ITW David Morabito (Blois) : « Ce serait manquer d’humilité de dire qu’on vise le titre »

- 3 mars 2023

Champion Espoirs Pro B avec l’ADA Blois la saison passée, le coach David Morabito réalise une fois de plus une excellente saison. Actuellement troisième du championnat des Espoirs Elite, le club ne compte pourtant que deux joueurs ayant déjà une première expérience en Espoirs Elite.

Vous êtes promu et actuellement 3e au classement. Vous êtes la surprise du championnat. Quelles sont les clés de ce succès ?
J’ai envie de dire que c’est la continuité. Nous n’avons pas attendu d’être en Espoirs Elite pour commencer à travailler, et avoir un esprit formateur.
Nous ne sommes pas montés avec une obligation de recruter dans tous les centres de formation de France pour construire une équipe. On était dans notre continuité, ce qui nous a permis de recruter Maxime Sconard en provenance de Gravelines-Dunkerque et de Pavel Bronner-Szulc de Strasbourg. Ce sont les deux seuls joueurs de l’effectif à avoir connu le championnat Espoirs en première division.
C’est aussi le travail entamé avec certains joueurs issus de la catégorie U18, depuis quatre ans. C’est le développement de nos joueurs depuis toutes ces années, fait qu’aujourd’hui ils grandissent avec nous, ils se développent. Notre équipe tourne pas mal autour de la génération 2004, cela fait quatre ans qu’ils travaillent avec nous. Petit à petit, leur niveau devient intéressant.

 » On essaie de construire de meilleurs joueurs, mais aussi de meilleurs hommes. « 

Vous avez été champions des Espoirs Pro B la saison passée, l’objectif actuel est-il capable d’aller chercher un nouveau titre  ?
Avec nos joueurs, on ne parle jamais d’objectif de titre. On ne l’avait pas fait la saison passée, on le fera encore moins cette saison. Il y a minimum deux équipes comme Cholet ou l’Asvel qui sont un cran ou deux au-dessus.
Pleins d’autres bonnes équipes peuvent y prétendre, ce serait manquer d’humilité de dire qu’on vise le titre.
Notre manière de travailler, c’est de raisonner en performance individuelle et développement. Nous sommes un centre de formation, on y retrouve le mot « formation ». Notre objectif est de développer les joueurs, les amenant au statut professionnel. Cela leur permettra de créer une petite histoire et une osmose collective qui nous permettra d’être performant.
L’une de nos forces, c’est le travail quotidien pour la formation, et que nos résultats soient une conséquence de cela.

Au-delà des résultats sportifs, il y’a eu un taux d’obtention à 100% au baccalauréat. Qu’est-ce qui a été mis en place pour que les joueurs aient cet accès à la réussite dans les deux domaines ?
Chez nous, c’est un double projet. On essaie de construire de meilleurs joueurs, mais aussi de meilleurs hommes. On les aide pour qu’ils puissent réussir à obtenir leur diplôme. Il y a des professeurs de soutien.
Je dirais qu’il y a deux axes forts dans notre centre de formation. Ce sont les infrastructures, et les moyens humains. Premièrement, car les joueurs sont logés en chambre individuelle. Il n’y a donc pas de déplacement dans les transports en commun.
Sur le second plan, dans le staff technique, je dispose de trois entraîneurs adjoints de terrain, et d’un préparateur physique. Sur le staff qui entoure le centre de formation, il y a une personne pour gérer l’administratif, un directeur du centre de formation et quatre professeurs de soutien scolaire. Ils interviennent auprès des joueurs deux fois par semaine pendant une heure et demie.
Ce sont bien des professeurs, et non pas des étudiants. Ils enseignent dans des matières différentes, et peuvent aider les jeunes dans la double réussite de ce projet sportif et scolaire.

En tant que coach sur le plan sportif, vous impliquez-vous dans le cadre éducatif, et intervenez auprès des joueurs pour les accompagner dans ce projet ?
Oui, bien sûr ! Je considère que le responsable du centre de formation doit avoir une vision globale qui dépasse le terrain, qui accompagne le joueur sur et en dehors du terrain. Cette manière de m’intéresser à mes joueurs, et de les accompagner, avec du temps hors du rectangle rouge me permet de mieux les connaître. Grâce à cela, je connais mieux l’homme également, et je peux l’accompagner.

Vous êtes l’un des plus jeunes coachs du championnat à 35 ans, cela renforce t-il votre lien de proximité avec vos joueurs ?
Je ne sais pas si c’est l’âge, mais plus ma philosophie. Même si je pense comme tout le monde, parfois, j’ai du mal avec la nouvelle génération et tout ce qui la compose. J’essaie de comprendre, mieux comprendre ce qui les attire, ce qui les passionne, et d’accepter que l’éducation a évolué.
Plutôt que de rester dans cette idée de « vieux con », en disant que c’était mieux avant, je vais utiliser les outils me permettant de les comprendre.
Je ne dirais pas que c’est l’âge, je pense que d’autres collègues qui sont plus âgés que moi peuvent tout à fait avoir ce raisonnement. Je trouverais cela un peu réducteur de se baser que sur l’âge.
Les jeunes actuels sont différents de mon époque. La manière dont je travaille avec eux et dont je réfléchis consiste à comprendre pourquoi et comment. Il faut aussi savoir les manager dans ce nouveau cadre de communication, et de réseaux sociaux. Plutôt que d’être réfractaire et en conflit par rapport à cela, j’essaie de comprendre. On a une population plus globale qui tend vers l’égoïsme, où les gens pensent de plus en plus à eux-mêmes. Je pense que dans cette manière de travailler, on ne peut pas demander au joueur de donner sans qu’il reçoive en retour. L’idée est de rester à l’équilibre dans l’aspect mental, technique et physique. Il faut savoir demander au joueur, rendre des comptes, et donner en retour.
À l’époque, le coach était le petit chef, tout le monde filait droit, et les autres n’avaient rien à dire. Aujourd’hui, les jeunes ont un avis, et cela m’intéresse. Ce ne sont pas des robots, cela montre qu’ils deviennent acteurs de leurs projets. Il ya plus de valeurs quand cela vient du joueur en lui-même. J’essaie de travailler de cette manière, en les construisant de façon à ce qu’ils deviennent acteurs de leur projet.

Avec ces deux belles saisons dans les championnats Espoirs, voyez-vous certains joueurs sortir du lot, pouvant s’imposer rapidement dans une équipe professionnelle ?
Oui, car notre objectif de recrutement est de les regarder, et se dire « pourquoi pas lui ».
Le jour où je n’aurais plus ce regard, il faudra que nos routes se séparent, car ce ne sera plus mon travail. Ce sera peut-être celui avec une N2 ou une N3. C’est une chose que je me dis avec chacun de mes joueurs.

Vous avez parlé de la communication avec vos joueurs et les valeurs d’humilité et d’ambition. Est-ce une trace que vous vous souhaitez laisser auprès de vos joueurs, afin qu’ils deviennent de grands professionnels à l’avenir ?
Ce sont des valeurs auxquelles je crois. J’aime les joueurs ayant du caractère et de la personnalité. Souvent, on a tendance à les opposer. Je caricature, j’exagère, mais on peut nous voir comme une « mauvaise personne », si on en a. Je pense, au contraire, si j’ai des joueurs qui ont du caractère et de l’ambition, c’est qu’ils veulent grandir. Mais, à côté, ils doivent avoir l’humilité de travailler chaque jour pour atteindre leurs objectifs, et valider cette ambition.
Celui qui pense qui n’a que l’ambition, qu’il pense qu’il y arrivera juste grâce à cela, avec un nom ou une qualité en particulier, n’est pas humble, et tout s’oppose. J’essaie de transmettre ces valeurs à mes joueurs, et d’autres aussi. Le joueur peut être amené à nous demander à chaque fois : pourquoi ?
Si je les transmets à mes joueurs, que je ne suis pas capable de répondre, pourquoi j’y crois et pourquoi cela fait partie de moi, alors je ne serais pas capable de répondre à cette question et de véhiculer ces valeurs. C’est important d’être soi-même et de transmettre un message auquel on croit.

Crédit photo : Tuan Nguyen / Virgin Lapeyronie

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