Il y a deux semaines, la FFBB (Fédération Française de Basket-Ball) a envoyé un mail, à l’attention de tous les dirigeants des clubs signataires d’une pétition visant à autoriser le port du voile pour les femmes dans la pratique du basket.
Récemment, la FFBB s’est montrée agacée en apprenant que 69 clubs, majoritairement franciliens, militaient en faveur d’une modification dans le règlement intérieur via une pétition.
La fédération française interdit le port d’un hijab dans le sport de compétition. C’est une règle que la fédération internationale n’a pas adoptée, puisqu’elle autorise celui-ci depuis 2017. Le 14 octobre, l’assemblée générale de l’instance française avait prévu de se rassembler. Quelques jours avant, une pétition a fait du bruit. Intitulée « Basket pour toutes », cette revendication a été lancée dans le but de dénoncer cette prohibition du port du voile sur un terrain.
Une fois publique, cette pétition a recueilli 3000 signatures, et 69 clubs l’ont validé. Pour les clubs franciliens, les subventions distribuées par la région Île-de-France seront supprimés, rappelle Patrick Karam, vice-président de la région, à l’AFP, comme le relève Franceinfo sport et d’autres.
« Tout le monde était d’accord avec moi quand j’ai proposé de ne plus donner un euro à ces clubs qui ne voudraient pas respecter cette interdiction. Certains clubs sont en train de se désister, j’ai appelé certaines mairies qui ne savaient même pas que leur club avait signé cette pétition. »
Pour poursuivre dans cette direction, Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports, a souligné sur France 3, que les sportives sélectionnées en Équipe de France lors des Jeux Olympiques de 2024, à Paris, ne devront pas porter le voile.
La FFBB face aux associations
Un combat contre lequel les associations comptent s’opposer. Dans les mails adressés à l’attention des dirigeants des clubs signataires, la fédération française considère que cette pétition appelle « à ne pas respecter les règlements fédéraux ». Or, l’auteure, Hélène, appelle à la suppression de l’article 9.3, interdisant le port de « tout équipement à connotation religieuse ou politique aux joueuses, arbitres, coachs et personnes à la table, dans les compétitions 3×3 et 5×5 ». La joueuse étant déjà privée de participation à toute rencontre officielle cette saison, selon ses dires, « puisque l’on force des arbitres à appliquer un règlement qu’ils désapprouvent », il n’y a donc aucun appel à ne pas respecter le règlement en place.
Dans le même mail, la FFBB indique « à défaut de réponse de votre part pour le 3 novembre 2023, la fédération considérera que vous en êtes signataire, et en tirera l’ensemble des conséquences. »
Le président de l’un des clubs signataires nous a transmis sa réponse à cet avertissement. Il exprime dans celui-ci qu’une signature ne devrait pas mériter de sanction aussi sévère. Avec son autorisation, en voici un extrait :
Ce dirigeant, souhaitant témoigner anonymement, exprime son incompréhension.
« À titre personnel, je ne touche aucune subvention de la part de la région, donc ce n’est pas mon problème. La pétition demande l’ouverture d’un dialogue. Nous sommes nombreux à ne pas être d’accord avec ce règlement. On pense que c’est une erreur, car cela va exclure des filles dans la pratique. Juste pour avoir signé une pétition, et donné notre opinion, la région supprime les subventions ? C’est violent. Cela signifie que l’on ne va plus aider les associations dans le développement du sport, et dans l’inclusion sociale, car vous avez cette pensée ?
Nous ne sommes pas des associations prônant quelconque religion. On pense juste qu’il est bon de laisser jouer toutes les joueuses peu importe leur tenue. Cela ne me semble pas trahir la laïcité. Le port d’une tenue, ou d’un accessoire religieux, ne signifie pas que l’on cherche à convertir toutes les personnes autour de nous. C’est un peu comme si l’on forçait la main aux associations, gérants, dirigeants, adhérents à renier leur pensée. Je ne trouve pas cela très sain dans un pays qui se dit démocratique. »
Cette opinion est basée sur la liberté individuelle de chaque joueuse. Celui-ci estime que cela ne devrait pas être sous la contrainte d’une quelconque sanction, tant que ses accessoires ne sont pas nocifs pour la pratique :
« Ce que l’on souhaite, c’est que ces filles puissent jouer. Peu importe que ce soit avec un élastique, un voile, un bandeau, des barrettes, des lunettes, des chaussettes hautes… Je m’en fiche. Tant que ce n’est pas dangereux, c’est bon. Les bijoux ou les montres on enlève, religieux ou pas, car les bijoux sont dangereux pour la pratique. Le reste, on s’en fout, il y a une tenue et un maillot. Si l’on peut jouer avec des bandeaux, pourquoi un voile gênerait ? Laissez-les jouer, si cela passe par un changement du règlement, et bien il faut le changer. Tous sports confondus, on voit que ça se fait, que ce soit dans le football ou dans l’athlétisme, cela ne pose aucun problème. »
Par ailleurs, il pointe du doigt le sens des priorités de la FFBB :
« Au niveau départemental ou régional, parfois, nous n’avons pas d’arbitre. Ce sont des parents, des joueurs, ou des bénévoles qui vont tenir la table et faire l’arbitrage. C’est la problématique des associations en compétition.
Il y a encore d’autres sujets, est-ce que l’on peut avoir un gymnase ? Certains sont inondés par les pluies, donc ce n’est plus praticable. C’est déjà arrivé qu’il n’y ait aucun chauffage pendant tout un hiver. Parfois, le parquet était cassé, d’autres fois, on ne jouait même pas sur du parquet. On pouvait jouer aussi sans chrono. Un panier était cassé pendant 6 mois, donc on ne pouvait jouer que sur un panier. Il fallait trouver un autre gymnase, qu’on n’avait pas forcément, car il était déjà surchargé en accueillant d’autres associations pour les compétitions. C’est une vraie problématique dans la capitale française, une des capitales européennes, qui va accueillir les Jeux Olympiques.
C’est bien, on fait de belles campagnes, de beaux terrains avec des artistes, de belles photos etc… Mais la réalité n’est pas belle du tout. Pour en avoir parlé avec beaucoup d’autres dirigeants(tes), on est épuisés, c’est très dur d’être à la tête d’une association. Plus ça va, plus on nous demande beaucoup de choses. On ne se sent pas aidés, rien ne bouge dans le bon sens. Nous n’avons pas le sentiment d’être soutenus. Je n’ai jamais eu d’échange avec la fédération, ni reçu de félicitations, ni d’aides, ni conseils, ni messages… On se sent presque abandonnés. À l’inverse, on se sent menacés, et ça ne donne pas très envie de continuer à poursuivre nos tâches.
Un message considéré comme un appel à renier leur opinion :
« Nous sommes en train de construire un projet intéressant, notre travail commence à porter ses fruits. Quand je vois ce que la fédération m’écrit par mail, il y aura des conséquences. Peut-être qu’elles seront catastrophiques pour nous, et cela mettrait un point final à tout ce que l’on a bâti. Forcément, je suis interloqué. Je me suis demandé s’il ne fallait pas se retirer. Quel que soit le sujet, si on nous sanctionne pour avoir exprimé une opinion, cela me conforte dans ma décision. Je n’ai pas envie de me retirer. S’il le faut, on ira jusqu’au tribunal. J’espère quand même que cela n’arrivera pas, car nous avons beaucoup mieux à faire. Avec tout ce que l’on a construit, ce serait une perte de temps et d’énergie. »
Dans un message d’un entraîneur adhérent à ce club signataire, on peut ressentir la tristesse et le sentiment d’exclusion de l’une des joueuses.
La FFBB, seule exception
On le rappelle, la FIBA autorise le port du hijab depuis 2017. Aucune autre fédération à l’étranger ne l’interdit. La fédération française est donc la seule à ne pas tolérer qu’une joueuse porte le voile sur un terrain de basket.
Dans les autres sports, au tennis, athlétisme, boxe ou karaté, ce « problème » n’en est pas un. La Fifa a même autorisé depuis 2014 le port du hijab. Lors de la coupe du monde de football féminin cet été, la Marocaine Nouhaila Benzina, est devenue la première joueuse dans l’histoire, à porter ce couvre-chef lors d’un match de cet évènement.
Le 24 septembre 2023, lors de l’émission « Dimanche en politique » sur France 3, la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra, a déclaré :
« Les représentants de nos délégations, dans nos équipes de France, ne porteront pas le voile. »
Ce à quoi, Marta Hurtado, porte-parole du Haut-Commissariat des droits de l’homme aux Nations Unies, a répondu plus tard, lors d’un point presse organisé à Genève :
« De manière générale, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme estime que personne ne devrait imposer à une femme ce qu’elle doit porter ou non. »
À l’approche des Jeux Olympiques, la FFBB fait cavalier seul dans cette décision. Les associations sont confrontées à des problèmes majeurs quotidiennement. Néanmoins, les appels à l’aide semblent passer inaperçus.
Crédit photo : Mironko Productions