mis à leur place.

Sur internet, on voit ça sur des photos, de loin, donc on pense aux souvenirs, mais eux étaient sur place et ont vu ce truc tellement immense, comme à Fort Alamo où il ne restait debout que le mur principal avec tout le reste effondré. J’ai pensé à ce qu’ils ont pu ressentir à ce moment-là. Par la suite, je me suis dit qu’à partir du moment où il n’y a pas de victime, on peut juste dire que ça restera dans nos mémoires pour toujours. Pour voir le positif, par exemple, moi j’ai des centaines et des centaines de vidéos de ce qui s’est passé pendant les matchs, il y a des ouvrages qui ont été publiés sur notre parcours quand j’y étais, quand on a gagné des titres. Ça existe et ça fera désormais partie de l’histoire.

L’essentiel c’est que maintenant le club puisse trouver des solutions pour poursuivre la saison et ça semble être en bonne voie. J’imagine qu’il y aura un délai avec les experts qui vont se relayer sur le lieu du sinistre. Et après le moment sera venu de partir sur autre chose, sur un nouveau projet. Surtout qu’il n’y a pas que le BCM. Sportica c’était vraiment un lieu de vie. Il y a un nombre incalculable d’associations qui pratiquent leur discipline à Sportica, il y avait un dojo, une piscine… C’était comme une petite ville donc je pense aussi à ceux qui vont être privés de ça pendant un temps. Le temps qu’une solution soit créée. »

Que retenez-vous de Sportica ?

« À l’époque où j’y suis allé pour la première fois j’étais encore joueur. Je crois même qu’avec Mulhouse on était l’un des premiers clubs à débarquer à Sportica. J’ai connu toutes les époques de cette salle. D’abord adversaire joueur, puis adversaire coach et puis la période la plus agréable, celle où j’ai passé neuf années à coacher le BCM avec deux titres, deux premières places, toutes les finales qu’on a disputé, une demi-finale européenne. C’est un condensé de bonheur et d’échange avec les gens. C’est un public tellement chaleureux, mais il faut gagner. Ils supportent la défaite aussi, mais il faut gagner parce que dans cette ambiance-là il faut donner du bonheur. Le spectacle basket se suffit parfois à lui-même, mais il faut gagner. J’ai eu la chance de gagner beaucoup donc j’ai eu des moments de partage vraiment exceptionnels. C’est incomparable avec d’autres régions. Il y a des traditions, il y a les Loups de Mer, les Marin’s, les Irréductibles… Des clubs de supporters qui sont encore là 20 ans après leur création avec certaines mêmes personnes. Quand on gagne, il y a l’hymne à Cô-Pinard qui résonne dans la salle dans la dernière minute d’une victoire, pas avant. C’est impressionnant, avec les chœurs. C’est impressionnant. Toute la salle entonne, j’en ai eu des frissons lors de mes premières victoires. Le premier match que j’ai disputé là-bas, c’était une victoire d’ailleurs, et là il y a vraiment des frissons. Tous ces échanges quand on a gagné des titres avec les gens qui sont là depuis 40 ans.

On critique souvent le club et les dirigeants depuis quelques années, depuis qu’il n’y a plus de résultat. C’est injuste. Injuste car ces dirigeants sont là depuis le début, ils ont connu les années fastes, que j’ai notamment connu avec eux. Dans les années difficiles ils sont là et ils permettent toujours au club de redémarrer toujours avec une gestion saine. Il faut aussi leur rendre hommage. Chaque année, le club a pu repartir, même dans des années sportives difficiles, il est toujours reparti avec un budget à l’équilibre, des ambitions. Je pense à eux car ils ne doivent pas aller très bien dans ces moments-là. »

Quels sont les matchs qui vous resteront en tête de votre passage au BCM ?

« Les deux matchs qu’on joue à domicile suite aux deux titres de Leaders Cup qu’on a gagné, Tournoi des As 2011 et Leaders Cup 2013. C’étaient deux matchs qu’il fallait gagner d’abord parce que sinon ça allait gâcher la fête et puis c’était le moment où le trophée nous était remis. D’ailleurs, j’ai toujours tenu à ce qu’on nous remette le trophée à la fin du match et pas au début. Quand on a gagné, j’ai exigé à ce qu’il nous soit remis à la fin pour qu’on puisse avoir une vraie fête avec les supporters et car on ne peut pas montrer ce trophée avant d’affronter des adversaires. Ça me tenait à coeur et ça avait été respecté.

Mais plus que des matchs en particulier, j’ai envie de relever aussi un moment qui fait l’exception du Nord, les matchs du carnaval. Ça, c’est incroyable. Je parlais de l’émotion du public, la chaleur du public, l’hymne à Cô-Pinard… Mais les matchs du carnaval, c’est encore une autre dimension. À Sportica, on peut perdre des matchs, mais on ne peut pas perdre les matchs du carnaval (rires). Le carnaval dure deux mois et demi environ mais il n’y a que deux matchs de carnaval du BCM par saison. J’étais là neuf ans donc j’ai dû en coacher 18 et je crois que je n’en ai perdu qu’un seul. Heureusement… (rires). Plutôt que de choisir un match, je dirais que les matchs du carnaval en général sont ceux qui me restent dans la tête… Quand on gagne ! »

Et les derbys ?

« J’ai d’ailleurs disputé le premier derby contre Le Portel. C’est là où il y a vraiment de l’ambiance parce que l’ESSM a reproduit par la suite l’ambiance qu’il y a au BCM, ils l’ont très bien développé aussi chez eux, ça fait vraiment l’identité du Nord, Le Portel – Gravelines. Sur ce premier derby entre les deux équipes, on aurait pu pousser les murs, on aurait pu vendre 10 000 places sans problème. C’était une ambiance très chaude, avec les deux orchestres et les groupes de supporters. Ce qui était assez exceptionnel ce soir-là, c’est qu’on a disputé ce match, il y a eu une grosse compétition, c’était un beau match, c’était ma dernière année de coaching au BCM et c’était un match capital à remporter pour se qualifier au Tournoi des As. On se qualifie pour les As après avoir gagné le match mais ce n’est pas ça qui est important, c’est ce qui s’est passé après. On s’est dit que ça on ne le reverrait peut-être plus jamais. Après le match, chaque coach repart débriefer avec son équipe, on va dans le vestiaire et on sent qu’il se passe quelque chose…

On arrête le debrief, je retourne dans la salle et là je reste une demi heure, je ne dis rien, je regarde. Le public, qui s’affrontait pendant la rencontre, s’est réuni, en partie sur le terrain. Portés par les orchestres des groupes de supporters adversaires un peu plus tôt, tout le public s’est mis à chanter les mêmes morceaux d’une seule voix. Je n’avais jamais vu ça. C’était impressionnant et ça a duré longtemps. La compétition a été âpre, tout ce qu’on veut, mais derrière ces deux publics se respectent tellement et partagent l’identité commune des gens du Nord qu’ils se sont mis à communier ensemble. Et en voyant ça j’ai dit à Eric Girard : “tu vois ça, même si les deux équipes restent longtemps en Pro A, on ne le reverra plus” parce qu’après, la compétition et l’antagonisme prennent le dessus (sourire). Mais ce moment-là était spontané, ce n’était pas organisé, et c’était exceptionnel. »

Crédit photos : Julie Dumélié/BCM Gravelines-Dunkerque

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