Entraîneur de la meilleure équipe de Pro B, Julien Cortey est un tacticien aux mains d’or. Quand il s’agit de transformer une équipe de milieu de tableau à tête d’affiche du championnat, il en est le spécialiste. Son travail avec le Stade Rochelais est l’une des plus belles surprises de la saison, il nous dévoile pourquoi les Jaunes et Noires en sont à ce niveau aujourd’hui.
Deuxième saison à La Rochelle. Vous récupérez une équipe qui venait de débarquer en Pro B, aujourd’hui vous êtes en tête du classement. À ce stade de la saison, quels sont les secrets d’une telle ascension ?
(Rires). Si l’on reprend chronologiquement, la montée en Pro B s’est faite sur le tas en Playoffs. On est arrivés sur le marché des transferts très tard.
Il y avait des joueurs sous contrat, tout s’est fait dans l’urgence.
Beaucoup de changement au niveau de la salle pendant la pré-saison pour répondre au cahier des charges de la Pro B. Nous avons passé toute la pré saison dans des conditions particulières. Cela a impacté notre début de saison, puis il fallait s’acclimater au niveau.
En décembre, nous avons fait quelques modifications pour finir la deuxième partie de saison de façon consistante. Ce qui fait notre réussite cette année, c’est que nous avons pu analyser les manquements de la saison passée. Il nous manquait des qualités athlétiques, de l’adresse sur le tir extérieur. Nous avons eu le temps de travailler sur cela.
J’ai aussi pu choisir tous les joueurs et tous les membres du staff. Nous avons travaillé de façon plus sereine afin d’anticiper tout cela. Je pense que la saison passée nous a servie pour cette année. Nous étions dans le dur à un bilan de 1-8, puis la direction nous a fait confiance. Cela a créé du lien et nous a permis de travailler plus sereinement. Souvent dans le sport, on réagit à la performance. On sait que c’est très instable. Créer de la stabilité crée de la confiance, et la confiance dans ce milieu est primordiale. L’expérience de l’année dernière nous sert pour cette saison. Nous avons un projet clair en attaque et en défense. Tout le monde adhère au projet et l’équipe a atteint un haut niveau de cohésion. Il faut donner du crédit aux joueurs qui animent ce projet, et qui prennent plaisir à jouer en équipe.
Notre plus grande réussite en tant que staff est d’arriver a motiver et a garder tous les joueurs et leur projet individuel au service du collectif. C’est un gros critère de réussite.
” Il y a une bonne étoile et un facteur chance. “
A Vitré, vous faites passer le club du statut d’une équipe jouant le maintien à l’un des cadors de la NM1. En arrivant au Stade Rochelais, vous vous imaginez réaliser la même chose ?
Je suis un homme de projet, à moyen-terme. Je ne suis pas qu’un homme de terrain et je ne m’intéresse pas seulement à la performance. J’aime construire mais aussi en dehors. Je pense que la performance n’est pas liée uniquement au terrain. Elle est aussi liée à toutes les conditions en place autour du joueur.
Il faut créer un staff, un projet, une dynamique, s’entourer des bonnes personnes et ça prend du temps parfois. À Vitré, c’est une équipe qui montait de la N2 et qui ne s’est jamais maintenu deux ans de suite en N1. Nous avons réussi à le faire, puis à stabiliser dans le haut de tableau. Nous n’avons pas seulement travaillé sur l’aspect sportif. Nous avons crée une cellule médicale. Nous avons sensibilisé tout le staff logistique autour. Nous avons créé de bonnes conditions de déplacement. C’est ce que je voulais à La Rochelle, et c’est aussi ce qu’ils veulent. On se développe aussi sur les déplacements hors terrain.
Quand je prend le projet, j’ai une idée de ce que je veux faire avec mon équipe, mais je ne suis pas focalisé uniquement sur le sportif et la performance.
Cela nous réussit rapidement cette année, et c’est rare dans le sport. Je crois aussi au fait de réussir sur le moyen-terme car c’est ce qui m’anime.
Vous ne pouvez pas vous y attendre à ce genre de saison. N’y a-t-il pas une bonne étoile autour du club ?On fait des paris mesurés mais qui sont gagnants. Je prend l’exemple de nos deux joueurs étrangers Tray Buchanan et Jubrile Belo/
Même si nous travaillons en amont, la cohésion du groupe, on choisit méticuleusement chaque joueur. On fait en sorte d’avoir un groupe qui veut bosser ensemble. Parfois, on se plante, mais en l’occurrence dans notre cas ça match.
Certains matchs sont joués de peu mais basculent du bon coté. On a eu une grave blessure avec Lucas Hergott, puis on trouve Thomas Ville dans la foulée. Il match parfaitement au profil recherché. Hormis ces gros bobos, peu de blessures nous impactent.
Il y a une bonne étoile et un facteur chance dans lequel toutes les planètes s’alignent. Le positif apporte le positif.
Pour en être où on en est actuellement, il y a du travail mais aussi beaucoup de choses qui vont en notre faveur.
Le groupe est jeune (moyenne d’âge : 26 ans), mais peu habitué à une situation comme celle-ci à ce niveau. Selon vous, ce groupe a toutes ses chances d’offrir au club une montée en Betclic Elite ?
J’ai envie de dire que la Betclic Elite c’est super loin, il reste 12 matchs, en plus des Playoffs. Je pense qu’on a autant de chance que les sept autres équipes qui seront en Playoffs. Ce sera une chance sur huit à la fin de la saison régulière.
Pour l’instant, on ne parle pas du tout de Pro A, on prend les matchs les uns après les autres. C’est ce qui a fait notre force, celle de ne pas se donner de pression excessive. On est déjà au-delà de ce que l’on voulait faire.
Si on veut continuer à performer, il faut garder la même méthode. On ne pense pas à la première division, on ne pense qu’à gagner le prochain match et c’est contre Angers vendredi.
On cherche à trouver le bon équilibre entre jeunes joueurs et joueurs d’expérience. On a quand même Gaetan Clerc, Jerome Sanchez, Alexis Tanghe. On a des jeunes inexpérimentés et d’autres très expérimentés. C’est une bonne balance.
À la base, on n’est pas taillé pour être premier au bout de 22 journées. Est-ce qu’on arrivera à tenir sur la longueur ? On le saura dans les matchs à venir.
On prend du plaisir à jouer ensemble.
Le club a eu un plus gros budget pour cette saison. Si montée il y a, une nouvelle salle serait indispensable, tous ces défis sont accessibles et réalisables ?
Le budget a augmenté, mais tous les budgets de Pro B ont augmenté. Nous sommes passés de la 10e place à la 12e. On régresse dans le classement en ayant un plus gros budget, donc la Pro B devient de plus en plus compétitive. Ce qui est d’autant plus valorisant car nous sommes la 12e masse salariale et nous arrivons à être tout en haut.
Le cahier des charges de la Betclic Elite n’est pas le même que celui de la Pro B, mais ce n’est pas du tout mon domaine. La direction travaille dans ce sens, ils essayent de voir ce qui peut être fait au niveau des infrastructures et de la salle. Quand ils veulent quelque chose, ils y arrivent.
En cas de montée, vous voyez-vous faire un parcours similaire à celui de Saint-Quentin cette saison ? Peut-être mieux ?
Je félicite déjà Saint-Quentin et son coach Julien Mahé pour son travail incroyable. C’est la deuxième meilleure défense de Betclic Elite alors qu’ils étaient la meilleure défense de Pro B la saison passée.
C’est motivant pour les clubs qui sont encore en Pro B. La preuve que lorsque l’on travaille bien et que l’on croit en son projet, avec un petit budget, on peut faire de très belles choses. Saint-Quentin est un super booster pour nous et pour moi.
Nous ne sommes pas encore en Betclic Elite, mais si c’est le cas un jour, je crois en ma méthode, en ce que je fais. Ce que j’ai réussi à faire en N2 a marché en N1, ça marche plutôt bien en Pro B, donc je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas le cas en Betclic.
Crédit photo : Stade Rochelais