Vainqueur de la Leaders Cup ce dimanche, Ali Bouziane est déjà en train de marquer l’histoire avec Angers. Alors que la deuxième partie de saison vient de démarrer, l’exercice 2022/2023 est déjà réussie pour le club et celui qui poursuit sa première aventure en Pro B.
Vous venez de remporter la première Leaders Cup du club dès votre première saison à Angers. Considérez vous que cette saison est d’ores et déjà historique ?
Oui et non. Oui car c’est le premier titre en LNB du club. Non, car l’objectif principal reste le maintien. Le maintien, on ne l’obtient pas par un titre de Leaders Cup, mais en championnat. Il nous reste encore 14 matchs donc j’ai envie de dire que ce titre est une belle récompense de ce début de saison et du travail accompli, mais ce n’est pas une consécration.
Il reste encore le plus important. La Leaders Cup était un petit bonus, la cerise sur le gâteau. On est à 10 victoires, on imagine qu’à 13-14 victoires, on sera tout près du maintien. À partir de là, on aura peut-être de nouveaux objectifs. Cela n’enlève rien à la faveur et au côté historique de ce titre.
Quel intérêt de gagner la Leaders Cup si nous sommes dans les deux derniers et que l’on descend ? La Leaders Cup n’était même pas un objectif en début de saison, elle l’est devenue lorsque l’on s’est rendu compte qu’on était pas loin de la dernière marche. L’appétit est venu en mangeant et on est arrivé au dessert.
” Les autres équipes nous craignent “
En étant invaincu sur les 9 matchs, vous remportez la Leaders Cup, ce qui vous qualifie d’office pour les Playoffs. Actuellement, vous êtes 8e au classement, ce qui signifie que sans le trophée, vous auriez été potentiellement qualifiés pour les Playoffs. Peut-on dire que l’EAB est une équipe qui commence à faire peur ?
Ce n’est pas à moi qu’il faut poser la question mais aux autres coachs (rires). Mais je pense que les autres équipes commencent à nous respecter. Ce n’était pas le cas en début de saison, et je le comprends. Nous sommes promus, mais petit à petit, on a gagné le respect.
Aujourd’hui, les autres équipes nous craignent et nous ne sommes plus « le petit Poucet ». Au début, on voulait aller chercher les exploits, désormais nous regardons toutes les équipes droit dans les yeux.
Ce qui est incroyable, c’est que nous sommes promus, on remporte la Leaders Cup, ce qui est historique, et on fait un 9/9. Je trouve que l’histoire est belle. C’est beaucoup de surprises et de choses inattendues tout au long de ce parcours, qui n’est pas terminé, j’espère.
On peut aller plus loin, je peux aussi rajouter que nous avons la masse salariale la plus basse du championnat. C’est une belle histoire, une belle aventure, et nous avons écris une belle page de l’histoire du club, mais aussi de l’histoire de la Leaders Cup.
Cela me fait penser un peu à ces parcours du « Petit Poucet » en Coupe de France de football, lorsqu’une équipe arrive jusqu’en finale ou en demi-finale. C’est un scénario très rare au basket.
” La Pro B est un championnat de dingue “
Le jeu que vous mettez en place est reconnu comme intense et physique, cela est-il influencé par votre style de jeu lorsque étiez joueur ?
J’ai des convictions par rapport à mon style de jeu. J’étais très porté sur la défense, agressif sur le porteur de balle. J’observe aussi ce qui se fait au plus haut niveau. Je remarque aussi que les équipes les plus performantes sont celles qui mettent de l’intensité dans tous les secteurs du jeu. C’est un axe majeur du style de jeu que l’on veut développer.
Je l’ai vécu en tant que joueur, et je pense que c’est la bonne manière de jouer au basket. Il ne peut pas y avoir que l’aspect stratégique et technique. Mais il ne peut pas y avoir que l’aspect physique et agressif. Il faut qu’il y ait les deux. Lorsque je regarde les matchs d’EuroLeague, je vois au-delà de l’aspect tactique et technique, je vois l’intensité physique des joueurs. Pour moi, c’est ce qui fait la différence avec les autres niveaux. C’est un peu des deux, on a un style de jeu très agressif.
Cependant, je trouve cela un peu réducteur de ne retenir que l’intensité physique de notre équipe. Il y a un gros travail tactique derrière qui se met en place. On ne gagne pas une équipe comme Boulazac avec de l’agressivité et de l’intensité. C’est une équipe très tactique, pour les battre, certes, il en faut mais il faut aussi avoir les clés pour ouvrir les portes de leur projet offensif et défensif.
Vous êtes la plus jeune équipe de Pro B (24 ans), votre MVP (Yohan Choupas) n’a que 22 ans, et a joué 34 minutes lors de la finale. Cela est-il le reflet de votre volonté à faire joueur davantage les jeunes, ou est-ce tout simplement du au budget du club ?
Encore une fois, je vais répondre les deux. Lorsque j’ai signé à l’EAB l’été dernier, il y avait des contraintes. Le centre de formation n’était pas reconnu par la ligue. Ce qui fait que l’on avait pour obligation d’avoir quatre joueurs de moins de 23 ans dans l’équipe. Forcément, l’équipe sera jeune, en plus de cela, il y avait cinq joueurs sous contrat de la saison passée en Nationale 1. À partir de la, il y avait trois joueurs de moins de 25-26 ans. On a essayé de faire de cette contrainte une force.
Les dirigeants sont venus me chercher car mon profil de coach, mon passé et mon histoire fait que je viens du centre de formation. Ce qui au passage est très rare qu’une équipe professionnelle donne les clés directement les clés d’un coach espoir, qui n’est pas passé par la case « assistant ». J’aime ce côté formateur, former et performer. Le côté juste « formateur » ne me convient pas vraiment. J’aime la compétition, j’ai été joueur, et ce qui m’anime c’est la compétition.
Je trouvais que le projet à deux axes d’Angers « former et performer » me convenait parfaitement. On a construit un projet qui amène les joueurs à un développement au cours de la saison afin de les faire progresser. La constitution du staff a été faite en ce sens. Nous sommes l’un des rares staffs de Pro B à avoir deux assistants, en plus d’avoir la plus basse masse salariale du championnat.
C’est une volonté, je préfère avoir un coach de plus pour mettre des moyens de développement sur des jeunes joueurs, plutôt que d’avoir un joueur plus cher. On aurait pu avoir un joueur avec un statut plus important, mais j’ai préféré avoir un assistant de plus. C’est toute une stratégie.
Avec ce récent succès et votre bilan équilibré en championnat (10 victoires- 10 défaites), Angers n’est pas un promu comme les autres cette saison. Pensez-vous déjà à remporter les Playoffs de Pro B ?
Non, on ne se projette pas aussi loin. J’ai toujours le souvenir de Tours l’an dernier, et j’en parle souvent à mes joueurs. Tours, en décembre est 3e championnat, et en fin de saison ils descendent.
La Pro B est quand même un championnat de dingue, c’est une jungle. Tout le monde peut battre tout le monde, il peut y avoir des gros trous noirs, où des équipes coulent. On peut prendre l’exemple de Blois, l’an dernier ont fait un run en fin de saison pour remporter les Playoffs.
Rien n’est acquis, on est loin de se projeter sur les Playoffs et de les gagner. Aujourd’hui, le seul objectif est d’atteindre la barre des 13-14 victoires pour assurer le maintien. Une fois que l’on aura atteint cette barre, on se posera avec les joueurs et on essaiera de définir d’autres objectifs, forcément par rapport aux Playoffs. Pour l’instant, on ne veut pas y penser, et je suis catégorique.
Vous parliez d’humilité, est-ce une valeur que vous voulez transmettre à vos joueurs ?
L’humilité est une valeur que je veux véhiculer au sein de mon équipe et du club. Ce n’est pas de l’humilité dans le sens « modestie ». On y va étape par étape, on se remet en question pour avancer. On prend de la hauteur, de la distance, on ne va pas trop vite, mais on reste ambitieux. Ces deux valeurs ne sont pas forcément en conflit, on peut être ambitieux et humble.
Crédit photo : Hervé Bellenger / LNB